Zone euro : des divergences ingérables

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui : de la crise de convergence à la reprise de divergence pour la zone euro.

Derrière la crise européenne, il ne faut pas l'oublier, il y avait fondamentalement une crise de la convergence. Ou disons plus précisément une divergence réelle des économies intenable sous un régime de monnaie unique. Des écarts de croissance de la productivité et des coûts unitaires, renforcés par des phénomènes d'agglomération industriels qui ont produit les déséquilibres financiers que l'on connaît et qui ont soumis l'édifice de la monnaie unique à des tensions extrême. La crise a  eu des résultats contrastés et ambigus sur ce phénomène de divergence réelle. Pour en prendre la mesure, il faut avoir comme référence le schéma idéal de la convergence des économies qui passe en théorie par deux mécanismes :

1/ La mobilité du travail, notamment peu qualifié, qui, s'il va là où les salaires et les niveaux de productivité sont les plus élevés, entraine une égalisation de la productivité et des salaires entre zone.

2/ La mobilité du capital, qui lorsqu'il se dirige là où les promesses de rendement sont les plus élevées, c'est-à-dire là où le coût du travail est le plus faible et les marges de progression de la productivité la plus élevée, permet un rattrapage du capital par tête.

Or que s'est-il passé ?

1/ Clairement un écrasement des écarts de coûts unitaires  qui s'étaient formés au cours des décennies 90 et 2000. Fruit on le sait des politiques de dévaluation interne. Cela va  bien dans le sens d'une correction de ce qui sous-tendait la divergence de nos économies. Même dans le cas de la France, dont l'indicateur, tel qu'il est conçu sous-estime grandement l'impact du CICE. Mais cette correction ne fait qu'entériner nos écarts de productivité et de niveau de développement. Elle ne conduira ultérieurement à leur correction que si l'investissement et l'emploi embrayent.

2/ En revanche pour ce qui est de la mobilité. On sait que les migrations intra-européennes concernent de plus en plus les diplômés. Venus des pays du Sud notamment. Ces migrations ne tendent donc pas à égaliser les niveaux de productivité,  mais les renforcent au contraire, tandis que l'augmentation du chômage des moins qualifiés complique l'équation sociale du Sud.

3/ Concernant le capital. Les plus fortes destructions de capacité industrielle ont eu lieu au sud. Intensifiant encore la polarisation industrielle sur le bassin rhénan. Les flux d'investissement directs corrigent partiellement cette asymétrie, mais sont loin encore de compenser la casse occasionnée par la crise, car il s'agit plus de reprise de sites existants que de création de nouvelles capacités.

Les coûts unitaires ont augmenté

Au total : la crise a nivelé les coûts unitaires.  Mais la R&D, continue à s'agglomérer au cœur de l'Europe.  idem pour le capital humain et les secteurs à hautes intensité en savoir Et au final, la crise a renforcé les écarts de productivité et dramatiquement aggravé les écarts de PIB par habitant. Dans ce contexte, la reprise va produire un effet cosmétique sur nos divergences réelles. Les PIB par habitant pourrait reconverger momentanément, la reprise étant de plus forte intensité là où la main d'œuvre a été le plus démobilisée. Mais derrière la façade de notre convergence retrouvée, il faudra surveiller les tendances de productivité.  Même si cette dernière a pu transitoirement se redresser par effet de sélection en Espagne, que se passera-t-il lorsque les secteurs de service à faible qualification redresseront leur part dans l'économie ?

Une grande machine à diverger

La réalité, c'est que l'Europe en régime de monnaie unique reste une grande machine à diverger. Et que rien de ce qui était au cœur de la crise n'a été réellement résolu. Pour cela, il faudrait s'appuyer sur autre chose que les forces spontanées du marché et avoir une politique de transferts et d'investissement autrement plus volontaire que celle qui existe aujourd'hui sur l'espace européen. En dépit du plan Juncker et des aides structurelles, presque tout reste à construire dans ce domaine. Seule condition pour que la zone euro devienne un espace de convergence.

 >> Plus de vidéos sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaires 3
à écrit le 10/04/2015 à 13:15
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Et l'énergie, pourquoi ne pas en parler? Elle a un role non négligeable.

à écrit le 10/04/2015 à 9:10
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"La réalité, c'est que l'Europe en régime de monnaie unique reste une grande machine à diverger" ... et que nos dirigeants sont dans le déni total de ce fait.

à écrit le 09/04/2015 à 18:19
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Il faut analyser la relation entre cout du travail et prix de l'énergie. La France est mal placée par rapport aux autres pays européens. Mais tout le monde s'en fiche éperdument.

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