Le retour en grâce de la gestion active

L'engouement actuel pour la gestion passive ne doit pas faire illusion. L'industrie de la gestion d'actifs ne sera demain ni dominée par l'univers de la gestion active, ni par celui de la gestion passive, mais par le meilleur de ces deux mondes.
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La crise financière de 2008 a ramené les investisseurs institutionnels à la case départ. Ceux-ci doivent de nouveau revenir aux questions les plus élémentaires sur la nature des besoins de leurs clients et sur les moyens d'y répondre.

A bien des égards, le secteur de la gestion d'actifs est de plus en plus concerné par cette évolution. En particulier, les investisseurs sont en train de revoir leur jugement sur la gestion active. En période de marché haussier, les gérants qui dégagent - ou tout au moins, prétendent dégager - de l'alpha [surperformance d'un actif par rapport à sa performance théorique, ou capacité d'un gérant à créer de la valeur, Ndlr] sont pléthores. Mais lorsque les conditions deviennent plus délicates, un tri s'opère et le nombre de concurrents diminue fortement. Cette évolution est manifeste depuis l'amorce de la crise financière de 2008. Par conséquent, il devient de plus en plus facile pour les investisseurs de faire la distinction entre les gérants qui génèrent régulièrement de l'alpha et les autres.

Toutefois, si nous revoyons actuellement notre jugement sur la gestion active, notre vision de la gestion passive est également en train d'évoluer. Auparavant, par exemple, les investisseurs avaient tendance à considérer les ETF comme des produits fondamentalement homogènes. Ceux-ci partaient du postulat que le fournisseur importe peu dans la mesure où, au fond, tous les produits se ressemblent. Aujourd'hui, les investisseurs prennent de plus en plus conscience du fait que la construction d'un produit qui réplique véritablement un indice est un processus plus complexe qu'il n'y paraît de prime abord et que chaque ETF doit être évalué en fonction de ses qualités intrinsèques.

L'un des bienfaits de la crise financière est qu'elle a encouragé les investisseurs à revoir leurs postulats de base concernant l'alpha et le bêta [sensibilité d'un titre aux fluctuations du marché, Ndlr]. Jusqu'à présent, cette évolution a largement profité aux gérants passifs : comparés à la période d'avant la crise, les fonds indiciels drainent une part nettement plus importante des actifs. Paradoxalement, toutefois, cet engouement pour les produits de gestion passive pourrait à plus long terme jouer en faveur de la gestion active. En effet, lorsque les produits indiciels finiront par dominer les portefeuilles, les quelques gestionnaires qui parviendront à véritablement générer de l'alpha se distingueront nettement de leurs concurrents, ce qui pourrait annoncer le retour en grâce de la gestion active.

A certains égards, cette évolution va à l'opposé de ce qui s'est produit il y a vingt-cinq ans. A l'époque, alors que la majorité des actifs était investie dans des portefeuilles axés sur la génération d'alpha, de nombreux gérants actifs se sont tournés vers les stratégies indicielles, donnant ainsi naissance au secteur de la gestion passive. Investir dans les produits indiciels permettait en effet aux investisseurs de générer des performances similaires à celles des indices tout en leur évitant de payer des commissions supplémentaires. Si les hedge funds sont parvenus à tirer parti de cette évolution en se spécialisant ouvertement dans la génération d'alpha, la majorité des gérants actifs ont en revanche creusé leur propre tombe en faisant sans le dire de la gestion passive. Aujourd'hui, nous sommes, pour ainsi dire, revenus à la case départ : alors que les portefeuilles sont, dans une large mesure, gérés passivement, l'alpha pourrait avoir de nouveau le vent en poupe.

Cela ne signifie pas que les acteurs seront aussi nombreux que pendant les années 1980. De nos jours, les barrières à l'entrée sont devenues nettement plus hautes et pour dégager de l'alpha, les sociétés de gestion devront investir massivement dans leurs systèmes et leurs ressources humaines. Les gérants et les systèmes de gestion des risques ultraperformants ne sont pas monnaie courante : ils nécessitent des investissements et une attention permanente ainsi que des efforts de développement au fil du temps. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les gérants qui ont négligé ces aspects auront du mal à survivre.

Les sociétés de gestion qui tireront leur épingle du jeu seront en revanche celles qui ont régulièrement investi dans ces domaines et qui peuvent prouver leur capacité à générer des performances. Ce constat vaut tant pour les gérants actifs que pour les gérants passifs : le secteur de la gestion d'actifs de demain ne sera dominé ni par l'univers de la gestion active, ni par celui de la gestion passive mais par le meilleur de ces deux mondes. Lorsque les investisseurs seront mieux à même de faire le tri entre les différents types de gestion et de séparer le bon grain de l'ivraie, ils choisiront probablement de confier leurs actifs à un éventail plus restreint de gérants de qualité, plutôt qu'à un grand nombre de prestataires médiocres.

Pour intéresser les investisseurs, les gestionnaires d'actifs devront se réinventer. Les clients du futur ne se contenteront pas d'un simple accès aux produits, ils voudront également être informés de leurs tenants et aboutissants. Le succès des gestionnaires dépendra de leur capacité à proposer aux in vestisseurs de véritables partenariats, en leur offrant des conseils d'expert sur les techniques d'allocation d'actifs appropriées, ainsi que des solutions globales répondant spécifiquement à leurs besoins, plutôt que de simples produits standardisés. Les clients ne se contenteront plus d'une ou deux solutions, ils en exigeront un éventail complet.

Si cette évolution ne se fera pas en un jour, elle est en tout cas inéluctable. Les gestionnaires d'actifs qui veulent réussir doivent commencer à s'y préparer dès maintenant.

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