Une COP de guerre, mais une COP quand même !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE.
Philippe Mabille

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Une COP27 sans aucun charme. Du dimanche 8 au vendredi 18 novembre, la station balnéaire de Charm el-Cheik en Egypte va accueillir la deuxième COP africaine après celle de Marrakech, qui avait suivi celle de Paris, la désormais fameuse COP21. Depuis, l'enthousiasme est retombé et entre déni climatique sous Trump et crise sanitaire, le monde n'a guère avancé sur le chemin des 1,5 degré et de la neutralité carbone en 2050. Même les émissions de méthane sont reparties à la hausse et le monde occidental fait la course pour se ravitailler en hydrocarbures, faute d'avoir su accélérer à temps sa transition énergétique. Le secrétaire général de l'ONU vient de tirer, une fois de plus la sonnette d'alarme, soulignant que nous allions tout droit vers un réchauffement de 2,8 degrés en 2100, donnant raison au dernier rapport du GIEC qui a pris le parti de l'adaptation à un changement climatique désormais inéluctable. Même Greta Thunberg n'y croit plus : l'activiste suédoise, désormais majeure, a exécuté les COP qui ne sont plus pour elle qu'une opération de « greenwashing ».

Par rapport à 2015, le grand changement qui risque d'impacter cette COP27 égyptienne est bien entendu le choc énergétique qui est en train d'infecter toutes les économies. Apparue déjà en sortie de crise Covid, amplifiée par la guerre en Ukraine, l'inflation change la donne mondiale et menace le financement de la transition écologique alors même que celle-ci apparaît comme la solution pour sortir de notre dépendance au carbone. Les pays les plus pauvres seront les plus affectés et l'enjeu de Charm el-Cheik sera de mesurer la réalité des engagements pris pour aider les pays en voie de développement à réussir leur transition énergétique. Difficile d'être optimiste quand on voit que l'Allemagne est capable de mobiliser pour elle-même, ses ménages et ses entreprises, 200 milliards d'euros sans aucune concertation avec ses partenaires européens alors que le fonds mondial de 100 milliards par an promis aux pays pauvres reste encore à l'état de vœu pas très pieux.

Pour la France, on sait désormais ce que va nous coûter la hausse des prix de l'énergie : elle représente une ponction, une sorte d'impôt généralisé, de 60 milliards d'euros, selon un calcul de la Banque de France. Cela représente 2,5 points de PIB, presque autant que le premier choc pétrolier de 1974 (2,8 points de PIB), explique Grégoire Normand, qui rappelle que cette crise avait débouché sur ce que l'on avait appelé la stagflation, associant croissance faible et inflation forte, qui avait mis fin aux Trente Glorieuses. Pour amortir le choc et tenter d'éviter le déclenchement d'une spirale prix-salaires, l'Etat est intervenu pour compenser une partie de la hausse des prix de l'énergie via le budget. Mais cette stratégie atteint ses limites et à un moment donné, la facture va devoir être payée. Pour l'instant, les ménages n'encaissent que 10% du choc, l'Etat compense pour un tiers et les entreprises en payent la moitié. Mais sans l'Etat, la répartition aurait été d'un tiers pour les ménages et deux tiers pour les entreprises. On le sait, sans le bouclier tarifaire, les prix de l'énergie auraient plus que doublé pour les ménages. Certaines entreprises et collectivités ont vu leur facture être multipliée par 3. Quant à l'Etat, si l'inflation lui permet d'encaisser des recettes nouvelles liées à la hausse des prix et des salaires, c'est une cagnotte temporaire, car dans le même temps, ses dépenses flambent. L'indexation des salaires ou des dépenses, c'est un poison lent pour les finances publiques, souligne Fanny Guinochet.

Distancée par l'Allemagne dans sa capacité à amortir le choc de l'inflation, la France l'est aussi dans sa stratégie industrielle. Alors qu'Emmanuel Macron défend une Europe souveraine et défend une stratégie de réindustrialisation par les relocalisations, le voyage du Chancelier Olaf Scholz à Pékin montre que le modèle économique allemand continue, comme la Chine, de reposer sur la mondialisation et le mercantilisme. Pas vraiment le sens de l'histoire y compris sur le plan climatique, là où la crise climatique devrait nous pousser à réduire l'intensité kilométrique de ce que nous produisons et consommons. De cela, bien sûr, derrière les belles déclarations de façade, il ne sera pas question à la COP27. La visite du chef de la troisième puissance économique mondiale à celui juste reconduit de l'Empire du milieu, et deuxième puissance économique mondiale interroge en tout cas dans le contexte géopolitique actuel. Washington, où vont se tenir mardi des midterms de tous les dangers pour l'Amérique, tolérera-t-elle longtemps le cavalier seul de Berlin, questionne notre chroniqueur Marc Endeweld.

Retrouvez chaque jour à partir de lundi 9 novembre la chronique "En direct de la COP27" rédigée par Bertrand Piccard, le fondateur de Solar Impulse.

Philippe Mabille

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Commentaires 4
à écrit le 08/11/2022 à 12:39
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Juste pour info, le 8 novembre n'est pas un dimanche...

à écrit le 06/11/2022 à 11:34
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Les COP tout le monde s'en fiche, ce qu'on veut c'est de l'énergie quelle que soit son origine. Et puis en 2100 tous les plus de vingt ans aujourd'hui seront décédés et donc ne se sentent pas vraiment concernés. L'évolution climatique ,il faudra f...

à écrit le 06/11/2022 à 9:27
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Les COP ne servent en réalité qu'à transformer les causes en conséquence et vice versa, ainsi dédouaner la finance qui ne veut pas entendre parler de l'abandon de "la politique de l'offre" génératrice d'une demande artificielle énergivore !

à écrit le 05/11/2022 à 8:37
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A quoi ça sert de titrer "une COP quand même", puisque vous savez que cette COP ne sert à rien ?

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