Acceptabilité locale : remettre les EnR au centre du village

OPINION. Opposition des élus locaux, mobilisations et perturbations de chantier… Les mesures de simplification ne suffiront seules à l’accélération du développement de projets EnR et de la réindustrialisation. L’Etat et les entreprises doivent s’intéresser davantage au défi de l’acceptabilité locale. Par Sacha Benhamou est consultant en affaires publiques et communication d’influence.
51% des Français seraient opposés à l'installation d'une éolienne près de chez eux.
51% des Français seraient opposés à l'installation d'une éolienne près de chez eux. (Crédits : Pascal Rossignol/Reuters)

Les EnR souffrent en France d'un paradoxe : alors qu'ils rencontrent au niveau national une acceptabilité forte (87% des Français ont une bonne image du solaire et 64% pour l'éolien dans un sondage Odoxa du 6 janvier 2023), au renfort de laquelle viennent les activistes du climat qui demandent une accélération, ils génèrent par ailleurs de nombreuses résistances au niveau local, des élus locaux et des citoyens, souvent de manière transpartisane. D'abord, il est évident qu'il existe des spécificités locales quant à la perception de ces implantations. Mais on ne peut pas ignorer le syndrome « NIMBY » (Not in my backyard) qui touche tous nos concitoyens, quelle que soit leur attache partisane, et même les dits activistes du climat. Dans le sondage susmentionné, 51% des Français seraient opposés à l'installation d'une éolienne près de chez eux.

Malheureusement, ce sujet a été trop peu pensé. Trois députées ont rendu le 10 novembre 2022 leurs conclusions de leur mission « flash » sur l'acceptabilité et les modalités du déploiement des énergies renouvelables. On y trouve des réflexions intéressantes mais en l'absence de consensus entre les trois rapporteures, aucune recommandation opérationnelle. On ne peut que le regretter car elles révélaient dans ce rapport des logiques complémentaires qui convergeaient vers la nécessité d'impliquer davantage les citoyens et les élus locaux. En réalité, cette problématique peut se poser plus généralement à tous projets d'implantation industrielle comme le montre la réaction de l'AMF au projet de loi industrie verte qui les priverait de leur prérogative en la matière.

Ignorer ces oppositions n'est pas une option. Tout d'abord, pour des raisons démocratiques, alors que les citoyens nourrissent de plus en plus de défiance contre les institutions et que les élus locaux se plaignent du manque d'écoute de l'Etat, il ne saurait y avoir de passages en force, qui ne font que nourrir les expressions politiques radicales. L'enjeu est ensuite financier. Malgré les mesures du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables visant à purger les recours, des désordres locaux, pouvant aller jusqu'à l'attaque de chantiers, peuvent s'ajouter aux contestations judiciaires. Ces oppositions engendrent alors un retard irrémédiable et créent des pertes financières pour ses porteurs. Dès lors, tout le monde, que ce soit l'Etat ou les entreprises porteuses de projets, a intérêt à ce que l'adhésion locale soit emportée.

Créer les outils nécessaires au consensus

Comment créer du consensus ? La question n'a rien d'évident. La consultation locale est un outil faillible sur des sujets aussi complexes alors que nous avons en France une culture de la démocratie directe assez faible et qu'on peut craindre une surreprésentation des militants. Par ailleurs, l'échelle territoriale où opérer la consultation ferait l'objet de débats infinis : l'aménagement du territoire est traditionnellement une compétence dévolue à l'Etat ou aux régions, tandis que les impacts les plus tangibles de tels projets sont plus locaux. Tout le bassin de vie bénéficie des retombées économiques tandis que seul le bloc communal doit en assumer l'essentiel des externalités négatives et du coût politique.

Une première piste serait de pleinement associer les citoyens et les corps intermédiaires au développement de ces projets en mettant sur pied dès le départ un comité de pilotage regroupant les élus locaux, les acteurs économiques, les associations et des riverains pour avoir un espace d'échange unique entre l'Etat, ordonnateur, les porteurs de projet, et les représentants locaux. Ce comité de pilotage aurait la charge d'organiser le débat public et serait garant de son impartialité. Il permettrait aussi d'organiser les échanges sur les revendications de chacun et une meilleure prise en compte des externalités négatives dans une logique de compromis avec les porteurs de projets.

Une partie de la décision pourrait également être décentralisée en permettant aux communes concernées de fixer et d'encaisser le prix du « loyer » pour l'accueil du projet. Les collectivités locales seraient en concurrence pour attirer les projets de production et en percevoir les recettes, et cela constituerait un signal-prix de l'acceptabilité des projets. L'Etat devrait alors diminuer ses propres recettes pour ne pas renchérir le coût de l'énergie.

Les entreprises et leur communication en première ligne

À défaut, il y a urgence que les porteurs de projet se saisissent de cette logique contractuelle avec les communautés locales et mettent en place très tôt une stratégie de concertation et de communication d'influence adéquate. Certains projets sont précurseurs dans la prise en compte de l'acceptabilité locale, mais elle reste malgré tout trop peu anticipée. La confiance dans la capacité de l'Etat à passer en force peut faire négliger cette donnée, nonobstant les risques que cela peut faire peser sur un projet. Les entreprises porteuses doivent anticiper les attentes de chaque partie prenante, à commencer par les élus locaux, et mettre en valeur les bénéfices, économiques et environnementaux notamment, du projet pour le territoire qui l'accueille.

« Les raisons de dire non sont toujours plus mobilisatrices que celles de dire oui » disait très justement François Bayrou. Il faut créer les raisons de dire oui. C'est de ces dialogues locaux que viendra l'accélération nationale du développement de nos projets EnR et industriels.

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Commentaire 1
à écrit le 22/05/2023 à 15:19
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64% des français seraient favorables à l’éolien. Si dans ce merveilleux sondage on tient compte du fait que la population des villes grandes et moyennes, qui ne seront jamais soumis aux multiples nuisances de l’éolien représente plus de 81% de la pop...

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