De l'intérêt de reprendre une entreprise défaillante pour un groupe étranger

Contrairement à une idée reçue, l'environnement français est plutôt favorable à la reprise d'entreprises défaillantes par les entreprises étrangères de Matthieu Carlier, Senior Manager EY, expert en Fusions-Acquisitions

Les statistiques régulièrement publiées en France sur les défaillances d'entreprises sont de nature à décourager les plus optimistes : on en compte en moyenne, tous secteurs et tailles confondus, plus de 5000 par mois depuis le début de l'année 2014[1]. Un constat d'autant plus regrettable que certaines de ces entreprises pourraient potentiellement connaître une nouvelle vie grâce à des investisseurs étrangers.

 Un environnement plus favorable qu'il n'y paraît pour les repreneurs étrangers

 Parmi les raisons qui peuvent expliquer les défaillances d'entreprises en France figure souvent la difficulté pour les entrepreneurs à atteindre une taille critique pour conquérir de nouveaux marchés hors des frontières. En dépit d'une prise de conscience généralisée de l'importance pour notre pays de disposer d'un tissu d'ETI fortement tournées vers l'international, ce moteur de croissance fait encore défaut en France.

 Dans ce contexte, certains projets de repreneurs étrangers peuvent offrir une issue positive. Au-delà des marques ou produits de luxe français internationalement reconnus, les investisseurs recherchent souvent la qualité « made in France » dans des secteurs variés, avec pour objectif d'ouvrir de nouveaux marchés à l'international. Les entreprises étrangères qui souhaitent produire en France trouveront un environnement plus favorable que l'on veut bien le dire, grâce notamment à la qualité des infrastructures, au niveau de qualification de la population active et aux nombreux dispositifs incitatifs. A ce titre, la France demeure la première destination européenne pour les implantations industrielles[2].

 Moins de concurrence que dans d'autres pays, au moment de la reprise

Autre avantage pour un investisseur étranger en France : une concurrence moins importante à la reprise. En effet, beaucoup d'investisseurs s'arrêtent, à tort, à la mauvaise réputation de la France sur certains aspects largement débattus dans les médias internationaux (droit social, fiscalité, grèves...). A tort en effet, car le repreneur d'une entreprise en difficulté rencontre en France une réglementation assez avantageuse, et peut en outre bénéficier du soutien des collectivités locales via l'obtention de subventions. Dans un contexte de redressement judiciaire, le repreneur peut proposer une reprise des titres avec un plan de remboursement du passif, ou une reprise de tout ou partie des actifs (corporels, incorporels, contrats de travail et tous contrats nécessaires à la poursuite de l'activité).

L'arrivée d'investisseurs tiers est favorisée

Tous les dispositifs mis en place aujourd'hui permettent de faciliter l'arrivée d'investisseurs tiers. Dans le cadre d'une offre portant sur les titres, le législateur souhaite introduire une mesure qui permettrait de faciliter la sortie forcée des actionnaires historiques qui n'auraient pas la capacité de participer à la reconstitution des capitaux propres. A noter également une possibilité nouvelle pour les créanciers : l'entrée au capital de la cible (« debt to equity swap »).

Il n'en reste pas moins que se porter candidat à la reprise d'une société française en difficulté requiert une certaine audace. En effet, nos règles juridiques et fiscales sont très différentes de l'environnement familier des investisseurs étrangers, qui ont généralement des repères et un mode de fonctionnement « à l'anglo-saxonne ». Mais contrairement aux idées reçues, le repreneur d'une entreprise en difficulté qui présente un projet à la fois structuré et financé, et qui possède une volonté de préserver de l'activité et des emplois en France, se trouvera toujours en situation de force.

 Projet de reprise : les clés du succès

 Pour un investisseur étranger, réussir la reprise d'une entreprise en difficulté en France tient au respect de certains fondamentaux propres à la singularité de ce type d'opération. Le projet doit avant tout être pérenne, et pertinent sur le plan humain et social. Si la préservation des emplois est une priorité absolue des pouvoirs publics français depuis très longtemps, ce critère est devenu encore plus important ces dernières années. Le projet doit donc prendre en compte le maintien de l'activité et de l'emploi de la cible, voire être potentiellement source de nouvelles synergies économiques et d'ouverture à de nouveaux marchés.

 Anticiper les mesures à prendre

Le repreneur doit anticiper l'ensemble des mesures à prendre en amont qui permettront un (re)démarrage de l'activité dans les meilleures conditions : renégociation des contrats de crédit-bail ou location, besoins de financement nécessaires au lancement de l'activité, budget d'investissements, mise en place d'un factor, revue des schémas comptables en interne...

Le chiffrage précis de l'ensemble des paramètres (impacts fiscaux, BFR post-entrée en jouissance, investissements à engager...) est une étape incontournable, tout comme une fine analyse juridique. Cette dernière est d'autant plus essentielle que la règle de la « double dérogation » vient souvent perturber l'analyse du candidat étranger. En effet, non seulement le droit français est souvent différent du droit national de l'investisseur, mais les opérations de reprise d'entreprise en difficulté se font en France dans un cadre législatif très différent d'une reprise d'entreprise in bonis.

 Une offre à formuler dans des délais très brefs

 L'offre complète doit être formulée dans des délais très brefs - de quelques jours à quelques semaines - en raison généralement de la situation de trésorerie dégradée de la cible. Elle doit couvrir les aspects juridiques, sociaux, financiers de la reprise, et la présentation du projet commercial et/ou industriel. Enfin, l'implication des pouvoirs publics et des collectivités locales ne doit pas être négligée. Elle peut non seulement permettre de sécuriser l'opération, via des subventions ou aides du département ou de la région, mais aussi de rassurer l'ensemble des parties prenantes.

Les priorités pour un investisseur étranger sont donc autant d'analyser la cible en réalisant un travail approfondi de "due diligence" industrielle, financière et stratégique, que de comprendre les spécificités de la réglementation française en matière de reprise d'entreprise en difficulté et de droit fiscal et social.

 [1] Source : Banque de France.

[2] Source : Baromètre de l'attractivité de la France 2014, EY.

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