Les mirages de la TVA sociale

Par Philippe Crevel, économiste, secrétaire général du Cercle des épargnants.
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La TVA sociale comme solution à nos problèmes est devenue une des meilleures antiennes du débat public. Elle est censée résoudre tout à la fois notre problème de coût du travail, notre déficit commercial et améliorer la situation de nos finances publiques. Or, si l'idée peut apparaître séduisante, elle repose sur de nombreux contresens et contrevérités. Son application, en 2011, ne réglerait pas nos problèmes et pourrait même les aggraver.

Selon ses partisans, la création de la TVA s'accompagnant d'une baisse des charges sociales améliorerait la compétitivité des entreprises et pourrait être génératrice d'emplois. La TVA sociale, en s'appliquant sur l'ensemble des biens et services soumis à la TVA en France, concernerait les produits importés qui ne financent pas la Sécurité sociale. En revanche, les produits exportés en seraient exonérés facilitant ainsi l'accroissement des parts de marché de la France.

En matière d'impôt, il ne faut pas oublier une règle, c'est toujours le consommateur final qui le paie. Relever la TVA pour taxer les produits chinois, c'est dans les faits taxer le consommateur français. Dans le prix d'un produit de consommation courante (habillement par exemple), le coût de fabrication intervient pour moins de 10%. La majoration de la TVA frappera donc des prestations d'origine française.

L'impact recherché sur l'emploi ne sera donc pas à la hauteur des espérances. Compte tenu des écarts de salaire, le transfert de charges sociales sur la TVA ne changera qu'à la marge la compétitivité des produits français car l'ensemble de la chaîne devra supporter la TVA. De plus, le taux normal de TVA s'élevant à 19,6%, il ne peut être relevé qu'au maximum de 2 points.

L'augmentation du taux de TVA aura un effet indirect avec l'accroissement des remboursements pour l'Etat. En effet, les entreprises ne versent que la différence entre la TVA perçue sur le consommateur et la TVA acquittée dans le cadre de la production. L'augmentation du taux de TVA ne ferait qu'augmenter les remboursements de TVA ; le panier est ainsi en partie percé. Certaines activités, en particulier dans le secteur financier, échappent à la TVA, ce qui nécessiterait un système à deux vitesses, ou de jouer avec l'archaïque taxe sur les salaires qui n'est pas déductible et qui pénalise déjà le secteur français de l'assurance.

L'augmentation de la TVA pénaliserait donc le consommateur qui verrait son pouvoir d'achat amputé, sauf à augmenter d'autant son salaire. Dans ce cas, le transfert ne serait qu'un jeu de bonneteau avec un risque d'enclenchement d'une spirale inflationniste.

Certes, l'Allemagne a prouvé l'efficacité de la hausse de la TVA, avec le rebond de la croissance, d'importants excédents commerciaux et un faible taux de chômage.

Mais en la matière, il convient de raison garder. Le taux de TVA avant la hausse était de 15% quand, en France, il est déjà de 19,6%. Le relèvement du taux normal outre-Rhin de 4 points a permis une légère baisse des charges sociales mais surtout une réduction de l'impôt sur les sociétés. La maîtrise des coûts est imputable à la rigueur salariale. L'Allemagne n'est pas dans la même situation que la France. Le moteur traditionnel de sa croissance repose sur les exportations quand, chez nous, c'est la consommation. La population allemande décroît quand la nôtre s'accroît. Il est donc crucial, pour les Allemands, d'exporter pour maintenir leur niveau de richesses quand, en France, il faut chercher des gains de croissance dans la consommation et l'investissement.

Relever la TVA impacte par nature la demande, ce qui, en Allemagne, a moins d'effet qu'en France. En outre, la hausse est intervenue en période de faible inflation. Aujourd'hui, le contexte a profondément changé. Le Royaume-Uni commence à douter du bien-fondé du relèvement de la TVA avec à la clé un risque de stagflation.

Sur le papier, la TVA sociale est séduisante, mais, comme tout impôt, elle a des effets pervers. D'un coup de baguette magique, elle ne saurait effacer le fait que la France a un niveau de prélèvements obligatoires supérieur à la moyenne européenne. Derrière la TVA sociale, se cachent de vieilles tentations françaises, le protectionnisme et le poujadisme.

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