Laissez sa chance à Lars Olofsson !

Le directeur général de Carrefour, en poste depuis janvier 2009, se retrouve sous pression, comme l'ensemble des cadres du groupe. Sa stratégie peine encore à porter ses fruits mais il lui reste, en principe, encore deux ans pour faire ses preuves.
Copyright Reuters

Lars Olofsson n'est directeur général de Carrefour que depuis janvier 2009. Soit deux ans et deux mois. Et, déjà, on dit le Suédois sous pression. Un long ruban d'indices fait virevolter cette rumeur depuis l'été 2010. Chacun démontrerait combien Lars Olofsson déçoit, voire agace, les actionnaires de Carrefour, Groupe Arnault et Colony Capital entrés au capital voilà quatre ans. Le concept de nouvel hypermarché Carrefour Planet, qu'il teste depuis août 2010 pour améliorer son rendement, n'a pas immédiatement fait mouche en France. Qu'en sera-t-il alors des 18% de chiffre d'affaires additionnel que Lars Olofsson a promis en 2015 après la rénovation de 500 hypers en France, Espagne, Belgique, Italie et Grèce ? Le doute s'installe.

In extremis, en novembre 2010, après avoir cédé sa filiale thaïlandaise à Casino pour 868 millions d'euros, le groupe, présent dans trente pays, a renoncé à vendre ses filiales de Singapour et de Malaisie. Pourquoi ? Tout le monde a compris que Carrefour s'apprêtait à faire une énorme bêtise en se retirant d'une zone, certes petite, que jalousent ses concurrents, Walmart, Metro et Tesco. Enfin, au Brésil, pays clé, Carrefour a découvert des malversations dans ses comptes. Il lui en a coûté deux avertissements sur résultats à l'automne dernier. Et son résultat 2010 en sera grevé de 550 millions d'euros de provisions. Mais - diable ! - qui pilote Carrefour ?

La crainte d'une erreur de casting se nourrit aussi des décisions de stratégie annoncées en 2010. Aucune n'a mis en appétit les investisseurs. Pas même la perspective d'une scission avec, notamment, le projet d'introduire en Bourse une minorité du capital de Carrefour Property, sa foncière. Fin janvier, ce projet qui ressemble fort à celui mené chez Accor, dont Colony Capital est aussi actionnaire, a fuité dans la presse. Mais, après un rapide calcul, les analystes estiment que cette opération ne créerait pas un supplément de valeur suffisant par rapport aux 24 milliards d'euros, capitalisation actuelle du groupe. Depuis, le titre n'a guère évolué. Mais la rumeur s'en est nourrie : "vous voyez bien, Lars Olofsson est sous pression", dit-elle.

Mais quel intérêt auraient les actionnaires à imposer encore une nouvelle tête à la direction générale ? Le groupe aux 101 milliards d'euros de chiffre d'affaires est entré dans un mouvement de révolution perpétuelle voilà deux ans. Son plan de réduction de coûts - Carrefour doit économiser 2,1 milliards entre 2009 et 2012 - a mis ses cadres à genoux. Mi-décembre 2010, le siège social de Levallois-Perret a été éclaté. La direction du groupe a rejoint un immeuble neuf à Boulogne-Billancourt. Les équipes de la centrale d'achat alimentaire de Carrefour France sont, elles, parties à Massy, dans l'Essonne, à 20 km au sud. Au grand dam des salariés contraints à des heures de RER B pour rejoindre leur lieu de travail. Et de tous ceux qui, entre décembre et février, négocient âprement les contrats annuels de Carrefour avec leurs fournisseurs. Mauvais timing, déplorent les acheteurs priés d'économiser "fissa" 1 milliard d'euros dans leurs achats d'ici à 2012.

Ce déménagement émousse encore leur motivation à travailler chez Carrefour, numéro deux mondial de la distribution. D'autant que Lars Olofsson a piqué à vif l'orgueil des carrefouriens en renouvelant quasiment tout l'état-major du groupe sans faire appel à des promotions internes. L'ancien patron de Nestlé a fait entrer des soldats des lignes ennemies : un ex-Tesco, James McCann, à la tête de Carrefour France, un ancien Procter & Gamble, José Carlos González-Hurtado, pour diriger le développement commercial et marketing du groupe, et un ex-Walmart, Vicente Trius, pour couvrir l'activité européenne. Il lui fallait du sang neuf. Il l'avait négocié auprès de ses actionnaires. D'eux, le Suédois a aussi exigé du temps. Au moins, quatre ans, se dit-il.

Avenue Montaigne, dès ses premiers entretiens avec Bernard Arnault à l'été 2008, Lars Olofsson a obtenu qu'il lui laisse quatre années de tranquillité. Il lui reste donc deux ans de temps de parole, deux ans d'hyperaction pour trouver la bonne formule de magasins, deux ans pour relancer la machine à cash. Il faut lui laisser maintenant sa chance. Il en va de l'avenir d'un groupe, fierté tricolore d'antan, numéro deux mondial de la distribution derrière Walmart. Il en va également du sort de ses 550.000 salariés.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.