Dracula, votre conseiller financier

Par Eric Albert, correspondant à Londres
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Votre conseiller financier est comme Dracula. Méfiez-vous de ses sourires et de son charme : dès que vous serez seul avec lui, il cherchera à planter ses longs produits sophistiqués dans votre portefeuille pour vous sucer votre argent liquide. Pour le combattre, une seule arme : la lumière du grand jour. Rien de tel que la transparence pour anéantir immédiatement son ensorcellement. La Commission européenne l'a bien compris. Elle est en train de préparer une nouvelle régulation (répondant au doux acronyme anglais de Prips), pour laquelle la consultation s'est terminée la semaine dernière. Objectif : encadrer la vente des produits financiers aux particuliers. Une simple directive de plus, technique et difficilement compréhensible ? Bien au contraire. « Cette réglementation va secouer l'industrie financière en son coeur », avertit Charles Cronin, du CFA Institute, une association de formation des professionnels de l'investissement, qui vise à améliorer l'éthique du métier. Quelle est donc cette méthode révolutionnaire inventée par Bruxelles ? Il s'agit tout simplement de deux petites pages format A4, listant les composantes du produit financier mis en vente. Chaque produit vendu devra, entre autres, faire figurer le niveau de risque proposé, la performance historique du produit, mais aussi et surtout, son coût. Les honoraires et autres commissions empochés par les conseillers financiers et les gérants devront figurer noir sur blanc. Les gérants redoutent plus que tout cette lumière crue. « L'industrie de la gestion hurle contre cette proposition », explique Charles Cronin. On comprend les craintes des conseillers financiers : cela reviendrait à demander à Dracula de dévoiler la liste de ses victimes avant chaque nouvelle rencontre... Le niveau des commissions empochées par l'industrie de la gestion est un secret bien gardé : il y a le montant empoché par le conseiller financier, les frais de gestion à proprement parler, plus quelques faux frais administratifs passés inaperçus. L'an dernier, une émission financière de la BBC avait déniché un cas spectaculaire : une vieille dame retraitée avait investi 150.000 livres (180.000 euros) ; de cette somme était retirée une commission initiale de 12,9 % (!) versée à son conseiller financier, qui s'appropriait ensuite 1 % supplémentaire par an ; à cela s'ajoutaient les frais de gestion, non dévoilés (sans doute entre 0,3 % et 0,5 %), et le taux d'intérêt qui pesait sur la somme (celle-ci était empruntée), tournant autour de 8 %. La probabilité que ce produit rapporte quelque chose à son investisseur était donc très faible. Pourtant, les commissions sont stratégiques : 73 % des vendeurs européens de produits financiers estiment même qu'elles sont plus importantes que les besoins des clients, selon un sondage publié en 2009. Bruxelles étant incorrigible, les deux pages A4 qui vont être mises en place ont un acronyme pas très élégant : KIID (« Key investor information document »). Ces données simples vont cependant permettre quelque chose de révolutionnaire : comparer les produits. Les incompréhensibles notices de 22 pages au jargon juridique expliquant les « termes et conditions » des produits, noyant les détails importants, continueront d'exister. Mais elles seront désormais complétées par un document simple et formaté. De quoi faire frémir !

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