Les banques centrales haussent les taux, mais baissent d'un ton

CHRONIQUE. Les Banques centrales n'y croient plus, mais n'osent pas le dire encore. La réaction des marchés est sans équivoque, et conforte l'optimisme de ce début d'année. Par Karl Eychenne, chercheur chez Oblomov & Bartleby
(Crédits : Reuters)

Evidemment, les Banques centrales ont de nouveau monté leurs taux directeurs. On n'imaginait pas le contraire. Sans surprise, les communiqués officiels motivant ces hausses de taux ont repris les rengaines précédentes, pas de quoi susciter l'émoi. Et finalement, même les Banquiers centraux n'ont pas dit grand-chose de plus dans le jeu du questions - réponses avec les journalistes. Sauf que c'est cela justement qui a été remarqué. Un silence qui en a trop dit.

Car les marchés attendaient, craignaient, une réaction « verbale » plus agressive des Banquiers centraux. En effet, comme une provocation, les investisseurs ont décidé de rallié tous les marchés depuis le début de l'année : +11% pour les actions, -0,7% pour les taux d'intérêt à 10 ans des obligations souveraines. Pourtant, les autorités monétaires les avaient bien prévenus de la nécessité de soigner le mal par le mal, en montant les taux directeurs quoi qu'il en coûte. Alors pourquoi les marchés sont-ils d'humeur si jouasse ?

Les investisseurs ont parfois des convictions. Et comme elles sont rares et qu'elles ne durent pas, on les repère vite. L'optimisme des marchés se justifie par la conviction que l'inflation galopante s'essouffle enfin et ne reviendra plus, et que la récession annoncée ne sera pas la non plus. Autrement dit, non seulement la politique monétaire restrictive n'a pas eu d'effet dramatique sur la croissance économique, mais en plus cette politique monétaire n'a plus lieu d'être restrictive. A quoi aura servi la politique monétaire dans cette affaire ?

L'aveu muet des Banquiers Centraux

Ainsi donc, le « non dit » des Banquiers centraux serait une forme d'aveu muet. Ils n'ont pas osé dire que l'optimisme des marchés était quelque peu excessif, que la détente des conditions financières provoquée par la baisse des taux et la hausse des actions était à contre - sens. Et c'est cela justement qui aurait beaucoup plu aux marchés : près de 1 % de hausse des actions suite et près de 0,2 % de baisse des taux en Europe suite au comité de politique monétaire de la BCE ce jeudi, a peu près la même chose aux Etats - Unis la veille suite au comité de politique monétaire de la Fed.

Et pour donner plus de force encore à l'ouvrage, les investisseurs y mettent les formes en allant jusqu'au bout du raisonnement du petit financier parfait. Car la conviction que la Banque centrale a bientôt achevé son œuvre est le nœud gordien de toute cette affaire. C'est elle qui motive la détente de toutes les primes de risques toutes classes d'actifs confondues, ce que l'on observe effectivement : préférence pour les actions, pour le crédit, pour les valeurs cycliques, pour les valeurs de croissance, etc.

L'investisseur aura aussi relevé une phrase souvent employée par le Banquier central et qui laisse toujours perplexe : « oui, nous continuerons de monter les taux autant qu'il le faudra, mais notre politique monétaire sera dépendante de l'évolution des données économiques ». On conviendra sans peine que la deuxième partie de la phrase est une évidence, voire qu'elle contraste presque avec la première partie. Mais, le Banquier central éprouve parfois le besoin d'ajouter cette deuxième partie pour une raison que lui seul connait, mais que l'investisseur croit deviner : « le Banquier central n'assume pas ses actes ».

La théorie des signatures et la volatilité des marchés

Cette forme de passivité du Banquier central ne serait donc pas anodine. S'il ne dit pas ce qu'il faut dire, c'est qu'il a de bonnes raisons. D'ailleurs, il ne dit pas le contraire, c'est juste qu'il ne dit rien. Un genre de Bartleby : « je préfèrerais ne pas ». Selon la thèse de l'investisseur, le Banquier central n'aurait pas d'autre choix que d'annoncer ce qu'il ne va pas faire. Il doit annoncer que les taux vont monter encore et encore, mais en fait les taux vont juste monter encore un peu. Probablement un peu excessif comme raisonnement de l'investisseur. Mais c'est dans sa nature. L'investisseur est exubérant ou n'est pas.

D'ailleurs, l'investisseur est taillé pour cela. On pourrait même croire que cette volatilité des marchés, ces aller - retour récurrents et violents, cette inconstance dans l'opinion, sont une forme finalement très adaptée à son inaptitude à prévoir le monde. Pas si débile que cela en vérité, on appelle (appelait) cela la théorie des signatures, qui nous dit que la forme ou la couleur de certaines plantes révèle leur fonction. Par exemple, la grande pinprenelle de couleur rouge fit croire en sa capacité d'absorber le sang. De même, la volatilité exubérante des marchés nous convainc facilement en sa capacité de gober des âneries.

Le point aveugle d'inflexion de l'inflation

Bref. Tout cela pour dire que le monde a l'œil rivé sur ce point d'inflexion de l'inflation. Un point d'inflexion qui n'est pas encore là selon le discours officiel des Banques centrales, qui est déjà passé selon la lecture du discours officiel des banques centrales par les marchés. Il y a le risque que les marchés aient tort, et le risque que les Banques centrales aient tort. Dans le premier cas, c'est le risque que la hausse des prix soit loin d'être terminée, dans le second cas c'est le risque que le prix de la hausse (des taux) soit trop élevé. L'inversion des génitifs résume tout. Soit l'euphorie des marchés pourrait être douchée violemment, de l'extase à l'épectase. Soit l'inertie monétaire pourrait provoquer la récession que l'on a failli éviter... de l'inflation à la déflation ?

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Commentaire 1
à écrit le 05/02/2023 à 10:41
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A 64 ans j aurais 181 trimestres cotisé et vous? Il faut donc que tout le monde ai 180 trimestres pour partir en retraite . La ont va rigoler sur l age de depart ..

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