Temps de travail : Angela Merkel et les paresseux

Par Frédéric Gonaud, professeur associé d'économie à Paris-Dauphine.
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Le 18 mai, Angela Merkel lançait une accusation compacte et cuisante : "nous ne pouvons pas avoir une monnaie commune et certains beaucoup de vacances et d'autres très peu." La déclaration soulève des questions nombreuses et intéressantes. Mais au final, elle est exacte : Mme Merkel doit cohabiter au sein de la zone euro avec pas mal de tire-au-flanc.

Paradoxalement, les statistiques internationales en matière de temps de travail annuel sont trompeuses. Les données de l'OCDE indiquent que la durée annuelle moyenne en Allemagne n'était que de 1.430 heures par an en 2008, beaucoup moins qu'en France (1.544 heures) ou que la moyenne de l'OCDE (1.764 heures). Malheureusement, ces données sont peu comparables : les écarts de temps de travail moyen entre pays ne sont pas seulement liés à la durée hebdomadaire du travail. Ils reflètent aussi le développement de l'activité à temps partiel, qui est plus avancé en Allemagne (26 % de la population active contre 17 % en France).

La question est donc de savoir si le développement du temps partiel est un facteur aussi nocif pour l'économie que le passage aux 35 heures. On peut en douter. Une étude de l'Insee publiée en 2009 montre que les CDD et l'intérim constituent des tremplins vers l'emploi stable et non des "trappes" à précarité. Un salarié en CDD ou en intérim a deux à trois fois plus de chances qu'un chômeur d'accéder à un emploi stable dans le trimestre suivant.

Dans tous les cas, comparer la durée hebdomadaire ou annuelle de travail entre les pays est un exercice délicat. Le temps de travail moyen est un thermomètre global de la capacité qui mesure l'effet de nombreuses caractéristiques d'une économie. L'OCDE estimait, en 2008, que les écarts de temps de travail entre pays peuvent être liés au niveau de prélèvements obligatoires et au degré de concurrence. Ainsi, une pression fiscale élevée pèse sur le temps de travail moyen, notamment pour les femmes et les personnes peu qualifiées. Une concurrence insuffisante pèse sur le temps de travail moyen - parce que le pouvoir de négociation des salariés est plus important dans des secteurs peu concurrentiels. La durée moyenne d'activité en nombre d'années au cours d'une vie constitue, en revanche, un meilleur mètre étalon.

Plutôt que d'inciter les actifs employés à travailler plus tard le soir en semaine, il est préférable de repousser l'âge de départ en retraite alors que l'espérance de vie augmente de deux années par décennie en moyenne. En France, depuis le 1er juillet 2011, l'âge légal de la retraite est de 60 ans et 4 mois (contre 63 ans en Allemagne à condition d'avoir cotisé 35 années pleines). L'âge effectif moyen de cessation d'activité est d'environ 59 ans en France (contre 62 ans en Allemagne). S'il augmentait de 1,25 année d'ici à 2020, la croissance française gagnerait 0,25% de PIB par an en moyenne. Plus de bras au travail, c'est plus de richesse créée et une meilleure incitation des seniors à poursuivre leur activité.

La chancelière allemande a parfaitement compris que la crise dans la zone euro pousse efficacement les retardataires, quels qu'ils soient, à mettre en place les réformes structurelles qu'ils avaient depuis trop longtemps repoussées. Celles que l'Allemagne avait mises en oeuvre au milieu de la décennie précédente. Dans le cas des retraites, il est impossible d'y voir une régression sociale. Geler l'âge de la retraite dans le contexte actuel contraindrait tôt ou tard à diminuer les pensions (actuelles et/ou futures) ou à augmenter fortement les prélèvements obligatoires.

Dans les deux cas, la réforme pèserait sur des catégories d'âge bien déterminées (respectivement, les retraités ou les baby-boomers ou les enfants des baby-boomers). En augmentant l'âge de départ en retraite, l'effort est beaucoup plus également réparti entre la plupart des générations. Sous cet angle, l'apostrophe de la chancelière allemande prend tout son relief : le coût économique que représentent "ceux qui prennent beaucoup de vacances" pèse aussi sur d'autres. En repoussant le seuil de départ en retraite dans les pays où il est bas, on observerait un redressement graduel de la croissance dans les petits États, une résorption structurelle de l'hétérogénéité économique dans la zone euro et le maintien de l'équité entre les générations.

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Commentaire 1
à écrit le 11/08/2011 à 18:04
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La déclaration de Angela Merkel était destiné à la droite montante allemande, il s'agit de plaire pour gagner les élection. Si "Paris vaut bien une messe" Berlin vaut bien une calomnie pour flatter les baveux nouveaux nazis allemands, qui lors des pr...

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