Hauts-de-France : comment les entreprises régionales se préparent au Brexit

REPORTAGE. D'après les chiffres de la CCI des Hauts-de-France, 5.500 entreprises régionales ont des liens commerciaux réguliers avec le Royaume-Uni, et 2.200 en sont « très dépendantes ».
Chez Leroux SA, qui commercialise de la chicorée depuis Orchies, on se demande comment vont évoluer les clients britanniques dans les mois à venir.
Chez Leroux SA, qui commercialise de la chicorée depuis Orchies, on se demande comment vont évoluer les clients britanniques dans les mois à venir. (Crédits : REA)

L'un des premiers effets du Brexit sur les entreprises, c'est l'inflation créée par la dépréciation de la livre sterling. « Résultat, nos produits ont augmenté de 16% à 17% », explique-t-on à La Pâtisserie des Flandres, PME établie à Erquinghem-Lys. « Nos clients britanniques sont, comme nous, dans l'expectative : ils ont tendance à baisser leurs volumes de commandes au profit de produits locaux. Même si l'Angleterre ne pesait qu'une partie de notre activité, le marché britannique représentait quand même notre deuxième marché à l'export. »

La restauration des droits de douane inquiète également : si aucun accord n'est trouvé, les échanges seront soumis aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans ce cas, les taxes s'élèveraient à 3% en moyenne, sachant que les prix peuvent aller bien au-delà pour d'autres secteurs, comme l'agriculture (13%) ou l'automobile (10%). Au sein du Royaume-Uni, les investissements dans le secteur automobile ont déjà été divisés par trois depuis 2016, Honda ayant décidé de fermer son usine britannique et Nissan rapatriant la fabrication de son X-Trail au Japon.

Cuisine et dépendances

Au-delà des tarifs douaniers, les Cartonneries de Gondardennes, dont le siège est à Wardrecques, dans le Pas-de-Calais, ont enregistré une baisse de 50% de leur volume de commandes depuis l'annonce du Brexit. « Nous travaillons avec l'Angleterre depuis vingt ans en leur livrant du carton ondulé en petites et moyennes séries », expliquait Michel Smets, directeur commercial des Cartonneries de Gondardennes, lors des rencontres du Channel Hub, club initié par la CCI régionale pour faire face au Brexit.

L'entreprise envoie dix camions par jour pour livrer en flux tendu, et dans un délai très court, ses clients britanniques. « Les premières mesures que nous avons prises face à cette baisse, c'est de réorienter notre portefeuille clients en produits pour proposer plus de valeur ajoutée, avec des produits nécessitant des délais de fabrication plus longs », explique-t-il. Pour lui, les déclarations douanières pourraient dissuader certaines entreprises de travailler avec les Hauts-de-France.

« Pour un certain nombre de clients, il est évident que nous allons perdre des marchés : il va nous falloir un vrai avantage compétitif pour franchir la barrière douanière. Rien que la garantie bancaire demandée par l'État britannique pour le paiement de la TVA peut en effrayer certains », souligne le directeur commercial.

Chez le transitaire Damco (filiale de A.P. Moller-Maersk), qui gère dans la région une liaison ferroviaire allant de Wuhan, en Chine, à Dourges, dans le Pas-de-Calais, les entreprises britanniques multiplient les contacts, afin d'étudier la possibilité d'installer leur logistique en France, et de s'épargner par la même occasion la paperasserie douanière.

Pour la PME familiale Westlake Plastics Europe (ex-Active Medical), basée près de Bondues et spécialisée dans la fabrication de pièces polymères, telles les prothèses de hanche, les enjeux sont encore plus importants. « Nous achetons de la matière première en Angleterre pour certains articles d'orthopédie. Sauf qu'il n'existe que deux fournisseurs et que l'un pourrait du coup profiter d'une éventuelle situation de blocage », commente Marie-France Forgues, la responsable commerciale. Aussi l'entreprise a fait quelques provisions, mais se sent encore plus dépendante de l'issue du Brexit.

Non seulement toute la partie logistique entre la France et la Belgique est aujourd'hui remise en cause, mais le problème se pose aussi pour la qualité.

« Notre organisme certificateur étant installé en Angleterre, il ne pourra plus certifier pour l'Europe après le Brexit. Même si cet organisme a depuis ouvert une succursale aux Pays-Bas, cette démarche a un coût et nécessite un certain délai », craint-elle.

Des risques de dumping social

Chez Leroux SA, qui commercialise de la chicorée depuis Orchies, Elodie Pora, responsable commerciale, est aussi confrontée au Brexit. « Nous avons reçu hier un client qui dépend beaucoup de notre matière première : il nous a passé des commandes un peu plus volumineuses mais impossible de savoir exactement ce que vont nous réserver les mois à venir. »

Pour Olivier Thouard, responsable douane Gefco France et président du groupe de travail « Brexit » TLF & TLF Overseas, « le problème va aussi se poser à l'échelle des importateurs, qui ne savent pas comment s'y prendre. Le conseil que je peux donner aux chefs d'entreprise, c'est de leur fournir une liste de transitaires. »

Pour Dominique Chaussec, de Safe Conseil, cabinet spécialisé dans les financements européens, les entreprises, en se focalisant uniquement sur le business, en oublient le salarié. Si, par exemple, une entreprise vend une machine en Angleterre et qu'elle envoie un collaborateur pour l'installation, quelles seront les règles en matière de protection sociale ou d'accident du travail, même pour des missions très courtes ? Est-ce que les Anglais ne vont pas mettre en place des règlementations pour privilégier l'emploi de main-d'oeuvre en Angleterre ? Autant de questions qui restent suspendues à un éventuel accord de sortie de l'Angleterre du marché européen.

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