« Le gouvernement risque de déstabiliser l'assurance-vie »

Stéphane Dededyan, membre du comité de direction générale de Genrali France, explique pourquoi les projets de réforme de la fiscalité de l'assurance-vie pourraient être néfaste à l'économie française.
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Pourquoi êtes-vous opposé à la réforme de la fiscalité de l'assurance-vie ?

La valse-hésitation sur l'évolution de la fiscalité vient s'ajouter à l'environnement économique difficile et aux rendements des fonds en euros sous pression. Tous ces facteurs ont un effet néfaste : la collecte brute est en baisse de 11 % en ce début d'année 2011 et la collecte nette recule de 35 % par rapport à 2010 qui n'était pourtant pas une année aussi dynamique que 2009. Or l'assurance-vie joue un rôle clé dans le financement de l'économie française. Ne jouons pas aux apprentis sorciers !

Mais est-il légitime que l'assurance-vie bénéficie d'un régime de faveur ?

L'assurance-vie ne bénéficie d'une fiscalité réduite qu'après huit ans de détention. Après ce délai, les gains sont taxés à 19,8 %, compte tenu des prélèvements sociaux. Mais entre quatre et huit ans, la fiscalité est standard comme sur les autres placements, à savoir 27,3 %. Et lorsque la détention est inférieure à quatre ans, la fiscalité monte à 47,3 %. La taxation est donc logique et cohérente pour un placement de long terme. Ce n'est pas ce que j'appelle un régime de faveur.

Le gouvernement envisage d'alourdir la fiscalité sur les gros contrats. Qu'en pensez-vous ?

Créer une taxe annuelle sur une plus-value potentielle qui n'est pas encore réalisée me paraît irréaliste et extrêmement dangereux. Lorsque le contrat serait en moins-value, il faudrait donc accorder un crédit d'impôt... Ce qui ne paraît pas très cohérent avec la recherche de stabilité des recettes fiscales. De plus, sur le plan technique, il faudrait mettre en place une usine à gaz informatique pour prévoir cette taxe.

Craignez-vous un effet repoussoir auprès de la clientèle fortunée ?

Les encours sont effectivement concentrés au sein d'une population qui est par ailleurs la plus grande pourvoyeuse d'impôts. 75 % de l'encours de l'assurance-vie est détenu par 30 % des souscripteurs. On peut craindre que la taxation supplémentaire ne provoque le transfert d'une partie de l'épargne de l'assurance-vie vers d'autres placements, en particulier le livret A. Or, le livret A n'a absolument pas les mêmes vertus de financement à long terme. On peut craindre également que cette nouvelle taxation n'accélère le mouvement de délocalisation des patrimoines vers l'étranger.

L'alourdissement de la fiscalité vous semble donc contre-productif ?

Absolument. L'assurance-vie produit 5,2 milliards de recettes fiscales et sociales pour un encours stabilisé de 1. 300 milliards d'euros d'épargne longue, dont 940 milliards investis dans les entreprises françaises. Les assureurs financent 50 % de la détention domestique des obligations d'entreprises françaises et un tiers de la détention domestique de la dette publique française. Trente millions de Français détiennent un contrat d'assurance-vie. Donc, en touchant à la fiscalité de l'assurance-vie pour gagner seulement 1 milliard, le gouvernement prend le risque de déstabiliser le poumon de l'économie française.

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