Bien écrire, est-ce encore utile ?

Notre maîtrise de la langue française diminue au profit de nouvelles manières de communiquer. Une erreur, car seul l'écrit permet de développer une augmentation un tant soit peu complexe. Par Gilles Lecointre, entrepreneur, professeur à l'Université de Paris Ouest et enseignant à l'Essec

Le baccalauréat vient de s'achever avec un taux de réussite de l'ordre de 90%. Peut-on en déduire que 9 bacheliers sur 10 maîtrisent le français ? Non, bien sûr que non, d'autres statistiques (et aussi la qualité des copies des étudiants) montrent le contraire. Est-ce à dire que nos étudiants sont « nuls » et que « le niveau » a considérablement baissé ? Non, encore non, car le référentiel a changé, le contenu des études et des savoirs utiles pour se débrouiller dans la vie a largement évolué ; les enfants d'aujourd'hui sont incapables de résoudre un problème d'arithmétique du certificat d'études de 1940, mais inversement les élèves de 1940 seraient incapables de trouver une solution sur une base de données internet.

La domination des langages simplifiés

Il reste cependant que la forme écrite, structurée par la syntaxe et la grammaire « officielles », est aujourd'hui mal et moins utilisée. On communique beaucoup plus qu'autrefois mais dans des langages simplifiés, codifiés autrement (souvent par des signes de reconnaissance communautaires), imagés et ramenés à leur plus élémentaire expression. Par exemple, la bonne vielle carte postale de vacances, l'annonce d'une naissance, les vœux de fin d'année, la demande de rendez-vous, la déclaration d'amour passent par de très courts messages en langue contractée avec souvent une kyrielle de photos pour illustrer le propos.

Si l'on communique indubitablement bien davantage, communique-t-on mieux pour autant ? Bien communiquer c'est faire en sorte que celui qui émet le message atteint bien celui qui le reçoit et qu'il est compris. Cet échange est efficace s'il n'y a pas trop de « pertes en ligne », voire pire, une perception à contre-sens. Or, dans toutes les cultures et à toutes les époques, ce qui rend clair un message ce sont les signes qui le véhiculent (mots, images, signaux visuels ou sonores) et la compréhension mutuelle de ces signes par ceux qui les échangent. On peut ajouter à cela que plus les signes disponibles sont nombreux et partagés, plus la communication est riche.

La simplification du langage n'est efficace que pour des situations simples à réponse binaire

On peut en conclure que la simplification à l'extrême du langage (celui des sms par exemple) permet sans doute d'être plus efficace sur des messages de type « binaire » (oui/non), à condition cependant que les codes utilisés soient compréhensibles par le récepteur. En revanche, s'il s'agit de faire passer des arguments un peu fins, un raisonnement en plusieurs étapes, des sentiments subtils, des situations difficiles, une décision contestable, une nouvelle choquante.....le langage simplifié sera probablement peu adapté et dans tous les cas sera incapable de rendre compte de la véritable complexité de la pensée de l'émetteur. La déficience d'informations par manque de mots et de phrases structurantes peut alors conduire à des incompréhensions, des mauvaises décisions, des sentiments négatifs....


La complexité de la langue permet de rendre compte de la complexité de notre pensée et de nos émotions

Tout ceci peut se résumer de la façon suivante : pour vivre ensemble harmonieusement, il faut se comprendre, pour bien se comprendre il faut communiquer de façon efficace, pour bien communiquer il faut des codes partagés par tous, et ces codes ce sont des mots assemblés en phrases structurées par des règles .La langue reflète la culture de ceux qui la partagent, plus elle est riche, plus elle est complexe. On ne peut échapper à cette complexité, mais c'est pour le bonheur de mieux échanger et donc de se rapprocher davantage de la vérité de chacun.
Il ne faut donc, ni se choquer de l'existence de nouveaux langages permettant un type particulier de communication, ni accepter pour autant que la richesse de notre langue s'atrophie au profit de la seule communication « courte ». Les deux doivent s'enrichir mutuellement et permettre une amélioration de notre compréhension de l'autre et du monde. De ce fait il faut continuer à apprendre le maximum de mots et de règles, les anciennes comme les nouvelles et ne pas se laisser appauvrir en se murant dans des codes simplifiés.
Un bon texte bien construit est le meilleur moyen de se faire entendre et de convaincre

Argumenter grâce à l'écrit

Enfin soyons conscients du fait que la forme écrite ( dans sa forme la plus aboutie) est celle qui permet le mieux de traduire au plus juste notre pensée et de développer une argumentation capable d'emporter la conviction de l'autre. En effet, la communication orale est en partie brouillée par les « bruits » qui l'entourent : on sait bien par exemple que, dans un discours politique et même dans un cours à l'Université, seuls 10% à 20% des idées abordées sont retenues.

En revanche, quand vous parvenez à envoyer un texte bien construit à quelqu'un qui se retrouve en condition de le lire au calme, vous avez de bien meilleures chances d' « imprimer » largement votre message.
C'est si vrai que je recommande aujourd'hui à mes étudiants qui lancent des startups de ne pas omettre d'inclure dans leur plan marketing des mailings personnalisés « classiques ». Pour au moins deux raisons : avoir l'occasion de développer un argumentaire complet et donc plus convaincant, créer l'effet de surprise car les courriers non électroniques deviennent si rares (notamment dans les entreprises) qu'on y fait beaucoup plus attention qu'avant.

Faites le test : pour un motif entrepreneurial, familial, associatif, sentimental, administratif, faites l'effort de rédiger un « vrai » courrier qui respecte les règles élémentaires de la communication directe. Si votre cause est juste, vous convaincrez dans une proportion qui vous étonnera vous-même.
Conclusion : entraînez-vous à écrire, cherchez les mots justes, même si vous n'êtes pas écrivain !

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Commentaires 2
à écrit le 10/07/2015 à 13:51
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"car seul l'écrit permet de développer une augmentation un tant soit peu complexe" Euh... une augmentation ou une argumentation ?? Pour un article consacré à la langue française, l'auteur aurait pu se relire avant de poster ! En toute amitié !

à écrit le 10/07/2015 à 12:46
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"Développer une augmentation" ou une argumentation ? Dommage...

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