Retour vers le futur de l'hypermarché

Relire une étude prospective, notamment sur le commerce, trente ans plus tard, est instructif. Dans le n° 260 du 15 mars 1984, le mensuel Points de Vente publiait une étude que je cosignais avec plusieurs professionnels sur la prospective de l'hypermarché, « Grandes surfaces 2001 ».

Le rédacteur en chef introduisait l'étude avec un article titré : « À l'horizon 1990, l'hyper-show-room ».Je n'ai pas honte de cette relecture.Certes, l'essence à 7 francs le litre n'a pas empêché les automobilistes de circuler et le télétravail ne s'est toujours pas développé. Mais le « Caddy-électronique » décrit est devenu la « douchette » présente dans quelques hypermarchés depuis 1990, et surtout un smartphone, créé en 2007.

Et le « show-rooming » est devenu un comportement d'achat : choisir des produits exposés en magasin pour les acheter sur Internet. En 1984, il n'y a ni Internet, ni téléphone portable, ni même portatif. Et pourtant, l'article dit : « Partant du principe qu'en 1990, la vie du consommateur serait elle-même "électronisée" à 70% (bureautique, téléphone, télématique, voiture, banque, crédit, réservation, etc.)... » Il y a donc des signaux faibles détectés et extrapolés.

L'étude part d'une sélection de fondamentaux sociaux des années 1982-84, que l'on retrouve en partie en 2015, alors que l'on imagine déjà en 1984 la société évoluant par son vieillissement et la diminution du monde ouvrier.

On retrouve cinq profils fondamentaux de styles de vie : les puristes (aujourd'hui les « revenus très faibles » et les économiseurs de temps), les festifs, les technologiques, les « bobos » (nommés différemment en 1984 et décrits comme écolos) et les embourgeoisés. C'est la traduction prospective de l'hyper qui étonne, tant par l'effet de la technologie que par l'évolution de l'urbanisme : l'hyper personnalisé à son environnement par son management et par ses fournisseurs, l'hyper urbain écolo, l'hyper urbain grand magasin, l'hyper centre de vie et ludique, l'hypermarché au sens premier de « marché », les petits centres ruraux, et l'e-commerce que l'on aurait dû appeler à l'époque Minitel-commerce.

Certes, l'exercice de prospective se voulait à 2001. Il était plutôt juste et encore audible en 2015. Aujourd'hui, cependant, la technologie (Internet, smartphone, algorithmes) bouleverse le point de vente, comme le point d'achat. Si l'on croit que la technologie va tout emporter, on se trompe. Le commerce physique a de longues années devant lui, car plus la technologie prend de place, plus le contact avec le monde réel prend de valeur. Comme l'équilibre d'un balancier.

Je repars en plongée.

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L'ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013

À découvrir aussi sa contribution à l'ouvrage collectif Rupture, vous avez dit disrupture ? Le futur est déjà derrière nous, Éditions Kawa, 2015.

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Commentaire 1
à écrit le 27/03/2018 à 17:04
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Chez Phygimarket, on a rédigé un article passionnant sur les hypermarché dans le futur ➡️https://phygi.fr/2018/03/15/hypermarche-du-futur-innovation/

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