Metz trace son avenir dans le sillon du Luxembourg

MUNICIPALES 2020. Le développement économique de l'agglomération messine dépendra de la qualité des relations tissées avec le Luxembourg, puissant voisin qui concentre l'essentiel des créations d'emplois au nord de la Lorraine.
La municipalité sortante a créé Bliiida, un tiers-lieu qui pourrait accueillir les filières naissantes de l'économie messine.
La municipalité sortante a créé Bliiida, un tiers-lieu qui pourrait accueillir les filières naissantes de l'économie messine. (Crédits : Olivier Mirguet)

"Les emplois créés au Luxembourg ont remplacé les 100 000 emplois perdus depuis une génération et demie dans nos industries. Sans eux, nous serions sinistrés". François Grosdidier, député (LR) de la Moselle et candidat à la mairie de Metz, prend le contrepied du maire sortant : au pouvoir depuis 2008, le socialiste Dominique Gros ne cachait plus son animosité vis-à-vis du Luxembourg et de son peu d'entrain à participer aux investissements des collectivités françaises.

Difficile de parler d'économie à Metz sans évoquer le Grand-Duché, dont la frontière n'est distante que de 38 kilomètres à vol d'oiseau. L'agglomération messine compte entre 7 000 et 8 000 travailleurs frontaliers, soit plus de 10 % de sa population active. "Le pouvoir d'achat prélevé au Luxembourg et dépensé à Metz a fait le succès de nos commerçants", constate François Grosdidier. L'écologiste Xavier Bouvet, son principal opposant, est tout aussi disert quand il évoque le puissant voisin, "métropole européenne qui a absorbé nos emplois". Pour lui, "la grande région s'est complètement déséquilibrée" au profit du Luxembourg. Françoise Grolet (RN), troisième candidate présente au second tour de l'élection municipale (11,7 % en mars), demande l'interdiction des poids lourds aux heures de pointe sur l'autoroute A31 pour faciliter le trajet des frontaliers.

Le précédent militaire

Avant cette élection qui devrait se jouer entre la liste des Républicains (29,7 % au premier tour) rejointe par une dissidente LREM et les écologistes légèrement en retrait (24,9 %), la gestion de la crise économique à venir est dans toutes les conversations. En 2008, lors de la crise précédente, Metz a subi une double peine avec la fermeture de six casernes, conséquence de la réforme de la carte militaire décidée par Nicolas Sarkozy. "Demain avec la crise qui se profile, c'est notre filière automobile qui va être fragilisée", anticipe Xavier Bouvet. Ancien directeur de l'agence messine de développement économique, il a participé à la mobilisation locale pour l'avenir du site PSA de Trémery (2 500 salariés), converti depuis peu aux moteurs électriques. "On a perdu 5 600 postes dans l'armée. On ne peut pas se permettre d'en perdre 15 000 autres dans l'automobile", insiste celui qui endosse l'héritage politique de Dominique Gros. A 77 ans et après deux mandats, ce dernier a choisi de ne pas se représenter.

"Si on n'avait pas le Luxembourg, la situation économique serait épouvantable", assure Roger Cayzelle, syndicaliste et ancien président du Conseil économique, social et environnemental de Lorraine. Thierry Jean, adjoint sortant en charge de l'économie, est plus modéré : "Les patrons locaux jugent souvent que le Luxembourg constitue une menace, parce qu'il aspire nos emplois qualifiés. Mais les Messins qui partent travailler dans le pays voisin, avec des temps de transport dignes de la région parisienne, ne le font ni par idéologie ni par idolâtrie du grand-duc ! Ce sont les salaires luxembourgeois qui attirent".

Un monorail pour délester l'autoroute

Pour ne pas rester dans l'ombre de leur voisin, les collectivités ont misé sur un marketing territorial que Xavier Bouvet a en partie orchestré, dans ses fonctions passées à l'agence de développement. "L'attractivité reste très faible malgré tout ce travail effectué", tacle Roger Cayzelle. François Grosdidier imagine autre chose pour simplifier la vie des frontaliers : "Les transports ferroviaires et les autoroutes sont saturées. Construisons un monorail entre Metz et Luxembourg", propose-t-il. Ce chantier nécessiterait, selon lui, "entre 500 millions et un milliard d'euros d'investissement". Le monorail serait aménagé "sans acquisitions foncières, entre les deux voies de l'autoroute existante" et prendrait forme "d'ici dix ans, formalisé avec le conseil régional dans le cadre d'un syndicat mixte transfrontalier". Xavier Bouvet réplique dans une offensive sur "des capacités accrues de télétravail" à offrir aux travailleurs frontaliers. Son projet serait mis en oeuvre dans le cadre d'un partenariat avec le parti écologique luxembourgeois Déi Gréng, membre de la coalition gouvernementale.

"Le problème avec les Luxembourgeois, c'est qu'on ne peut jamais s'adresser à un ministre sans risquer d'en froisser un autre. Ils ont toujours l'impression que les Français les prennent de haut. Commençons par renouer de relations plus cordiales avec nos voisins, sans donner l'impression de quémander", propose Roger Cayzelle. "Commençons plutôt par recréer des emplois ici", répond Xavier Bouvet, qui entend favoriser l'émergence de nouvelles filières locales dans les industries créatives, la gestion des déchets électroniques et les circuits courts. Le tiers-lieu Bliiida, un ancien dépôt de bus en cours de reconversion, est conçu pour accueillir de telles entreprises naissantes. Sa rénovation engagée mi-2019 pour 11,5 millions d'euros offrira à terme une capacité d'accueil pour 400 résidents. Ce projet ne devrait pas être remis en cause par les nouveaux élus.

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Commentaire 1
à écrit le 10/06/2020 à 10:24
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Un copain qui travaillait depuis dix ans dans les coins pour intermarché, bien obéissant, efficace et productif, respectueux de ses employeurs a quand même jeté l'éponge pour sa onzième année sans augmentation de salaire décidant d'aller s'installer ...

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