L'Europe doit revoir sa stratégie énergétique

Pour atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés pour 2050, l'Europe doit très vite ouvrir les négociations pour la période 2020-2030. Avec un impératif : réduire sa consommation d'énergie.
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Au moment où s'ouvre à nouveau le débat sur l'énergie nucléaire, la nouvelle communication de l'Europe sur la feuille de route pour 2050 prend tout son sens : comment peut-elle réussir sa transformation vers une économie et une société sobre en carbone ? Quels sont les choix énergétiques, industriels, de mode de vie qui sont cohérents avec l'objectif de long terme auquel l'Europe a souscrit en 2008 ?

Cette feuille de route sera la base des prochains conseils européens qui devront trancher sur la révision du paquet énergie climat. Elle marque un renversement de perspective important dans la façon dont l'Europe envisage ses politiques climatiques et énergétiques. Jusqu'à présent, elle s'est inscrite dans une logique de partage du fardeau international en proposant à Copenhague un engagement unilatéral de réduction de ses émissions de 20 %, et un passage à 30 % en cas d'accord global. Aujourd'hui, il s'agit de choisir un objectif qui se justifie pour l'Europe elle-même. Est-ce seulement un débat de chiffres ? En partie, car le statu quo (20 % de réduction des émissions en 2020) sera, la crise aidant, atteint sans transformation structurelle de l'économie, et mettra hors de portée l'objectif de long terme. Compte tenu de la grande inertie du système économique, notamment du fait de la durée de vie des infrastructures (transports, bâtiments ou production d'électricité), les économies européennes seront piégées pour longtemps dans des modes de production et de consommation voraces et désuets. Faute de stimuler l'innovation technologique et son déploiement.

Pour atteindre son objectif en 2050, l'Europe doit faire converger les anticipations des acteurs économiques vers une vision de long terme afin d'influencer massivement les stratégies d'investissement. Au-delà du débat à propos de la correction du prix du carbone sur le marché européen pour la période d'allocation qui commence bientôt, il est donc urgent d'ouvrir la négociation sur la période 2020-2030. Mais, en se focalisant sur un objectif chiffré, le débat actuel fait l'impasse sur les politiques concrètes, économiques, structurelles et sectorielles qui détermineront les bénéfices de la transition, que ce soit en termes de croissance induite par le progrès technologique, de sécurité énergétique ou d'emplois. Le prix du carbone ne suffira pas à tout résoudre.

En étudiant les trajectoires possibles pour atteindre, à moindre coût, l'objectif de réduction à long terme, des conclusions se dégagent nettement. La priorité, c'est la maîtrise de la demande d'énergie : accélération de l'isolation des bâtiments, en particulier de ceux déjà construits, et investissements massifs pour obtenir un réel transfert modal dans les transports, à la fois au niveau des villes - construction de réseaux de transports publics - et pour relier les villes européennes entre elles - construction de voies de chemin de fer à grande vitesse. Des projets d'infrastructures de grande taille, l'Europe en a l'expérience dans l'énergie, que ce soit pour la production (Desertec) ou les réseaux de gaz (Nabuco). Pourquoi ne saurait-on pas le faire pour les transports ?

L'Europe doit agir vite dans ces domaines pour éviter les inerties coûteuses et profiter de la création d'emplois non délocalisables. Cela donnera du temps pour faire baisser les coûts des technologies encore non matures dans les secteurs industriels ou la production d'électricité.

Quel avenir l'Europe choisit-elle, pour la planète, mais surtout pour elle-même ? Les défis climatiques et énergétiques et le rattrapage économique des grands pays émergents dessinent les contours d'une nouvelle économie mondiale dans laquelle l'Europe doit se positionner. La Corée du Sud, la Chine ou les États-Unis investissent massivement dans certaines technologies, comme les énergies renouvelables ou les véhicules électriques. La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, justifiée par l'impératif climatique, dépasse largement le cadre d'une simple question environnementale. C'est aussi un enjeu social d'équité entre pays et individus, un enjeu économique de compétitivité et un enjeu industriel de création de nouvelles filières. Espérons que le débat européen réunira ces différentes dimensions. Sinon, le potentiel d'une croissance économique européenne mise au service de ses citoyens et de l'environnement mondial restera prisonnier d'un débat mal posé.

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