Mission 5G à Rennes : le sujet crispe, l’écosystème du numérique affûte ses arguments

Souhaitant respecter un engagement inscrit au programme de l’équipe municipale PS-EELV, la ville de Rennes a installé mi-novembre une mission d’étude 5G. Pilotée par le conseiller municipal Pierre Jannin, cette démarche vise à « éclairer le débat public ». Dans la ville des télécoms et du numérique, l’écosystème de l’innovation se mobilise. Orange retarde le déploiement, officiellement pour raisons techniques.
Rennes a lancé une consultation grand public jeudi 26 novembre. Jusqu'au 10 janvier 2021 au soir, les habitants pourront contribuer au débat via la plateforme Fabrique citoyenne.
Rennes a lancé une consultation grand public jeudi 26 novembre. Jusqu'au 10 janvier 2021 au soir, les habitants pourront contribuer au débat via la plateforme Fabrique citoyenne. (Crédits : Ville de Rennes)

Enjeu de débat au plan national sur la place de la technologie dans nos sociétés, la 5G fait aussi réagir les municipalités. Les villes écologistes Bordeaux, Nantes ou encore Besançon se sont prononcées en faveur d'un moratoire. Rennes, pourtant pionnière des télécoms et du numérique, s'inscrit dans une démarche similaire mais moins fermée. La municipalité PS-EELV a installé mi-novembre une mission 5G afin de respecter un engagement inscrit à son programme.

D'abord prévue pour fin 2020, la 5G ne sera donc pas lancée à Rennes avant 2021. En annonçant le lancement de son réseau 5G dans 15 communes françaises dès le 3 décembre 2020, dont Nice, Marseille, Le Mans, Angers et Clermont Ferrand, Orange a indirectement confirmé mercredi que Rennes (comme Nantes) ne faisait pas partie de cette première vague.

Dans la capitale bretonne, les antennes sont installées mais des « ajustements techniques » sont en cours pour remplir les critères de vitesse (au moins quatre fois supérieure à la 4G), justifie Orange Grand Ouest. L'opérateur, qui, en Bretagne, prévoit de lancer d'abord la 5G à Rennes et Brest afin d'éviter d'ici à 2022 une saturation du réseau 4G, joue aussi la carte du dialogue avec les collectivités et de la pédagogie. Après les enchères achevées le 1er octobre pour l'attribution par l'Etat des fréquences aux opérateurs en vue d'un déploiement national fin 2020, les maires n'ont pas le pouvoir de s'opposer au développement du réseau mobile. Mais aucun opérateur ne souhaitera passer en force, d'autant que l'installation d'antennes sur les bâtiments municipaux relève des prérogatives des maires. La quasi-moratoire imposé par Rennes jusqu'en mars invite toutes les parties prenantes au débat.

Un dialogue jugé d'emblée « surréaliste et irresponsable » par le président de l'Union des entreprises d'Ille-et Vilaine (UE35). « Renoncer au déploiement de la 5G, c'est renoncer à défendre les emplois et les entreprises du territoire » écrivait Hervé Kermarrec le 18 septembre dans un communiqué. « L'opposition frontale qu'une partie des élus de Rennes Métropole entend opposer au déploiement de la 5G inquiète les entreprises. »

Depuis, l'ambiance s'est un peu détendue. Comme l'a souligné son directeur Pierre Jacobs, Orange Grand Ouest participe lui aussi à la consultation citoyenne organisée par la Ville. Tout comme SFR.

Mise en ligne de la plateforme Fabrique citoyenne

Pilotée par Pierre Jannin, chercheur spécialiste de l'imagerie médicale et conseiller municipal délégué au numérique et à l'innovation, la mission 5G se présente comme une démarche à « caractère démocratique et transparent. » Elle entend permettre à chacun de mesurer les enjeux de cette innovation : économie et emploi, énergie et environnement, santé et cadre de vie, sécurité et éthique. « Le dialogue avec la société civile constitue un principe d'action pour la mise en oeuvre de toutes les politiques publiques » signale la Ville de Rennes, dont la maire Nathalie Appéré, ne se déclare a priori « ni pour, ni contre » la 5G. « La mission 5G cherchera à identifier les avantages, les inconvénients, les opportunités et les risques liés au déploiement de cette nouvelle technologie. »

Constituée de 40 personnes représentant, la mission est composée pour moitié de représentants élus et pour moitié de non-élus, dont 16 citoyens tirés au sort et un représentant étudiant. Après deux séances de travail les 13 et 14 novembre avec des experts tels que Jean-Benoît Agnani, directeur adjoint de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) et Annie Blandin, membre du Conseil national du numérique, Rennes a lancé le consultation grand public jeudi 26 novembre. Jusqu'au 10 janvier 2021 au soir, les habitants pourront contribuer au débat via la plateforme Fabrique citoyenne. Celle-ci accueille un espace de questions et un espace de contributions.

Entre le 26 novembre et début 2021, la mission, épaulée par le cabinet Vox Operatio chargé de la conception et l'animation de la démarche, sera aussi organisée autour d'ateliers thématiques, en présence d'experts invités. Pour parler économie et emploi, Pierre Jannin et son équipe ont reçu jeudi, Pierre Jacobs d'Orange Grand Ouest, Richard De Logu, directeur général de l'association Bug, Bertrand Guilbaud, directeur général de l'IRT bcom ainsi que Jean Le Traon, directeur du campus de Rennes IMT Atlantique et membre du Poool. Cette structure d'accompagnement des entreprises innovantes du territoire et aussi l'opérateur du label French Tech.

Les expérimentations 5G professionnelles se poursuivent

Alors que le milieu économique rennais voit dans la 5G un outil de développement pour un territoire dont l'écosystème numérique réunit près de 38 000 salariés, Daniel Gergès, directeur du Poool, ne situe pas dans la polémique.

« Le rôle du Poool est de créer les conditions pour que l'économie et les entreprises se développent à Rennes. Depuis le lancement de la mission 5G, le débat s'est apaisé. Le dialogue est ouvert et il faut aborder tous les enjeux, y compris celui de l'impact sanitaire. Le Poool va rappeler l'importance de l'innovation numérique pour l'économie de la métropole rennais et son leadership. C'est aussi un facteur d'attractivité des talents. Heureusement, la mission ne bloque pas les expérimentations 5G en cours en matière de e-santé et de mobilité. »

Orange et Nokia testent depuis un an la 5G dans la bande 26 GHz (5G du futur) en gare de Rennes. L'institut bcom développe de son côté des solutions 5G en vue de tests d'usage, courant 2021, avec le CHU de Rennes sur des interventions médicales.

Daniel Gergès précise que plusieurs startups rennaises telles que Broadpeak (streaming vidéo), Smartviser (tests mobiles et réseaux) ou AMA (télédiagnostic, téléassistance médicale) contribuent à la norme 5G.

À l'issue de ses travaux, la mission 5G proposera un rapport de synthèse détaillant les différents points abordés, ses analyses et ses recommandations sur les conditions de déploiement à l'échelle de la ville de Rennes. Le rapport de Pierre Jannin sera rendu public et présenté en Conseil municipal le 29 mars prochain.

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Commentaire 1
à écrit le 28/11/2020 à 12:29
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La 5G n'est que équivalent de la fibre mobile alors que nous serrons de moins en moins nomade! L'installation de la fibre risque d'en subir les conséquences! NB On ne doit pas être distrait par un moyen numérique quand on circule, au volant comme a ...

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