Lisbonne 1755, Sendai 2011

Par François Lenglet, directeur de la rédaction de La Tribune.
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"Ô rêves des savants ! Ô chimères profondes !", écrivait Voltaire à la suite du tremblement de terre de 1755 qui, en ébranlant le Royaume du Portugal, avait déclenché une onde de choc intellectuelle dans toute l'Europe, faisant vaciller jusqu'à l'ordre divin. Deux siècles et demi plus tard, le séisme de Sendai révèle deux vulnérabilités du monde contemporain.

La première touche à l'énergie, et nous rappelle qu'à ce jour, il n'y a de solution propre, durable et sans risque, pour alimenter une économie mondiale aux dimensions croissantes, que dans les rêves des savants. Il y avait bien eu la catastrophe de Tchernobyl, en avril 1986, mais elle avait été attribuée à l'incurie soviétique et pas à la technologie - non sans raison. Le Japon est au contraire l'un des pays les plus développés, les plus experts et les plus sûrs au monde. Et c'est pourtant là que s'est produit l'enchaînement fatal d'un événement extrême et de décisions humaines qui pourrait infléchir la politique énergétique de nombreux pays et les faire revenir vers les sources carbonées, quels qu'en soient les inconvénients.

La seconde vulnérabilité est d'ordre financier. L'archipel est tout à la fois fort riche et en faillite, avec une dette publique de deux fois la valeur de son PIB annuel. Bien avant l'Occident, il a vécu l'explosion d'une gigantesque bulle spéculative, au début des années 1990, et ne s'en est jamais relevé. Il va lui falloir financer une reconstruction qui s'évaluera en centaine de milliards de dollars, largement sur fonds publics. Si le pays peut encore puiser dans la vaste réserve de son épargne nationale, il touchera un jour ou l'autre une limite que personne ne peut situer avec précision. Pas plus que les tremblements de terre, les séismes financiers ne préviennent. De ce point de vue aussi, le Japon est en avance sur les autres pays développés.

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