L'Europe doit trouver un nouveau pacte sur la Pac

Les 50 milliards d'euros de la politique agricole commune sont de nouveau sur la sellette. Dacian Ciolos, commissaire européen à l'Agriculture, va devoir composer pour la Pac 2013 entre les intérêts sectoriels et ceux des pays producteurs.
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Les mois à venir ne seront pas de tout repos pour le commissaire à l'Agriculture. En s'attaquant au poids lourd du budget européen, la politique agricole commune (PAC), ses 50 milliards d'euros de subventions annuelles et ses plus de 40 % du budget communautaire, Dacian Ciolos va trouver sur sa route les intérêts sectoriels. Il devra aussi composer avec la traditionnelle alliance franco- allemande qui, sur ces sujets, s'est rarement démentie en un demi-siècle de « marché commun ». Reste que les propositions qu'il a mises sur la table le 17 novembre sont aussi pleines de bon sens que le système actuel en paraît dépourvu.

D'où vient-on ? En 2010 et jusqu'à la réforme attendue en 2013, le gros de la manne européenne sera distribué sur la base des aides reçues entre... 2000 et 2002, soit dix ans plus tôt. Depuis 2003, les aides à l'hectare, généralisées après la précédente « révolution » de 1992 qui a substitué l'aide directe aux agriculteurs aux mesures de soutien aux prix, sont en effet versées sur une base « historique ». Les aides au coton grec peuvent ainsi monter à 2.000 euros par hectare, quand la moyenne européenne est de 270 euros. En économie, cela s'appelle une rente, comme l'écrit l'ancien ministre français de l'Agriculture Henri Nallet dans sa défense critique de la PAC (*).

Dans le jargon communautaire, le terme consacré est « découplage ». C'est ainsi que celui qui interroge la Commission sur le soutien aux producteurs de riz camarguais ou de bananes martiniquaises s'attire la réponse suivante : « Nous n'avons pas ces données. Étant donné que les aides sont maintenant découplées, les agriculteurs reçoivent une aide et produisent ce qu'ils veulent. » (Sic).

Le découplage, fruit d'un long processus engagé en 1992 pendant la conclusion de l'Uruguay Round, n'est pas remis en cause. Mais les références historiques, elles, « deviennent de plus en plus difficiles à défendre au fur et à mesure que l'on s'éloigne des dates de référence », consent une source bruxelloise avec un sens certain de la litote. En sortir, oui, mais pour aller vers quoi ? Aux droits historiques, Dacian Ciolos oppose l'« équité ». Les aides qui s'ajoutent aux revenus de la production doivent refléter l'apport des agriculteurs aux « biens publics » tels que la sécurité alimentaire de l'Europe, le maintien des paysages, l'aménagement du territoire, la lutte contre le changement climatique. Le commissaire peut plaider à juste titre qu'un demi-point de PIB (le coût de la PAC) pour tout cela, ce n'est pas si cher.

Mais comment chiffrer, exploitation par exploitation, cette contribution ? Actuellement, les aides à l'hectare varient de 100 euros en Lettonie à 800 à Malte, la France se situant dans la moyenne communautaire autour de 300 euros. On parle de la moduler à l'avenir en fonction des coûts du foncier, du travail, ou encore du taux de change. En pratique, la discussion s'articulera sur le degré de redistribution acceptable entre filières et entre pays qu'une source informée situe autour de 5 %. Tout en soutenant la réforme, Paris fait savoir qu'elle se fixe comme objectif de conserver sa part du budget, soit environ 20 %, ce qui correspond à peu près au poids de la France dans la production des Vingt-Sept.

Le commissaire veut aussi introduire une aide plancher, pour les plus petits exploitants, et un plafond, pour les plus grands, histoire d'essorer la rente foncière de la reine d'Angleterre ou des anciennes fermes communistes de l'est de l'Allemagne ou de la République tchèque. Les tentatives de ses prédécesseurs ont échoué.

Les deux années passées ont aussi montré que les revenus de complément tirés de la PAC, bien qu'ils représentent en moyenne 40 % des revenus des agriculteurs, ne permettent pas toujours d'amortir les variations des prix mondiaux et des aléas naturels. L'Europe qui a réduit ses instruments d'intervention sur les marchés à des « filets de sécurité » veut réinventer des « outils de gestion des risques » sans s'exposer aux foudres de l'OMC. Les bonnes idées sont bienvenues. Enfin, le début de transparence sur les bénéficiaires des aides introduite en 2007 venait à l'appui de sa stratégie de défense des intérêts du citoyen européen contre les corporatismes et les chapelles nationales. Mais la Cour de justice de Luxembourg vient de lui couper l'herbe sous le pied en déclarant « invalide » cette publicité, au nom de la protection des données personnelles. Si on ajoute à cela la pression à la baisse sur le budget communautaire, qui rend fort improbable toute augmentation de la taille du gâteau, on mesure les périls vers lesquels avance le soldat Ciolos.

(*) « L'Europe gardera-t-elle ses paysans ? », édité par la Fondation Jean Jaurès-FEPS, à paraître.

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