"Les défauts généralisés sont les seules solutions : l'exemple du Portugal"

On a tous rêvé de l'Europe mais, le 25 mars, quand la Grèce a récemment célébré sa journée d'indépendance dans la révolte sociale et dans l'accalmie des marchés financiers des questions se sont de nouveau posées comme par réminiscence perpétuelle. Le Président de la BCE, Mario Draghi, n'avait-il pas affirmé que le plus mauvais était derrière nous. Cet optimisme est prématuré. Le problème de la dette souveraine est tout simplement en train de changer de curseur pour se diriger vers le Portugal. </ br> Retrouvez le dossier complet "La France, la dette et les moyens d'en sortir" dans La Tribune Hebdo d'aujourd'hui.
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Le Portugal est le prochain pays de la liste et il inquiète à juste titre. Les taux d'intérêt à 10 ans avaient augmenté un peu partout avant le second plan de sauvetage grec, puis ces taux ont de nouveau diminué après. Les rendements du 10 ans italiens sont passés de 7,2% à 5%. En Espagne, ils sont passés de 6,7% à 5,4%. En Irlande de 9,7% à 6,9%. L'exception a été le Portugal. Les bonds portugais ont dépassé les 11% en moyenne au cours des 4 derniers mois et ont touché plusieurs fois le seuil des 13% pour finir à 14% en mars. Plus que cela, les projections du gouvernement portugais s'établissent à -3,3% pour l'année 2012. Certes le Portugal a assez d'argent jusqu'en 2013 malgré la hausse brutale des taux et la récession économique mais pour plusieurs raisons il semble que l'on s'achemine tout droit vers un second défaut souverain. Pourquoi ?

1. La dette totale du Portugal est en fait supérieure à celle de la Grèce. Si la Grèce détient essentiellement une dette publique élevée, par contraste, l'Espagne, le Portugal et l'Irlande ont beaucoup d'endettement privé. Alors que la dette gouvernementale au Portugal rapportée au PIB est moins élevée que celle de la Grèce, la dette totale qui inclut l'endettement des sociétés non financières et des ménages est beaucoup plus élevée. Du fait de cette dette privée, les entreprises portugaises vont se mettre à faire défaut. Défauts des entreprises, défaut d'un Etat, il s'agit là du principe des vases communicants. Si les entreprises se mettent à faire défaut, comment expliquer que les finances d'un Etat redeviendront soutenable ?

2. Comme la Grèce, le Portugal souffre de fraude fiscale et d'un dysfonctionnement bureaucratique colossal.

3. Il faut ajouter à cela le fait que la plupart des emprunts de l'économie portugaise a été financé par des banques espagnoles. Cela crée la possibilité d'un nouvel effet domino ou la faillite possible du Portugal entrainerait un crash en Espagne.

4. Enfin, l'idéologie et le déni de réalité qui consiste à continuer dans un système de ni-Europe, ni-défaut qui nous conduit à des mécanismes de pare-feux insuffisamment dotés. C'est la théorie du puits sans fond.

Bien sûr que la croissance est essentielle : on peut trouver les sources de la croissance dans la théorie OGDG (offre globale, demande globale) : la création - en l'absence de réelles marges de man?uvre de la politique publique - d'un choc d'offre pour faire baisser les prix et augmenter la production des entreprises. Pour cela deux canaux : augmenter les taux de marge des entreprises, la production et les salaires en même temps. Pour limiter les risques inflationnistes sans faire augmenter le chômage, il faut restreindre les négociations salariales avec les syndicats, et remettre à plat le code du travail pour lui apporter plus de flexibilité. Coté demande, les politiques monétaires de la BCE doivent aider la situation portugaise, par le biais d'une politique monétaire certes laxiste, mais non annoncée pour éviter que les anticipations inflationnistes ne dérapent en une spirale infernale, pour le moins à court terme. Enfin, la théorie de la croissance endogène nous dit que priorité doit être faite à l'éducation, la recherche et développement, la réforme globale des institutions.

Malheureusement aujourd'hui, le problème est celui des montants en jeu, les montants colossaux des niveaux d'endettement et le rattrapage sacrificiel en nombre d'années à réaliser pour retrouver ne seraient-ce que les critères de Maastricht (3% de déficit rapporté au PIB, 60% d'endettement). Autant proposer une solution définitive : dans l'immédiat, il est vrai que la généralisation d'un système de décotes pour tous les pays du sud constitue à nos yeux la seule solution viable. Prendre sa perte, accepter le défaut est la seule solution tenable faute de quoi on s'oriente vers une vingtaine d'années d'austérité et de sacrifice. Les désaccords sur cette solution sont bien naturels lorsqu'ils proviennent de ceux qui sont à l'origine de la crise.

 

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Commentaires 12
à écrit le 30/05/2012 à 15:12
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Il reste deux solutions en effet: ou le défaut de paiement pur et simple, comme cela est souvent arrivé dans l'Histoire (les emprunteurs sont échaudés mais finissent toujours par reprêter), ou la planche à billet (quitte à subir une petite décennie d...

à écrit le 29/05/2012 à 23:52
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De toute façon cet argent n'est que virtuel, il apparait sur le bilan de la banque, dans le passif et l'actif, en le faisant disparaître des deux cotés on règle le problème.Tout ceci n'est qu'un moyen d'échanger les vrais richesses, l'argent ne devra...

à écrit le 29/05/2012 à 11:10
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"Les défauts généralisés sont les seules solutions" : le vol comme solution à la crise, la spoliation institutionnalisée ardemment souhaitée, la collectivisation comme perspective ultime et pourquoi pas, demain, le meurtre pour réguler la démographie...

le 29/05/2012 à 15:45
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Et que proposes-tu à la place ? Quand tu ne peux plus rembourser, tu ne peux plus rembourser ... On peut bien essayer de les forcer, comme les Grecs, mais ça mène à la récession qui creuse le trou de la dette plutôt que de le combler. Ce qui va inélu...

le 29/05/2012 à 16:52
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L'alternative au défaut : rembourser ! Ou trouver l'argent pour rembourser ? Précisément là où on l'a mis par erreur : dans les dépenses publiques. Il n'y a pas d'alternative honnête, civilisée, pacifique, à la baisse massive des dépenses publiques n...

le 29/05/2012 à 18:06
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pour J : pas de chance, ça ne marche tout simplement pas. Va demander à Kerviel de rembourser 4 Milliards ... C'est pareil, les Grecs ne peuvent pas rembourser, et il est à craindre qu'on découvre dans les mois à venir que c'est aussi le cas des Espa...

le 29/05/2012 à 18:38
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Pour K : si on prend l'exemple de la France, une simple stabilisation des dépenses publiques au niveau des dépenses de l'année 2007, sans aucune augmentation pendant 5 ans, permettrait de dégager plus de 300 milliards de marges de manoeuvre : largeme...

le 29/05/2012 à 19:13
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Pour J : suite à la crise de 2007, nous n'avons pas eu le choix ... Soit l'Etat laissait le système s'effondrer, soit il mettait la main au portefeuille. Je ne vois pas franchement comment il aurait pu économiser 300 milliards ... En Grèce, les fonc...

le 29/05/2012 à 20:16
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Pour K : en Grèce, malgré les baisses récentes, les salaires des fonctionnaires ont augmenté de 100% depuis 2000, avec des effectifs en hausse constante : voilà de quoi faire toutes les économies nécessaires. Le défaut est la pire des solutions, parc...

le 30/05/2012 à 9:35
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Pour J : on est d'accord sur la maladie à traiter, "l'Etat providence obèse", mais la solution Grecque ne semble pas en être une : si l'austérité brutale amène au chaos, à la révolution (nazie ?) et en passant à un défaut sur la dette, on aura tout p...

le 30/05/2012 à 22:39
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Pour K : la stabilisation en volume de tous les budgets publics sans exception permet d'économiser la part de la croissance en valeur du PIB consacrée au financement du secteur public, soit au minimum 40 milliards chaque année. En 5 ans, la simple st...

le 01/06/2012 à 17:50
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Pour J : Entièrement d'accord avec toi. Le pb est que les hommes et les systèmes qui nous ont amenés là où nous sommes ne changeront rien à la structure du léviathan. Personne n'a envie de finir pendu à un lampadaire. Il vaut mieux s'attaquer aux "ri...

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