Sanctions contre l'Iran : il y a de l'eau dans le gaz ?

La décision de Donald Trump de se retirer de l'accord iranien et le rétablissement des sanctions américaines contre Téhéran font flamber le cours du pétrole. S'il souhaite s'épargner le mécontentement de son électorat, sensible au prix à la pompe, il devra mettre de l'eau dans son vin. Par Michel Santi, économiste (*).
Michel Santi, économiste.

Les sanctions de Trump à l'encontre de l'Iran seraient-elles en passe de se montrer efficaces ? De fait, nombre d'entreprises occidentales - et mêmes européennes - sont sur le point de quitter ce pays, et les grands raffineurs réduisent d'ores et déjà leurs importations de pétrole iranien. Les prix du baril étant par ailleurs moins élevés qu'à l'époque des sanctions mises en place contre l'Iran par Obama où il avoisinait les 100 dollars, il semblerait bien que ces sanctions de Trump bénéficient d'un contexte favorable. La chute, dès 2012, des exportations pétrolières iraniennes d'un million de baril par jour dans un contexte général de prix plus élevés qu'aujourd'hui plaideraient donc pour une efficacité accrue des sanctions américaines qui viennent d'être décrétées.

Pas si vite en réalité, car la nature même du marché pétrolier est sensiblement différente qu'à l'époque d'Obama qui avait eu la grande chance de bénéficier de l'essor fabuleux du pétrole de schiste ayant largement contrebalancé la fermeture du robinet iranien, au moment précis où ces sanctions faisaient le plus de ravages à ce pays, soit en 2012. C'est simple : la production nationale US put ainsi progresser de 3 millions de barils par jour entre 2012 et 2014, permettant de compenser très largement la réduction des exportations iraniennes de l'ordre de 1 million de barils par jour.

Un prix du baril susceptible d'atteindre les 120 dollars

La situation mondiale est de nature fondamentalement différente actuellement car - en attendant les retombées favorables dans les 12 à 24 mois à venir du Bassin Permien situé entre le Texas et le Nouveau-Mexique qui contiendrait 35 milliards de barils -, la production US n'est pas en mesure de compenser le déclin des exportations iraniennes. En outre, les approvisionnements mondiaux sont perturbés par les baisses sensibles des productions émanant de Libye et d'Angola, et surtout par l'effondrement pur et simple de la production vénézuélienne du pétrole, dans un environnement d'affaissement substantiel des stocks de l'OPEP.

Au moins, Obama avait-il eu la finesse de doser ses sanctions contre l'Iran et d'adopter une approche mesurée afin de ne pas provoquer une flambée supplémentaire des prix pétroliers. L'attitude intransigeante vis-à-vis de ses alliés et de ses partenaires commerciaux de l'administration Trump laisse, quant à elle, présager d'un baril susceptible d'atteindre les 120 dollars. Obama avait en effet largement mis à profit le contexte favorable que traversaient alors les marchés pétroliers, tandis que Trump, lui, semble à moyen terme condamné à mettre bien de l'eau dans son vin, contraint qu'il sera à bien plus de souplesse dans ces sanctions s'il souhaite s'épargner le mécontentement de son électorat, très sensible aux prix à la pompe.

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(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique", "Misère et opulence". Son dernier ouvrage : "Pour un capitalisme entre adultes consentants", préface de Philippe Bilger.

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Commentaire 1
à écrit le 16/07/2018 à 15:23
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Les marchés émergents commencent aussi à souffrir, et déjà surtout, il faut croire que leur croissance mondiale ne repose sur pas grand chose, à souffrir du pétrole cher, Trump n'a pas besoin de se réconcilier avec les iraniens pour voir le cours du ...

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