Les nouveaux défis du vin de Bordeaux

À l’occasion de la 3e édition des Talents du vin, organisée le 2 juin à Bordeaux et visant à récompenser des acteurs aquitains du monde du vin, "La Tribune" fait le point sur les raisons majeures qui permettent à la filière viticole française de rester dans la course !
Le Bordelais entend désormais s'appuyer sur son magnifique patrimoine pour devenir un acteur mondial majeur du tourisme viticole.

La cloche sifflant la fin du match opposant la viticulture bordelaise à la crise économique, qui s'était traduit en 2010 par la mise en place du plan stratégique « Bordeaux Demain » n'a pas tout à fait retenti. Mais déjà, d'autres batailles engagent l'avenir de la production bordelaise de vins. Combattre le bordeaux bashing, décoller l'étiquette « pesticides » qui colle aux basques de la production viticole, prendre définitivement, dans le tourisme viticole mondial, la place que Bordeaux est en droit d'espérer.

On peut prendre le sujet par tous les bouts, et même par le plus petit goulot de la bouteille. Le fait est que la stratégie de repositionnement et de sortie de crise mise en place en 2010 par le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), via un plan baptisé « Bordeaux Demain », a payé. La décision avait été prise au plus fort de la crise économique, à un moment où Bordeaux comptait le plus de propriétés rencontrant de graves difficultés économiques illustrées, de manière symbolique et symptomatique, par une chute brutale des cotisations de l'interprofession CIVB, cotisations assises sur les ventes des vins. Entre les exercices 2007 et 2010, ces cotisations, qui représentent 97% du budget de fonctionnement du CIVB, ont fondu de sept millions d'euros, passant de 34 millions d'euros à 27 millions d'euros.

Montée en gamme et meilleure valorisation

Mais ça, donc, c'était avant. Avant le plan « Bordeaux Demain » qui, au prix d'audits économiques dans les propriétés, d'un dialogue « renforcé » avec les metteurs en marché pour garantir des prix d'achat supportables pour les producteurs, de travaux d'Hercule dans les vignes et les chais pour pondre une nouvelle segmentation de la production et une montée en gamme des plus modestes productions visait, à l'horizon 2018, à permettre à la filière de réaliser un chiffre d'affaires de 4,6 milliards d'euros. On n'en est pas encore là, mais avec, pour 2015, un chiffre d'affaires de 3,8 milliards d'euros, la production bordelaise sort clairement de l'ornière. La preuve ? Les cotisations sont remontées, en 2015, à 29,50 millions d'euros.

Les cours proposés aux producteurs sont désormais généralement corrects, les volumes commercialisés - 4,8 millions d'hectolitres vendus - en ligne avec le marché, les résultats des campagnes commerciales confirment la pertinence du modèle économique choisi. Si les volumes écoulés dans les grandes et moyennes surfaces françaises reculent (-5% en 2015) avec 170 millions de bouteilles vendues, par rapport à 2014, le chiffre d'affaires reste stable, à 898 millions d'euros.

Conclusion : le plan « Bordeaux Demain » tablait sur une montée en gamme et une meilleure valorisation des bordeaux, et cela semble désormais gagné, puisque si les bordeaux à moins de 3 euros plongent (-32%), le coeur de gamme, et les catégories situées entre 4 et 6 euros, et entre 6 et 15 euros, progressent, elles, respectivement de 4% et de 9%.

« On avait abîmé l'image de Bordeaux au fil des ans avec des politiques de prix très bas en France, et très hauts à l'export. Le marché français donne le tempo aujourd'hui : les vins de Bordeaux à vil prix, c'est fini ! » commentait il y a quelques mois Bernard Farges, président du CIVB.

Les cours aussi semblent bien vieillir

Exit les 900 euros le tonneau de bordeaux rouge, désormais les cours sont plus proches de 1.200 euros le tonneau.

« C'était un véritable challenge ! assurait fin 2015 Allan Sichel, à l'époque président de la Fédération du négoce. Nous tous, acteurs de toute la filière, avons su le relever. Nous avons réussi à conserver en 2014 les niveaux de cours d'une année 2013 de toute petite récolte en quantité. »

Une analyse partagée par Bernard Farges :

« La crise a été rude, le marché reste toujours compliqué et le retour à bonne fortune de la filière bordelaise ne se traduit sans doute pas encore dans les comptes d'exploitation, mais l'impact de 2014 et de 2015 sera positif et va changer la donne. »

Image dégradée et attractivité touristique

Un défi en entraînant d'autres, désormais la filière viticole bordelaise doit s'atteler à trois nouveaux grands chantiers pour s'assurer un avenir. Confrontée depuis quelques années à la montée du sujet « pesticide » qui a connu une accélération brutale en février dernier, avec la diffusion d'un documentaire-choc signé Cash Investigation sur France 2, la production bordelaise ne se cache pas (plus ?) derrière son petit doigt.

L'interprofession CIVB rappelle que contrairement à ce qui peut se dire, elle n'est pas restée inactive sur ce sujet. Elle se veut même proactive et entend désormais le faire savoir. Dans son dernier discours, le président du CIVB a ajouté un bout de phrase qui change tout, ou presque, dans son positionnement. Après avoir souligné qu'« à court terme, nous avons le devoir d'être exemplaires sur ce sujet », il y a quelques jours, Bernard Farges a évoqué la diminution, « voire la sortie des pesticides », lors de l'assemblée générale de l'interprofession qu'il préside jusqu'en juillet prochain. Cette petite précision s'apparente à une révolution, assumée, en Bordelais.

Outre le chantier « pesticide », la profession entend corriger l'effet bordeaux bashing qui semble toucher une génération entière de consommateurs, cavistes, sommeliers et restaurateurs. Si rien n'a encore été décidé et budgétisé du côté de l'interprofession, la volonté a été clairement exprimée par son président, fin avril, et de grands noms du vin bordelais comme Stéphane Derenoncourt ou Michel Rolland sont déjà sur le front.

Un coup d'avance avec la Cité du vin ?

Enfin, c'est aussi sur le plan du tourisme viticole que Bordeaux joue une partie de son avenir économique.

Après avoir connu un très grand retard par rapport à des régions de production comme la Californie (Napa Valley), l'Afrique du Sud ou encore l'Australie, Bordeaux, s'appuyant notamment sur les exemples, réussis, de pionniers comme Lynch Bages ou Smith Haut-Lafitte, entend devenir un acteur mondial du secteur. Si elle a rattrapé son retard, l'ouverture, à Bordeaux, le 1er juin, de la Cité du vin, outil unique au monde dédié à tous les vignobles et à la culture du vin, devrait même lui donner un coup d'avance.

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>>> INSCRIPTION

vin talent

La 3e édition des Talents du vin, événement organisé par La Tribune et visant à récompenser des acteurs aquitains du monde du vin, aura lieu le 2 juin. La remise des prix se tiendra à la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique à Bordeaux. Venez rencontrer les lauréats et les principaux représentants de la filière en vous inscrivant ICI.

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>>> LES CHIFFRES 2015 DE BORDEAUX...

  • 4,8 millions d'hectolitres vendus
  • 640 millions de bouteilles vendues
  • 3,8 milliards d'euros de chiffre d'affaires
  • 21 bouteilles de Bordeaux vendues par seconde dans le monde
  • 5,42 euros : le prix moyen d'une bouteille de Bordeaux rouge
  • 58% des ventes sont réalisées en France
  • 898 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé en grande distribution (France)
  • 42% des ventes sont réalisées à l'export

... ET LE VIN DE BORDEAUX DÉCHIFFRÉ

  • 6.460 viticulteurs
  • 17 hectares, la taille moyenne des exploitations
  • 300 maisons de négoce
  • 84 courtiers
  • 34 caves coopératives
  • 5,3 millions d'hectolitres (récolte 2015)
  • 720 millions de bouteilles produites en moyenne par an
  • 88% de la superficie sont occupés par les cépages rouges : merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc, malbec, petit verdot, carménère
  • 12% de la superficie pour les cépages blancs : sauvignon blanc, muscadelle, sémillon, colombard, merlot blanc, chenin, folle blanche, ugni blanc
  • 45% du vignoble sont certifiés : viticulture raisonnée, bio, biodynamique, intégrée...

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