Financement : le football français en quête de renouveau

OPINION. Le football français doit revoir ses structures professionnelles pour gagner en compétitivité. L'arrivée d'un acteur majeur de la finance comme partenaire de la ligue 1 devrait permettre de passer cette étape. Par Noël Labelle, consultant expert en information économique.
(Crédits : Reuters)

La Ligue de Football Professionnel (LFP) fait face à un besoin urgent de liquidités. En raison des mesures restrictives imposées par la pandémie et la perte d'environ 50% des revenus télévisés promis par Mediapro, la baisse des revenus des clubs professionnels français est actuellement estimée à plus de 600 millions d'euros. Des cinq grands championnats européens — l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie , la ligue 1 est celle qui génère les revenus les moins élevés.

Pour faire face à cette situation financière difficile, la LFP, soutenue par le gouvernement français et les clubs, a décidé de faire appel à des fonds d'investissement, avec pour objectif de doubler voire tripler ses revenus d'ici cinq à dix ans. Au programme, amélioration de la rentabilité du championnat en le rendant plus attractif aux yeux des diffuseurs du monde entier, et en restructurant le mode de répartition des revenus tirés des droits de diffusion entre les quarante clubs de Ligue 1 et Ligue 2.

Une méfiance injustifiée

Dans cette optique, la Ligue a récemment procédé à la sélection d'offres d'investisseurs pour l'entrée au capital de sa nouvelle société commerciale. Mais ce consensus autour de l'arrivée d'un puissant fonds fait grincer des dents dans le petit milieu du foot. En France, les fonds d'investissement sont perçus par beaucoup comme des entités prédatrices, uniquement intéressées par le profit immédiat. Il est vrai que la récente mésaventure des Girondins de Bordeaux, qui ont vu le fonds d'investissement américain King Street plier brutalement bagage trois ans à peine après son arrivée, en raison des difficultés financières et des mauvais résultats du club, n'incite pas à la confiance.

Pourtant, la renommée des principaux favoris pour venir renforcer la LFP a de quoi rassurer les esprits inquiets. CVC Capital, qui propose 1,5 milliard d'euros, est ainsi un acteur majeur du sport professionnel, notamment dans le rugby, où il a investi 510 millions de dollars dans le Tournoi des Six Nations, mais aussi dans d'autres disciplines, comme la Formule 1 ou le volleyball. Le fonds Silver Lake, également en lice, vient pour sa part d'investir dans les clubs de Manchester City et de Troyes, tandis que le fonds Hellman & Friedman a aussi placé quelques billes dans la Formule 1.

La tradition de la puissance financière

Le football français a toujours manifesté une défiance vis-à-vis de l'argent, quand bien même trois des cinq joueurs les plus payés au monde évoluent à Paris. Mais cette posture résiste difficilement à la réalité des faits et le football professionnel n'aurait jamais pu se construire sans de solides investisseurs.

Dans les années 1950, le Stade de Reims, propriété des Champagnes Pommery, est devenu un géant européen en recrutant les meilleurs joueurs français. Sans son puissant sponsor, le club champenois aurait pu difficilement faire jouer dans son équipe les meilleurs joueurs de l'époque, de Raymond Kopa à Just Fontaine. Des milliers de francs investis par le groupe Pommery qui ont hissé le stade de Reims en finale de la coupe d'Europe des clubs champions en 1956 et 1959.

De la même manière, le foot français a un peu oublié à quel point les capitaux investis dans le club Saint-Étienne par les magasins Casino ont été essentiels dans l'épopée nationale et européenne des verts dans les années 1970. Sans oublier le merchandising, les produits dérivés et le marketing, dont le club fut l'un des précurseurs en France.

Au risque d'écorner l'image romantique du ballon rond, les amateurs de football doivent se rendre à lvidence : si un exploit exceptionnel est toujours possible sur un match ou sur une compétition, le succès dans la durée repose toujours sur une solide stratégie financière. Reims, Saint-Étienne et maintenant le Paris-Saint Germain : trois clubs français qui ont brillé en Europe dans l'Histoire, trois réussites du foot-business. Implacable.

Briser certains tabous

D'ailleurs, sur les trente dernières années, le titre de champion de France a ainsi été trusté par Marseille, Lyon, Monaco et Paris. Soit les quatre principaux budgets de la compétition. Et, accessoirement, les trois plus grandes villes du pays et une principauté à la fiscalité ultra-compétitive.

Gagner en attractivité, gagner en professionnalisme et en savoir-faire financier : la ligue 1 s'apprête à briser certains tabous en introduisant des spécialistes de l'investissement pour participer à son développement. Reste à savoir qui sera choisi par les dirigeants de la LFP : quatre fonds sont en lice, CVC Oaktree, Silver Lake et Hellman & Friedman. Les dossiers, les propositions et les projets sont à l'étude par la ligue de football et la décision devrait être annoncée dans les prochains mois.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 10/03/2022 à 13:29
Signaler
Merci pour ce sujet au lendemain d'une énième déroute du PSG tandis que club le plus riche d'europe au budget illimité mais utilisé par le Qatar comme vitrine à la coolitude BCBG, mais sans victoire ça fini par devenir grotesque, l'abus de fric nui g...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.