Le pétrole, encore et toujours

Il n'est question d'innovations technologiques. Mais le bon vieux pétrole structure toujours la vie économique. par Hervé Guyader, avocat, Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

Le 21e siècle sera technologique ! Le nouveau millénaire avait débuté avec la fantastique bulle internet amplifiée par la crainte du bug de l'an 2000.
Les choses n'ont pas changé si l'on veut croire que, bientôt, Apple sera la première valorisation boursière mondiale en dépassant les 1000 milliards de dollars. Quant au cloud, il est censé solutionner tous les soucis de stockage et d'utilisation des données qui ont pris l'appellation de Big Data. Leur exploitation modifiera à jamais le marketing, influencera efficacement les modes de consommation et changera notre vie.
Le droit du commerce international lui-même s'est saisi de cette modification en passant du commerce des producteurs vendeurs exportateurs aux consommateurs. Il n'est plus alors question seulement de baisser les entraves au commerce mondial que d'identifier les standards normatifs les plus élevés permettant de garantir le niveau de qualité des marchandises consommées.

Le pétrole, au cœur de certains conflits

Quelle place pour les matières premières et du pétrole dans ce tableau ? On aurait pu l'imaginer disparu, à tout le moins en voie de l'être. Pourtant, c'est, du moins en partie, la baisse de ses cours qui a permis l'embellie économique que l'on voit doucement poindre.
L'écosystème du pétrole est d'ailleurs toujours en plein cœur de certains conflits et de lourdes interrogations environnementales. Ainsi, le pétrole de schiste ayant permis aux USA d'attendre une autosuffisance énergétique allant jusqu'à pouvoir prétendre devenir exportateur ne soulève pas moins de questions sur l'impact écologique de cette nouvelle forme de production.
Le débat est suffisamment vif pour que le Président Obama ait décidé de suspendre le projet de gigantesque oléoduc Keyston XL censé traverser les USA du Nord au Sud.
Rien de semblable ne semble préoccuper les acteurs de l'industrie technologique. Nul n'ignore pourtant que nos communications, courriels, utilisations de smartphones et autres accès internet sont scrutés en permanence au mépris évident de notre vie privée.
Certains géants de l'internet ont, certes, pu être condamnés par la CNIL à une amende représentant une minute, peut être deux, de chiffre d'affaires. Autant dire que l'impact dissuasif est de l'ordre du néant.
Sans instrumentaliser outrancièrement ce type de décisions dont la sanction financière occupe une place finalement assez juste dans notre système judiciaire (le droit français n'est pas un construit sur une exigence particulière de sévérité), il révèle tout de même la piètre importance accordée à la vie privée.

La fin de l'histoire du pétrole... attendra

L'impact du pétrole est tout autre et reste au cœur des problématiques économiques et juridiques les plus saillantes alors que déjà, à la fin du siècle dernier, nombreux glosaient sur l'après pétrole. Force est de constater que « La fin de l'histoire » annoncée semble démentie par les faits.
L'économie paraît crispée sur le cours du WTI à New York et du Brent à Londres bien davantage qu'elle ne l'est sur les performances de vente du dernier smartphone à la mode, lequel a pourtant, avec les autres produits technologiques, modifié notre façon de vivre.  Ainsi, les comportements du consommateur ont moins de portée que la fourniture énergétique.
Certains commencent même à relativiser l'importance attribuée aux Big Data qui ont pourtant envahi les plus grandes écoles les érigeant à une presque (pseudo) science. A l'instar du bug de l'an 2000 qui était censé nous plonger à l'âge des cavernes et qui s'est révélé dénué de tout impact, ces Big data pourraient n'être pas le génie divinatoire qu'ils devraient être.
Finalement, opposer matières premières et valeurs technologiques revient à opposer ce qui est vital à l'homme et ce qui ne l'est pas. Il n'est donc pas si anormal que le pétrole reste au sommet des sujets d'attention tant il demeure davantage existentiel que la puissance de téléchargement ou d'exploitation de données du dernier joujou technologique.

Hervé Guyader
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en droit
Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 09/04/2015 à 12:32
Signaler
"L'énergie est le sang qui coule dans les veines de notre économie. C'est elle qui fonde le modèle de notre société occidentale, c'est elle le moteur de notre croissance".

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.