Inégalités de santé  : le cancer exemple révélateur de la perception des Français

Les Français considèrent en majorité que face au cancer et à son traitement, il existe des inégalités liées notamment aux revenus et au lieu de résidence. Il s'agit là d'une préoccupation majeure qui nécessite des réponses à la mesure de l'enjeu. Par Thierry Philip, président du directoire de l'Institut Curie (Paris/Saint-Cloud/Orsay) et président de l'OECI (*).
Thierry Philip.
Thierry Philip. (Crédits : DR)

Existe-t-il une différence de perception des inégalités en santé entre les gilets jaunes, les acteurs du grand débat et un échantillon plus représentatif des Français ? C'est la question que l'Institut Curie et l'institut Viavoice ont exploré à travers l'exemple du cancer, dans un sondage publié ce 11 septembre [1]. Si la réponse est nuancée, elle confirme ce que les élus et les citoyens ont exprimé à l'occasion du Grand débat : il s'agit à l'évidence d'une préoccupation majeure pour nos concitoyens, qui à 69% estiment qu'il existe des inégalités face au cancer et les attribuent majoritairement aux revenus et au lieu de résidence.

Faire plus de pédagogie

Parmi les constats importants de cette enquête, la nécessité absolue de faire toujours plus de pédagogie, en particulier sur les risques : plus de la moitié des personnes interrogées déclarent ne pas être suffisamment informées et certains facteurs comme l'alimentation ou les risques professionnels restent mal compris.

Sur les deux sujets majeurs que sont l'accès aux soins et le parcours de soins, les plans Cancer successifs et le plan « Ma santé 2022 » ont commencé à apporter des réponses. Mais la perception demeure parfois en décalage avec la réalité. Nombre de Français pensent que les traitements contre le cancer ne sont pas intégralement remboursés surtout pour les traitements de la douleur, les traitements innovants, les prothèses mammaires, capillaires et la préservation de la fertilité. Or, les prothèses le sont en partie et les mutuelles complètent au-delà des tarifs de la sécurité sociale. Et, évidemment, les traitements contre la douleur et les traitements innovants sont intégralement pris en charge. Et l'avenir reste incertain pour 43% d'entre eux qui sont inquiets sur la possibilité pour notre système de sécurité sociale de garantir à long terme l'accès à des soins innovants.

Evaluer la qualité des soins

Une des questions cruciales de l'accès aux soins est celle des critères d'évaluation de la qualité. Pour les Français, le choix d'un établissement de santé en cancérologie se fait d'abord sur la qualité de ses équipements (60%) puis sur l'avis du médecin traitant (49%). L'accessibilité géographique est citée par un peu plus d'un quart des français (27%), probablement ceux qui habitent dans les zones isolées. Le nombre d'actes réalisés et de patients pris en charge ou encore le classement dans les médias ne sont cités que par moins d'un quart des Français, alors que l'on sait que la qualité des soins dépend du nombre d'actes et de l'expérience des équipes.

Sur le parcours de soins, les témoignages de patients recueillis au cours de notre étude montrent que l'annonce du diagnostic reste un moment clé, qui n'a pas toujours lieu dans les meilleures conditions, et que l'après-cancer est une préoccupation majeure, avec la question des moyens à mettre en œuvre pour éviter les rechutes et retrouver une vie professionnelle. 62 % des Français interrogés pensent quant à eux qu'on ne peut pas retrouver une vie professionnelle normale après les traitements du cancer.

Plusieurs enseignements à retenir

A la lumière des résultats de notre enquête, plusieurs enseignements sont à retenir. En premier lieu, le cancer frappe plus durement les plus défavorisés économiquement et socialement, du fait de la relation cancer-travail, de l'alimentation, de l'absence de prévention et de la relation avec le tabac et l'alcool.

Si les plans Cancer successifs ont mis la lutte contre les inégalités au premier plan, nous avons peu progressé sur la connaissance, l'évaluation et les mesures à prendre pour lutter contre ces inégalités. Une illustration : nous ne disposons pas aujourd'hui de cartographie précise de la France pour définir les inégalités géographiques face au cancer.

Ensuite, le fait d'être à proximité avec un établissement de soin ne veut pas dire plus de chances de guérison pour le patient. En effet, la question de la « proximité » est à mettre en regard des seuils d'activité que l'INCa veut augmenter, et ce, à juste titre, car il est démontré qu'en deçà d'un certain nombre de cas, la perte de chance est réelle. Surtout, les inégalités doivent faire l'objet de mesures objectives comme la mise en place de communautés professionnelles territoriales de santé, le déploiement de médecins généralistes dans les territoires prioritaires et le recours aux étudiants en médecine, la création des assistants médicaux. Cela répond clairement à la fois à l'isolement géographique et à une meilleure relation entre l'hôpital et la ville.

Le niveau européen

Enfin, la question des inégalités doit aussi être posée au niveau européen, où les différences de survie entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud restent majeures. Soulignons que la seule accréditation globale en cancérologie est européenne (par l'OECI, organisation européenne des instituts du cancer) et qu'une dizaine de CLCC et CHU sont engagés dans ce processus. L'OECI proposera dès 2020 une accréditation des réseaux autour des Comprehensive cancer centers, soulignant le lien indispensable entre les hôpitaux spécialisés et les hôpitaux généraux. En septembre 2018, l'ECCO (European cancer organization) a organisé avec les représentants des patients un « sommet » dont les conclusions montrent que les questions que nous avons posées aux Français sont celles de tous les malades du cancer en Europe. Les trois priorités retenues étant la demande d'évaluation de la qualité d'un hôpital, la demande d'un meilleur lien entre l'hôpital et la ville, et, cela devrait nous faire plaisir, le droit à l'oubli, plébiscité par les Européens qui réclament que la loi française s'applique à toute l'Europe (depuis la Belgique a promulgué une loi identique à celle de la France).

* Organisation of European Cancer Institutes (OECI)

 [1] Observatoire cancer Institut Curie-Viavoice 2019 : les inégalités face au cancer

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Commentaires 7
à écrit le 11/09/2019 à 13:46
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Le vrai problème c'est que le cancer reste un grand mystère .... Le traitement qui marche parfois c'est l'eradication .. scalpel , transfusion , chimio, rayons ... les progrès sont numériques mais cela reste une conjecture . Ce n'est pas une crit...

à écrit le 11/09/2019 à 11:03
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Y a-t-il des dépassements d'honoraires pour les chirurgiens en oncologie ? C'est peut-être ça que les gens craignent, étant pas aisés, ça pose un problème.

à écrit le 11/09/2019 à 10:43
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Le commentaire que j'ai écris est vrai alors je le recommence au cas ou il soit mal passé par les tuyaux mais nous somems en plein dans le sujet merci donc de le publier. Une connaissance qui est décédée d'un cancer à 36 alors que ère de 6 enfant...

à écrit le 11/09/2019 à 8:38
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C'est une maladie française, cette obsession des inégalités. Oui, il y a des inégalités. Et alors ? C'est comme ça, que chacun se débrouille avec ce qu'il gagne.

le 11/09/2019 à 9:52
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Qu'avec son argent "que l'on gagne" on s'achète une Ferrari ou un vélo c'est normal c'est selon ses revenus pas de problème mais quand cela touche la vie humaine l’État doit garantir la santé à tous ses citoyens sinon il ne sert définitivement à rien...

le 11/09/2019 à 16:04
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Disons que lorsque 50% de la fiche de paie disparait au nom de la lutte contre les inégalitées et que les résultats ne sont pas à la hauteur alors on est en droit de se demander si l'argent est bien employé. Sinon je n'aurais pas de commentaires a...

le 11/09/2019 à 17:13
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Entre "Disons que lorsque 50% de la fiche de paie disparait au nom de la lutte contre les inégalitées et que les résultats ne sont pas à la hauteur alors on est en droit de se demander si l'argent est bien employé." et "que chacun se débrouille avec ...

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