Vous en consommez probablement tous les jours sous l'appellation de E414 dans des yaourts, des boissons gazeuses, des médicaments et jusque dans le toner des imprimantes dont elle stabilise l'encre.
Connue depuis l'Egypte ancienne où elle était utilisée pour emmailloter les momies du fait de ses vertus adhésives, la gomme d'acacia parfois dénommée gomme arabique s'est depuis longtemps imposée chez les fabricants de soda et de confiseries, ses premiers acheteurs. Ils raffolent de cet adjuvant qui, une fois transformé en poudre, empêche le sucre de cristalliser et les corps gras de s'accumuler en surface. Ils ne sont plus les seuls.
Alors que les agents de synthèse se trouvent dans le viseur des autorités sanitaires, les pouvoirs magiques de l'exsudat d'acacia, ingrédient certifié 100 % d'origine naturelle, suscitent un regain d'intérêt depuis quelques années. Et cocorico, la France est le premier pays à tirer son épingle du jeu.

Le vegan met la gomme

Deuxième transformateur mondial derrière un autre Normand (Nexira) avec qui il se partage 70 % du marché planétaire, le florissant groupe familial Alland & Robert a ainsi vu tripler son chiffre d'affaires -à 45 millions d'euros aujourd'hui- au cours de la dernière décennie. "Nous voyons émerger d'autres usages dans les produits d'entretien ou les cosmétiques par exemple où elle vient remplacer certains émulsifiants synthétiques", constate Charles Alland, directeur général.
Dans l'alimentaire, la gomme trouve de nouveaux débouchés grâce à la végane-mania. " Elle est de plus en plus utilisée en agent texturant dans les produits formulés sur base végétale pour adoucir ou masquer les arrière-goûts notamment dans les desserts", rapporte Isabelle Jaouen, directrice R&D. Les spécialistes de la nutraceutique lorgnent aussi vers cet ingrédient riche en fibres dont les effets bénéfiques sur le microbiote sont de mieux en mieux démontrés

De quoi donner des ailes à Alland & Robert. A la tête de deux sites, l'entreprise familiale, forte d'une centaine de collaborateurs, s'apprête à investir 11 millions d'euros pour doubler la surface de son usine de Saint-Aubin-sur-Gaillon dans l'Eure. Sa capacité sera portée de 20.000 à 29.000 tonnes en 2022.

"L'engouement incroyable de l'Amérique du Nord pour la gomme arabique nous rend extrêmement confiants d'autant que la tendance gagne l'Europe", se réjouit son président, Frédéric Alland. Lui rêve que les Occidentaux suivent l'exemple des Malaisiens. "Tous les matins, ils ingèrent un sachet de gomme parce qu'elle est réputée bénéfique pour les reins. C'est aussi l'ingrédient de base d'un gâteau traditionnel des foyers indiens".

L'autre or jaune de l'Afrique

Mais c'est d'abord sur l'Afrique de l'Ouest que l'entrepreneur concentre son attention. C'est là, en bordure du Sud Sahara, dans une bande de 500 kilomètres connue sous le nom de « gum belt » (la ceinture de la gomme), que la famille Alland va chercher ses pépites ambrées depuis près de 200 ans "dans des pays qui ne disposent pas d'accès à la mer", précise l'héritier de la cinquième génération.

Bien que ses usines disposent en permanence d'un an de stock pour pallier les fréquents aléas logistiques, le groupe cherche constamment à encourager la plantation d'acacias en finançant des puits aux abords des exploitations par exemple. Un soutien doublement vertueux, soulignent les dirigeants normands : "Non seulement la gomme assure une ressource à des pays comme le Soudan ou le Tchad mais planter ces arbres très résistants à la sécheresse permet aussi d'empêcher le désert d'avancer".
Message reçu sur 5 sur 5 au Mali dont le gouvernement vient de mettre 100.000 hectares à la disposition de sa diaspora pour développer la filière de la gomme d'acacia. "Une excellente nouvelle", salue Frédéric Alland.