Bourgogne-Franche-Comté : première région de France à soutenir la sous-traitance automobile

ENQUÊTE. Dans le cadre de France Relance, 27 projets automobiles dans la région bénéficient déjà des subventions de l’État pour moderniser leurs outils de production. Un appui de 18 millions d’euros d’aides à l’investissement pour les sous-traitants qui permettra de générer près de 60 millions d'euros d’investissement productif en Bourgogne-Franche-Comté.
La filière automobile de la région couvre un domaine varié d'activités, en particulier en Franche-Comté, tels que l'usinage, le décolletage, le traitement de surface, la plasturgie, etc.
La filière automobile de la région couvre un domaine varié d'activités, en particulier en Franche-Comté, tels que l'usinage, le décolletage, le traitement de surface, la plasturgie, etc. (Crédits : LSI)

Malgré son image très rurale, la Bourgogne-Franche-Comté est aussi la plus grande région industrielle de France, avec une tradition bien ancrée. L'automobile représente un poids lourd de cette industrie régionale, avec 12% des salariés qui travaillent dans ce secteur. Avant la crise, la filière automobile représentait 300 établissements pour 40.000 salariés.

Le symbole de cette forte présence est incarné par le site du groupe PSA Peugeot Citroën implanté à Sochaux, berceau historique de la marque au Lion. Le troisième plus important employeur de France a progressivement entrainé le développement de nombreux équipementiers et sous-traitants de l'automobile à dimension internationale. La filière automobile de la région couvre un domaine varié d'activités, en particulier en Franche-Comté, tels que l'usinage, le décolletage, le traitement de surface, la plasturgie, etc.

« L'évolution de ce secteur est un enjeu majeur dans l'économie régionale », souligne Fabien Sudry, préfet de la région Bourgogne-Franche-Comté. « L'objectif de France Relance est de préserver notre capacité industrielle et notre potentiel d'emplois, pour garder les compétences », poursuit-il. La région Bourgogne-Franche-Comté est également dans une dynamique d'innovation depuis plusieurs années. Elle s'est dotée, avec la région Grand Est, d'un pôle de compétitivité en 2005, le Pôle Véhicule du Futur, (PVF), dont le siège social est à Étupes, dans le Doubs. Cette association fédère les acteurs industriels, académiques et de la formation dans le domaine des véhicules et mobilités du futur.

« 20 % des capacités nationales de ce fond destinées à notre région »

Touchées de plein fouet par la crise sanitaire, les usines du secteur automobile se sont arrêtées, les concessions sont restées fermées pendant le confinement. En avril dernier, le secteur a connu une baisse moyenne d'activité de plus de 80 %. La chute est du même ordre pour les ventes automobiles. Les prévisions actuelles du marché automobile font état d'une baisse du marché en 2020 d'au moins 20 % dans le monde, et de 30 % en Europe. Afin de rester une grande nation de l'automobile et de produire en France les véhicules propres de demain, trois directions ont été retenues pour ce plan.

D'une part un soutien par la demande avec des bonus et primes à l'achat pour les véhicules propres. D'autre part, un soutien par l'offre avec des aides aux investissements pour produire les véhicules de demain. Et enfin, un soutien par le développement des compétences. « Sur le fonds qui nous concerne au plan territorial, le soutien aux investissements de modernisation, nous arrivons en tête avec 20 % des capacités nationales de ce fonds destinées à notre région. À titre de comparaison, la population régionale représente 4,5 % de la population métropolitaine. Nous avons pu financer 27 projets sur 85 au plan national, pour un montant de 18 millions d'euros engagés qui génère 60 millions d'euros. Ce plan s'est bien enclenché et environ une vingtaine de projets sont encore en attente », précise Fabien Sudry. Initialement, la date de dépôt des dossiers était fixée fin novembre mais devant le succès rencontré, le dispositif a été reporté à juin 2021. « Les candidats peuvent envoyer leur dossier à tout moment, il sera traité dans le mois en cours », poursuit-il.

« Un message de confiance pour redémarrer l'investissement »

Le préfet explique cette réussite par la coopération étroite entre les acteurs publics État/Région et les acteurs économiques. Un écosystème qui fonctionne bien et qui a permis de repérer les projets industriels créateurs de valeur. Les principaux critères d'éligibilité sont ceux qui permettent un véritable effet de levier dans cette industrie en pleine révolution. Des projets de modernisation de l'outil de production, ou des innovations en lien avec les véhicules propres, qu'ils maintiennent ou soient créateurs d'emplois, tout en maintenant un équilibre territorial.

Les zones de bassins d'emplois plus fragilisées, tel que le Nord Franche-Comté, et en particulier le Jura, ont été accompagnées de manière prioritaire. « Si l'on se projette encore quelques mois auparavant, en août ou en septembre dernier, les ventes de véhicules avaient fortement chuté. Ces subventions sont aussi un message de confiance qui a permis de redémarrer l'investissement et de relancer les commandes », souligne Fabien Sudry. Sur le reste du programme de France Relance, la région est bien positionnée. C'est la première région française en nombre de projets financés sur le volet industriel

Un échec et trois réussites

La Bourgogne Franche-Comté n'a pas été épargnée par cette crise qui touche particulièrement le domaine automobile. Le constat sur le terrain est dichotomique. D'un côté, les entreprises dont les finances et la trésorerie étaient suffisamment solides avant la crise la traversent mieux que prévu grâce aux mesures mises en place par le gouvernement qui permettent de garder une trésorerie et d'ajuster la charge des ressources humaines.

De l'autre, les entreprises déjà fragiles avant la crise qui le sont d'autant plus, voire qui n'ont pas résisté. Sur notre territoire, le sous-traitant automobile MBF Aluminium qui emploie 260 salariés permanents à Saint-Claude (Jura) a été placé en redressement judiciaire. Le fabricant de carters de moteurs et d'éléments de boîtes de vitesses s'est trouvé dans l'incapacité de rembourser ses dettes, ce qui a entraîné sa déclaration de cessation de paiements, en novembre dernier. Parmi celles qui s'en sortent mieux que prévu grâce aux dispositifs amortisseurs de l'État : Décolletage Jurassien, Oreca, et Lisi Automotive.

Décolletage Jurassien : diversifier ses marchés

Ainsi, Décolletage Jurassien - filiale du groupe Ardec Métal - (17 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019 et 60 personnes réparties sur deux sites APM et Décolletage Jurassien) connaissait ces quinze dernières années une croissance forte liée à son savoir-faire dans la production en grande série de pièces en inox. Cette année, le chiffre d'affaire du leader européen des pièces de décolletage devrait chuter de 25%. « Nos marchés étant exposés à plus de 80% à l'automobile se sont effondrés en mars, avril et mai. On a commencé à voir une remontée des volumes à partir du mois de juin. Pendant la période creuse, le premier confinement, nous nous sommes attelés à aller chercher de nouveaux marchés pour compenser une baisse globale dans l'automobile et nous diversifier pour l'avenir », explique Éric Jeanningros, directeur de Décolletage Jurassien.

L'entrepreneur s'est positionné sur les véhicules électriques et le secteur cosmétique qui nécessite un savoir-faire important sur l'usinage des inox. « Notre savoir-faire nous a permis de viser un marché existant, mais sur lequel nous apportons une solution d'innovation de process qui permet de répondre aux gros volumes », poursuit-il. De nombreuses machines réservées à l'automobile étaient à l'arrêt. Ce qui a libéré des capacités de production pour un nouveau donneur d'ordre sur le marché des véhicules électriques. Ce dernier rencontrait des difficultés d'approvisionnement avec son fournisseur historique. « Nous avons dépanné ce donneur d'ordre pendant huit mois ! Et au sortir de ce dépannage, ce dernier nous a fait confiance pour l'approvisionner durant l'année à venir. Cette seule pièce représente 3% de notre chiffre d'affaires », confie Éric Jeanningros.

Tour à décolleter multi-roches de Decolletage Jurassien

Relocaliser de la fabrication de composants technologiques en France

Décolletage Jurassien est aussi allé se repositionner sur des marchés qui sont les siens historiquement : les systèmes d'échappement pour l'automobile. Sur ces marchés, certains donneurs d'ordre exigent des composants de plus en plus complexes car les systèmes de dépollution automobile se complexifient. « Un de nos donneurs d'ordre avait un marché sur lequel il rencontrait des difficultés d'approvisionnement dues à un fournisseur situé en Inde. Il nous a consulté sur la faisabilité du marché. Nous lui avons proposé des innovations technologiques et des changements de design pour que les pièces qu'il achète en Inde soit faisables en France », précise Éric Jeanningros. Décolletage Jurassien a proposé un dossier dans le cadre de France Relance pour financer de nouvelles machines complexes afin de répondre à ce nouveau client qui commandait en Asie. Dossier accepté pour un montant d'un million financé à 80% par l'État. Ce qui lui a permis de remporter le marché pour une durée de six ans. « Cette production représentera dès l'année prochaine 20% de notre chiffre d'affaires », s'enthousiasme Éric Jeanningros. Au total, 4 millions d'euros seront investis par l'entreprise sur les deux ans à venir. « Sans l'aide du plan de relance, le positionnement sur ces marchés aurait été plus compliqué, voire impossible », témoigne le chef d'entreprise. Des embauches sont prévues pour accompagner cette nouvelle croissance dès 2021, avec quatre personnes supplémentaires.

Lisi Automotive : un volet social positif

Lisi Automotive est la partie automobile du groupe Lisi (588 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 3.600 salariés). Le fabricant de fixations vissées, de solutions clippées (plastique et/ou métal), et de composants mécaniques de sécurité, emploie un millier de personnes dans le Nord Franche-Comté sur cinq sites (Lure, Mélisey, Granvillars, Delle, et Dasle). « Nous livrons 10 milliards de pièces par an à nos clients », précise François Liotard, directeur général de Lisi Automotive. Ce dernier estime à 25% la perte de son chiffre d'affaires. Toutefois, le chef d'entreprise se dit satisfait du plan France Relance pour l'automobile. « Ces mesures sont essentielles si l'on veut garder les fabricants de composants automobiles en France », souligne-t-il. Lisi Automotive a connu une grande dépression lors du premier confinement en Chine et durant celui qui a suivi en Europe et aux États-Unis avec une baisse de 80% de l'activité, puis un rebond à la rentrée plus fort qu'attendu sur la partie automobile. « Aujourd'hui, nous connaissons un retour d'activité presque comparable à l'avant crise sur nos trois marchés : Chine, Etats-Unis, Europe », constate François Liotard. Le chef d'entreprise a candidaté au plan France Relance dans le cadre d'un projet qui se tourne vers le marché des véhicules électriques.

Le siège de Lisi Automotive Grandvillars

Son projet « lead screw », qui signifie « vis d'entraînement », vise à produire des pièces présentes dans les habitacles des voitures électriques. Celles-ci seront utilisées dans les moteurs qui servent, par exemple, à faire bouger un appui-tête. Pour François Liotard, c'est un marché qui sera en pleine expansion dans les années à venir. « Dans les voitures du futur, les voitures autonomes, les passagers devront s'occuper. Les vis d'entrainement entreront dans la conception du moteur qui permet, par exemple, de faire sortir une tablette d'un siège », explique-t-il. C'est dans l'usine de Delle, fondée en 1899, qui génère un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros par an que seront produites ces « vis d'entrainement ». Pour l'instant, 80 % des pièces de son catalogue sont destinées à des moteurs thermiques et notamment diesels.

Avec les mutations du marché de l'automobile, et la montée en puissance des véhicules électriques, dont les ventes augmentent « de 53% d'une année sur l'autre », elle doit renouveler ses offres pour coller à ce marché. Le projet « lead screw » fait partie de ce développement. La dotation de 800.000 euros (sur un investissement total de l'entreprise compris entre 1,5 et 2 millions d'euros) va permettre à l'usine de financer une partie de son système de production. François Liotard espère fabriquer les premières « vis d'entrainement » d'ici la fin de l'année prochaine. À ce jour, une dizaine d'ingénieurs travaillent sur le projet. « Cette nomination dans la plan France Relance était importante pour moi d'un point de vue financier, mais aussi d'un point de vue social. J'avais sous-estimé ce volet alors que cet investissement illustre la transformation engagée de l'entreprise, du thermique vers l'électromobilité », confie François Léotard. « Ce volet social a été très positif et les salariés sont fiers de participer à cette transformation », poursuit-il.

Ce projet de reconversion vise le maintien des emplois plutôt que la création. « Nous ne sommes pas sur un plan de développement de l'emploi. Nous allons avoir à l'horizon 2040, 80% de notre activité qui va disparaître, donc nous avons vraiment un enjeu, qui est de remplacer ce socle qui s'érode chaque année, par des nouvelles pièces qui s'inscrivent dans la mutation de l'industrie automobile », explique le directeur général.

Les fours de Lisi Automotiv sur le site de Delle

Oreca relance la mécanique

Créée dans les années 1970 par un passionné de course automobile, Hugues de Chaunac, le fleuron français sur le marché européen du sport automobile produit des voitures de course dans les ateliers du technopôle de Signes (200 personnes), et fabrique également les moteurs dans un atelier situé dans la Nièvre, près du célèbre circuit de Nevers Magny-Cours. Une cinquantaine de personnes y travaillent dont cinq ingénieurs. Le groupe Oreca génère un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros dont 50% à l'export. Il devrait connaitre une baisse de 25% cette année.

Le directeur du site de Magny-Cours a candidaté au plan de relance. « Notre objectif est de relancer la mécanique ! Le redémarrage de l'activité va être lent mais ce nouveau produit va nous permettre de redynamiser la reprise », souligne Serge Meyer, directeur du site Oreca de Magny-Cours. « Aujourd'hui, il est difficile de se faire entendre si on ne parle pas d'hydrogène ou d'électrique dans l'automobile. Malheureusement, ce ne sont pas des technologies encore assez matures, ni duplicables dans le sport automobile. Afin de montrer qu'Oreca s'implique pour préserver l'environnement, nous nous sommes penchés sur un projet de Formule 4 hybride avec l'utilisation de carburant de troisième génération (synthèse de récupération de déchets naturels ou algues) pour présenter une voiture qui revendique une neutralité carbone sur le site », poursuit-il.

Certes, la Formule 1 connait déjà des voitures hybrides avec récupération d'énergie mais celles-ci utilisent du carburant normal. Les subventions de l'État s'élèvent à 200.000 euros pour ce projet au coût total de 400.000 euros. « Notre optique est de préserver des emplois plus que d'en créer. Cette aide nous permet de développer un produit différent identifié sur un type de voiture, qui sera ensuite duplicable à d'autres Formules. Les connaissances acquises permettront de proposer ce type de véhicules sur diverses championnats », précise Serge Meyer. Cette nouvelle monoplace devrait être présentée fin 2021, et rouler sur les circuits en 2022 pour le championnat de la Fédération internationale de l'automobile.

Le fleuron français sur le marché européen du sport automobile

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Commentaires 6
à écrit le 30/12/2020 à 12:40
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C’est une honte de parler de Bourgogne Franche-Comté. C’est de la duperie intellectuelle. L’automobile, c’est la Franche-Comté. Bien sûr, votre correspondante est dijonnaise... ça explique tout. Les vins bourguignons ne sont pas franc-comtois, alors ...

à écrit le 30/12/2020 à 12:25
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Dans le Doubs, abstiens toi, c'est bien connu. Article inutile, c'est sinistre comme le reste reduit a peau de chagrin.

à écrit le 29/12/2020 à 14:28
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Pourquoi l'Etat financerait des investissement que le marché juge non rentables? C'est donc de la dépense publique! Pourquoi dépenser de l'argent public pour des produits à l'utilité sociale réduite? Pourquoi ne pas nationaliser ces entrepri...

le 29/12/2020 à 14:57
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Parce que ils ne sont pas rentables seulement à cause de la moindre compétitivité de la France (fiscalité, cout du travail, compétences) alors qu'il le seraient ailleurs. Plus que de subventions on peut parler de correctif partiel à l'handicap de l'...

à écrit le 29/12/2020 à 11:28
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Et dire que vous avez peut-être les meilleurs vins du monde...

à écrit le 29/12/2020 à 11:03
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Je croyais que les "aides", subventions publiques étaient interdites par l'OMC. Airbus, Boeing ont bien été sanctionné pour avoir reçu des aides publiques. Aider la filière automobile par des aides publiques est il bien conforme aux règles sur la c...

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