Henryot oriente le mobilier vosgien vers le grand luxe

SÉRIE D'ÉTÉ - Filière bois vosgienne 4/5 | Cette PME familiale a abandonné la production de chaises et de fauteuils en grandes séries pour se tourner vers l'édition haut de gamme. Son savoir-faire artisanal justifie des prix plus élevés.
(Crédits : Olivier Mirguet)

Bienvenue dans la plus ancienne manufacture de meubles de Liffol-le-Grand. Ici, on produit du luxe en circuit court. Les forêts de hêtres blancs entourent cette commune dans la plaine de l'Ouest vosgien. Elles offrent à Henryot sa matière première, conformément aux critères de l'indication géographique (IG) accordée à l'entreprise et à ses consoeurs locales depuis 2017, à l'initiative de l'ex-Pôle lorrain de l'ameublement bois.

Les 50 salariés d'Henryot sont ébénistes, sculpteurs, tapissiers doreurs ou peintres. Ils sont presque tous issus de cette partie isolée des Vosges, loin de tous les centres urbains du Grand-Est.

Henryot

"L'entreprise a employé jusqu'à 500 personnes pendant les trente glorieuses", rappelle Dominique Roitel, le président d'Henryot. Il représente la cinquième génération de la famille fondatrice en 1867, et dirige la société depuis 2006.

Après deux plans sociaux successifs et des départs en retraite non remplacés, la stratégie a été réorientée vers la production de meubles en petites séries, voire à l'unité. L'ancien nom commercial Style et Confort a été abandonné au profit du patronyme du fondateur Clément Henryot, jugé plus authentique.

Mobiliers de luxe pour des grands comptes

Le catalogue comprend des chaises, de fauteuils, des commodes, des canapés, pièces sur mesure ou en copie d'ancien. L'atelier de sculpture s'est spécialisé dans la reproduction de styles historiques, depuis le mobilier Louis XIII jusqu'à l'Art Déco. Avantage : ces marchés de niche autorisent de fortes valeurs ajoutées.

"Je ne prospecte plus. Les clients viennent nous chercher", affirme Dominique Roitel.

Depuis 2006, il a multiplié les recours à des prestataires extérieurs : des architectes, agenceurs et designers français comme Jean-Michel Wilmotte ou Jacques Garcia lui ont confié l'édition de leurs créations. En 2019, le chiffre d'affaires d'Henryot s'établira à 4,2 millions d'euros, en hausse de 16%.

Des hôtels et des palaces (Ritz, Crillon, Royal Mansour), des institutions culturelles comme l'Opéra Garnier ou la Fondation Louis Vuitton et des particuliers fortunés figurent parmi les clients d'Henryot. Les prix unitaires les plus bas se situent autour de 1.000 euros pour une chaise. Mais récemment, un dirigeant d'entreprise chinois a acquis pour 300.000 euros un canapé sur mesure. Des chaises contemporaines dorées à l'or fin attendent leur livraison à un oligarque russe, qui prévoit de les installer sur son yacht de luxe.

Dans un autre registre créatif, la création de la réplique du lit et du ciel de lit de Marie-Antoinette a mobilisé plus de 1.000 heures de main d'oeuvre vosgienne.

"La demande des clients justifierait que nous produisions davantage. Mais nous manquons temps pour les satisfaire, notamment dans notre atelier de tapisserie. J'ai 1.500 heures de production en attente et je n'arrive pas à les placer", regrette Dominique Roitel.

Henryot

La mauvaise expérience américaine

Pour diversifier ses méthodes commerciales, Henryot s'est offert en 2016 un show-room éphémère à Miami. L'entreprise y a perdu 500.000 dollars et n'entend pas reproduire l'expérience. Elle tente cette année une diversification dans la vente en ligne, à destination des particuliers et sous une nouvelle marque (Louis Roitel) conçue comme une startup. La chaise ballerine de la créatrice parisienne Madeleine Castaing, l'un des best-sellers d'Henryot, y est proposée à plus de 1.200 euros.

"Le problème, c'est la présentation du catalogue en ligne. Ça ne marche pas", reconnaît Dominique Roitel.

Les partenaires commerciaux attendent des reproductions numériques en 3D du mobilier produit à Liffol-le-Grand. Mais l'entreprise n'est pas équipée pour fournir de tels visuels. Le numérique est pourtant présent dans cette PME : elle vient d'installer dans son atelier une machine à cinq axes pour accélérer la production des pièces contemporaines. Reste à fidéliser les équipes et à pérenniser leur savoir-faire. Il faut "dix ans pour former un bon sculpteur", prévient Dominique Roitel.

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