Santé : la région Paca à la pointe de l'innovation

Médecine de pointe non invasive, biotechnologies au coeur des défis que posent les maladies neuro-dégénératives, transfert des technologies et startups qui poussent... Autant de composants d'une formule vouée à projeter la région au rang de plateforme technologique reconnue, en France et à l'international.
18 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 170.000 salariés : les deux chiffres-clés du secteur santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur. En photo, l'hôpital de la Timone à Marseille.

En janvier 2015, c'est un peu Noël après l'heure pour Trophos. La nouvelle valait sans doute ce retard de calendrier. La startup, basée à Marseille, bien connue pour ses travaux sur l'olésoxime, utilisé dans le traitement de l'amyotrophie spinale, maladie rare et invalidante qui touche le plus souvent les enfants, ne séduit rien de moins que le groupe suisse Roche qui en fait l'acquisition pour 470 millions d'euros. Une somme qui place, de fait, la biotech marseillaise en orbite. La nouvelle est certes exceptionnelle, mais elle a au moins le mérite de montrer qu'au-delà d'un heureux concours de circonstances, un écosystème de compétences locales s'est développé.

La métropole marseillaise, pôle d'excellence en médecine et recherche ? C'est exactement le pari de Marseille Santé 2020, la marque lancée par l'AP-HM. L'Assistance publique des hôpitaux de Marseille, c'était jusqu'alors une vieille dame. Elle porte désormais tous les espoirs du monde médical et de la recherche pour faire enfin reconnaître à sa juste valeur le savoir-faire précis et précieux de ceux qui exercent à la Timone, à l'hôpital Nord, à la Conception et aux hôpitaux Sud. Et si possible, l'idée est de faire connaître le tout dans la sphère nationale et internationale. Question de reconnaissance, d'attractivité et donc de développement économique. Question de boucle bouclée.

Concrètement, c'est par exemple, à la Timone 2, un service de radiologie « le plus moderne à ce jour en France », assurent les équipes. C'est aussi un service de chirurgie cardiothoracique reconnu au niveau mondial pour son expérience dans la chirurgie du coeur et des gros vaisseaux, notamment en chirurgie valvulaire avec pour expertise la chirurgie réparatrice de la valve mitrale ou encore l'implantation de prothèses valvulaires aortiques par voie percutanée, la chirurgie de l'aorte thoracique, de l'insuffisance cardiaque, la transplantation et également l'implantation de coeurs artificiels. L'AP-HM est d'ailleurs l'un des seuls établissements de l'Hexagone à disposer d'une Unité mobile d'assistance circulatoire (Umac) dont l'équipe est capable de se rendre en urgence dans les services de réanimation des hôpitaux et cliniques de toute la région au chevet des victimes d'infarctus ou de myocardite.

À Aix-en-Provence, c'est sur la chirurgie de la carotide que la polyclinique du Parc Rambot se place en établissement innovant. Placée numéro 1 en Paca et dans les Bouches-du-Rhône par le classement de l'hebdomadaire Le Point il y a six mois, l'établissement affiche par ailleurs une spécificité, notamment dans le traitement du cancer du sein, en ophtalmologie et en pneumologie. Dans la Baie des Anges, à Nice, c'est Pasteur 2 - qui a vu le jour en 2015 après sept années de travaux - qui porte les innovations en termes de neurologie. Comme avec cette unité neurovasculaire qui doit permettre de rééduquer les patients victimes d'un AVC.

Cette volonté de technicité pointue, cet écosystème qui se veut structuré, va de pair avec des biotechs particulièrement en forme. Histoire de montrer qu'il n'y a pas que Trophos dans le paysage régional, mais bien d'autres pépites qui ne demandent qu'à émerger.

Regarder ensemble dans la même direction

Ce sont les maladies neuro-génératives qui concentrent énormément les attentions des chercheurs. Il y a notamment la marseillaise Vect-Horus qui porte de nombreux espoirs, grâce à ses vecteurs peptidiques capables de transporter des médicaments dans le cerveau et les tumeurs en passant outre la barrière hématoencéphalique, habituellement infranchissable.

À Sophia-Antipolis, il y aussi TxCell, spécialisée dans les immunothérapies cellulaires pour le traitement des maladies inflammatoires chroniques sévères comme la maladie de Crohn ou l'uvéite non infectieuse, une maladie rare de l'oeil. TxCell qui a réorganisé sa stratégie l'an dernier, abandonnant la production en interne pour l'externaliser et se recentrer sur « nos métiers à forte valeur ajoutée, c'est-à-dire la recherche, le développement clinique et les partenariats stratégiques », explique son directeur général Stéphane Boissel, arrivé en avril 2015 et qui est notamment passé par Innate Pharma, la pépite biopharmaceutique marseillaise qui conçoit et développe les anticorps thérapeutiques contre le cancer et les maladies inflammatoires et qui a séduit AstraZeneca.

En revoyant sa stratégie, TxCell se place sur la rampe de lancement et attend beaucoup de l'année qui vient. Une année qui voit un nombre de projets conséquents être inscrits sur la to-do list, renforçant le virage entrepris. Il y a la reprise de l'étude de phase IIb d'Ovasave au cours du deuxième trimestre, avec des premiers résultats attendus pour la fin 2017 ou le début 2018. Il y a aussi la finalisation du développement préclinique et du dossier réglementaire en vue du démarrage de la première étude clinique avec Col-Treg, dédié, lui, au traitement de l'uvéite non infectieuse.

Est également attendue la signature de partenariats stratégiques avec des acteurs de la pharmacie ou des biotechnologies pour le développement de ses deux plateformes ASTrIA et ENTrIA. Le choix d'un partenaire de production aux États-Unis devrait être fait dans la foulée. Sa propre académie - également basée à Sophia-Antipolis, au sein des locaux d'un autre acteur de la santé, Genevrier -, va se consacrer aux transferts de ses technologies de production afin de former les sous-traitants.

« TxCell est un diamant qui ne demande qu'à être poli. Il faut avoir des moyens et un peu de chance », estime Stéphane Boissel. C'était déjà la même conclusion que tirait Christine Placet, la présidente de directoire de Trophos.

Dans la catégorie traitement contre le cancer, la particularité de Coral Biome est la bioprospection sur les coraux tropicaux. La jeune entreprise innovante, née en 2011 à Grand Luminy, à Marseille, a identifié une molécule - la palytoxine - qui s'est révélée efficace, et ce, à dose infinitésimale, lors de tests sur des cancers dits solides, tels que ceux de la peau, du cerveau ou encore des poumons.

« Cette molécule s'est montrée efficace également sur le cancer de la prostate ainsi que sur trois types de leucémies différentes. Et la palytoxine est un million de fois plus efficace sur les cellules cancéreuses que sur les cellules saines », détaille Frédéric Gault, ingénieur en aquaculture et cofondateur de Coral Biome avec son ancien professeur, Yvan Perez.

La startup s'engage d'ailleurs dans une levée de fonds de 750.000 euros auprès d'investisseurs qui pourraient être des fonds d'investissement orientés biotech/ medtech. Une campagne de financement participatif est également envisagée. Le but : « Internaliser les compétences afin de pouvoir lancer des programmes », détaille Frédéric Gault.

Dans les cartons également, le développement de sa chimiothèque de composés marins à destination des laboratoires et des sociétés de biotechnologies. L'activité de bioprospection donne à Coral Biome une plus-value dans le domaine de la santé, puisqu'elle a déjà dressé une liste de composés naturels marins dont les applications concernent, outre la cancérologie, l'inflammation, l'infectiologie ou la cosmétologie. Une ouverture du champ des possibles que promet aussi Neurochlore. Son sujet ? L'autisme. Son postulat ? Un diurétique - la Bumétanide - viendrait diminuer les troubles de communication liés à cette maladie. C'est ce que tendent à prouver les travaux menés par le docteur Yehezkel Ben Ari, par ailleurs responsable du groupe Autisme au sein de l'institut de neurobiologie de la Méditerranée, basé à Luminy, à Marseille, et qui travaille depuis trente ans sur la régulation du chlore dans les neurones. Selon lui, si l'autisme commence avant la naissance, c'est durant la phase de développement que s'installent les troubles comportementaux.

« La thèse que je défends, c'est que, comme pour un bâtiment qui s'effondrait après un défaut sur un matériau, s'il y a eu insulte dans l'utérus, les neurones restent affectés par cette insulte, sont donc immatures et conservent un taux de chlore élevé. Ces neurones embêtent le voisinage. Le diurétique vient calmer ces neurones et uniquement ces neurones. Sur les autres neurones, le diurétique n'a aucun effet. »

Dhune... Un programme pour ne pas s'ensabler

Dans cette mouvance liée à la recherche de traitement des maladies neurodégénératives, il y Dhune. Un vaste programme de recherche qui vise à regrouper les équipes hospitalières, celles de l'enseignement, de la recherche et de la valorisation. Le but est de créer des passerelles entre la recherche préclinique et clinique afin d'améliorer le diagnostic et le traitement d'Alzheimer, Parkinson, de la sclérose en plaques, de la maladie d'Huntington ou encore celle de Charcot.

« Les maladies neurodégénératives touchent plus de 33 millions de personnes en Europe », note le professeur Olivier Blin, chef de pharmacologie clinique et de pharmacovigilance à l'AP-HM, et qui dirige le neuropôle méditerranéen.

Ambitieux d'ailleurs que Dhune qui nécessite 30 millions d'euros, mais qui a déjà obtenu 200 000 euros de la fondation Amidex, et qui englobe 12 professeurs des universités venus de cinq pôles hospitaliers en neurobiologie, gérontologie, psychiatrie et biologie de l'hôpital de la Timone, plus de 100 chercheurs en neurosciences, sciences humaines et sociales issus de l'AP-HM, Aix-Marseille université, l'Inserm et le CNRS, sept industriels locaux et nationaux, cinq associations de patients dont France Alzheimer et France Parkinson et deux groupes pharmaceutiques, et non des moindres, puisqu'il s'agit de Sanofi et Ipsen.

« Le but, c'est de mettre en évidence des biomarqueurs de maladies neurodégénératives qui sont communs à différentes pathologies, c'est l'avancement dans la recherche et la valorisation économique », poursuit le professeur Blin.

« C'est la meilleure façon de réussir ensemble, cela permet un retour sur investissement vers les chercheurs, c'est un cercle vertueux. »

Le programme prévoit d'ailleurs la création d'un centre d'affaires neurosciences qui intègrera 2.000 mètres carrés de laboratoire et de bureaux qui permettront à tous les acteurs - cliniciens, chercheurs, entreprises de biotechnologie, sociétés pharmaceutiques... - de se retrouver.

« Ce partenariat est un vrai accélérateur »

Autre sujet qui contribue à favoriser l'émergence de l'innovation, c'est le transfert de technologie. Car à quoi sert une trouvaille si elle demeure « coincée », et donc non utilisée, dans son laboratoire ? À pas grand-chose, si ce n'est de frustrer le chercheur. Et c'est pour mettre de l'ordre dans le cafouillis qui existait jusqu'alors que la SATT sud-est, l'Inserm et Inserm Transfert, tel un seul homme, ont signé un accord de partenariat fin février. De quoi huiler le tout, avec le but avoué de faire grossir le portefeuille de brevet.

Jusqu'à présent, justement, l'absence d'un accord entre les différentes instances laissait le chercheur dans le flou quant à la façon de valoriser son innovation. Désormais, Inserm Transfert et la SATT sud-est vont travailler de concert et s'informer mutuellement des actions menées auprès des unités mixtes de recherche. Et toutes choses étant égales par ailleurs, le financement sera lui aussi réparti équitablement.

« Ce sont des domaines stratégiques qui sont visés, ceux des sciences du vivant, c'est-à-dire l'immunologie, la cancérologie, les maladies infectieuses, la neurologie... », note Laurent Baly, le PDG de la SATT sud-est.

Un comité décidera par exemple du meilleur valorisateur.

« Nous ne sommes plus dans la compétition au sourcing de la technologie, mais bien dans une logique de maillage de territoire. ».

Concrètement, « nous augmentons le dialogue et la fluidification des échanges ».

Et la volonté de faire émerger plus vite et mieux toutes les innovations issues de la recherche : « En quatre ans, deux maturations seulement ont été votées en comité de direction. En quatre mois [depuis la mise en place effective de cet accord, NDLR], deux maturations ont été votées. Cela prouve que ce partenariat est un vrai accélérateur », souligne avec satisfaction Laurent Baly. Il poursuit avec les chiffres :

« Quarante-six brevets ont été déposés par la SATT sud-est en 2015, dont 14 en santé. Nous espérons atteindre le double. De même 17 licences d'exploitation ont été obtenues dont sept en santé et sciences du vivant, nous espérons un réel effet de levier. »

En 2014, 12 startups se sont créées à la suite d'une valorisation dont trois dans le domaine de la santé. L'année 2016 devrait donc faire mieux.

« Je le redis, nous devons être au plus proche des chercheurs, réussir à simplifier les dispositifs existants. Si on harmonise tout cela, nous serons redoutables. »

C'est ce qui s'appelle créer une chaîne de valeur.

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Commentaires 2
à écrit le 06/05/2016 à 22:41
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@Bon Chubb : Un pôle de santé financé comme tous ceux du pays, ni plus, ni moins. Mais si vous voulez lancer un débat sur qui finance quoi, on peut commencer par le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) ain...

à écrit le 06/05/2016 à 8:48
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Pôle de santé international, financé par les autres. Juste un petit rappel malgré l'incompétence des politiques et les malversations financières, l'état continue de versé des sommes astronomiques de façon "exceptionnel"!!!

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