Loi Nome : passer d'une logique "de prix" à une logique "de coût"

Par Jean-Christophe Cheylus, directeur général adjoint de Poweo
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La loi proposant une Nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome) arrive dans la dernière ligne droite avec la décision sur le prix de l'Arenh (Accès régulé à l'énergie nucléaire historique), s'appliquant à la production nucléaire cédée par EDF à ses concurrents, et l'entrée en vigueur de la loi au 1er juillet. Une étape importante a été franchie mais tout reste à faire.

La détermination du prix de l'Arenh a cristallisé les passions. Entre les partisans du 35 euros/MWh (position de GDF Suez) et les tenants d'une valeur proche de 42 euros/MWh (EDF), le débat a été vif, et le gouvernement a finalement tranché pour la fourchette haute, soit un prix de 42 euros/MWh à partir du 1er janvier 2012. Le débat est surtout devenu inintelligible pour le grand public et il convient de revenir à l'esprit de la loi.

Le texte de loi promulgué le 7 décembre 2010 est clair sur deux points : le prix de l'Arenh doit couvrir les coûts du parc électronucléaire français et, à partir de 2015, les tarifs réglementés seront construits en cohérence avec le prix de l'Arenh et, par conséquent, en cohérence avec les coûts du nucléaire. Il est parfaitement logique que les coûts soient couverts par les acheteurs de la production nucléaire, que ce soit à travers l'Arenh ou à travers les tarifs réglementés ; si tel n'était pas le cas, le système ne pourrait durer de façon pérenne. Cela ne se discute pas : si les coûts ne sont pas couverts aujourd'hui, qui les supportera demain ?

Le noeud du problème réside donc dans le fait de savoir quel est le coût exact du nucléaire et non de débattre uniquement du prix auquel il sera vendu. Les seuls à même de répondre à cette question cruciale sont les opérateurs actuels de centrales nucléaires. C'est là que le bât blesse car les positions des experts d'EDF et GDF Suez divergent Quoi qu'il en soit, les conditions d'application de la loi doivent permettre la mise en place d'une concurrence saine, c'est-à-dire baisser les coûts de commercialisation et encourager l'innovation.

Certains cherchent aujourd'hui à stigmatiser l'ouverture du marché au motif qu'elle entraînerait mécaniquement une hausse des prix de l'électricité. En réalité, la concurrence n'a aucun effet sur les coûts de production du parc nucléaire français exploité par un opérateur unique. Seule la nécessité d'investir à nouveau massivement dans la maintenance et la sûreté de ce parc justifie une hausse des tarifs réglementés.

L'ouverture à la concurrence a été un facteur de compétitivité des prix (les nouveaux entrants se sont positionnés sur des offres inférieures aux tarifs réglementés) et d'innovation (nouveaux services). Les consommateurs ont été les premiers à en profiter. Ils en bénéficieront encore demain à condition que les règles du jeu donnent l'égalité des chances aux différents compétiteurs. Rappelons que l'opérateur historique n'a aucunement à en souffrir dès lors que la couverture des coûts de production est respectée et qu'il est parfaitement normal que son efficacité commerciale soit mise à l'épreuve de la concurrence.

L'émoi provoqué par l'accident survenu à la centrale de Fukushima a replacé la question du nucléaire au centre du débat sur l'énergie. Ce débat est sain mais il a aussi contribué à créer un véritable amalgame entre besoins d'investissements, prix de l'électricité et ouverture du marché. Il appartient aux pouvoirs publics de faire en sorte que sa mise en application permette à la loi Nome d'atteindre les objectifs ambitieux pour lesquels elle a été élaborée. La loi et les décrets en préparation donnent les moyens d'opérer une transition douce pour les clients industriels et de créer un espace concurrentiel indispensable à l'ouverture du marché sur les autres segments. Les choix d'aujourd'hui engagent la politique énergétique de la France de manière durable. Ils ne sauraient donc être influencés par une vision à court terme ou par des positions de nature idéologique au sujet de l'ouverture du marché.

 

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