Comment IDEA verdit sa logistique

Convaincu que pour passer d’une énergie carbonée à une énergie zéro carbone, la solution passe par le gaz, le logisticien nazairien IDEA co-investit dans trois centres de biométhanisation, de pyrogazéification et d'hydro gazéification dont la production permettra, à terme, d’alimenter ses camions et ses engins de manutentions. Plongée dans une démarche de verdissement dont les graines ont été plantées dans les années 2000.
(Crédits : IDEA_CDA_TransportCabines©)

« A l'époque, il y avait deux courants : les climato-mobilisateurs dont le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est une expression, et ceux qui se demandaient ce qu'ils pouvaient faire? Moi, à 35 ans, je venais de reprendre IDEA, et j'étais encore peu sensibilisé à l'environnement. Les références étaient rares. Alors nous avons aggloméré tout ce que nous avons trouvé sur le sujet et sorti un guide de 160 pages sur la « Performance globale. C'était sympa mais ingérable dans une boîte ! », se souvient Bruno Hug De Larauze, 60 ans, Pdg d'IDEA, une entreprise centenaire, devenue un prestataire indépendant de supply chain industrielle spécialiste des produits spécifiques et sensibles pour les secteurs de l'aéronautique, l'énergie, la défense, la construction navale, le vrac agroalimentaire.... Une ETI de 1.400 personnes, présente sur 56 sites en France, et qui a réalisé un chiffre d'affaires de 150 millions d'euros en 2020. Une ETI qui commencé à verdir ses solutions logistiques il y a près de deux décennies.

« Ce qui nous mobilise aujourd'hui ? C'est de faire muter l'entreprise en interne sur les processus de sobriété informatique, la formation des conducteurs routiers à l'éco conduite, la réétude des boucles de transport pour qu'elles soient plus vertueuses, le choix de véhicules électriques, l'utilisation de vélos... On est très pragmatique pour faire en sorte, qu'au quotidien, l'empreinte environnementale d'IDEA baisse tout en assurant les mêmes prestations. ». Son bilan carbone est en cours.

Idea Bruno hug de Larauze

Des solutions sur étagère et d'autres... moins évidentes

Le verdissement a commencé en 1998. « Nous avons travaillé avec des laboratoires extérieurs, les écoles des Mines de Nantes et Paris pour nous donner les grandes lignes de ce que nous pouvions faire et nous avons recruté quelqu'un qui nous rassemble le matériau, et qui, plutôt que d'avoir de grandes données macroéconomiques, regarde  ce que nous savons faire, sur quel sujet nous pouvions agir concrètement pour élaborer une stratégie jouable. La démarche s'est opérée en trois temps ; la découverte et la sidération, les contraintes -la réglementation- et la recherche et enfin, l'enthousiasme », se rappelle-t-il.

Dès lors, des actions ont été entreprises à travers les outils, les camions et les grues. Avec des solutions sur étagère, comme l'acquisition de poids lourds répondant aux normes de pollution Euro 5 puis Euro 6 qui constituent aujourd'hui 60% de la flotte, dans laquelle sont récemment arrivés trois camions à gaz... D'autres solutions sont moins évidentes. Il a fallu les tester, comme des engins de chantier et des chargeuses, gros consommateurs de carburants pour lesquels aucune solution n'existait. « Même au ralenti, un V6 ou un V8 consomment encore 18 à 20 litres au 100 kilomètres. Un semi-remorque est chargé en cinq coups de godets, mais le temps que le véhicule suivant vienne dans la cellule pour être chargé, cela prend un temps fou ! Alors un ingénieur de chez nous a eu l'idée de tester le Stop and Go sur une chargeuse. Non seulement, on a réussi à gagner dix litres au 100, mais, en plus, on s'est aperçu qu'un moteur tournant à bas régime était moins huilé et tombait plus souvent en panne en raison des ruptures de culasses. Du coup, effet imprévu, on a prolongé la durée de vie de nos moteurs », se félicite le patron d'Idea.

Du pragmatisme

Il n'en faudra pas plus pour lancer des « challenges Innovation » en interne dans toutes les strates de l'entreprise. En cherchant quelque chose de plus malin, de plus RSE, de plus économe... Ici, pour fiabiliser un système de surveillance ou réduire la consommation de carburant dans le système de gardiennage, là en collectant le papier usagé de l'entreprise pour l'association les papiers de l'espoir ou en retraitant le marc de café.   « On a eu des choses très concrètes, très marrantes, comme le remplacement d'un répartiteur électronique par un ballon gonflable rouge pour indiquer le niveau d'un château d'eau, présent sur un site classé. Un truc visible par tous. C'est du pragmatisme, parfois un peu technique, parfois comportementale.»

 L'entreprise compte près de cent-cinquante IDEActions par an dont 10% se transforment en gros projets. Comme l'incubation de la startup Fifty Trucks pour optimiser les boucles de transport de colis et marchandises à travers une application digitale pour éviter de rouler à vide ou avec des demi-cargaisons. Pour aller plus loin, Idea a, aussi, jeté un œil sur les écosystèmes collaboratifs voisins pour envisager des mutualisations sur le retraitement des déchets ou des énergies. « Dans certains domaines, on s'est aperçu que nous n'avions pas changé de monde ou que certaines contraintes allaient devenir des vrais relais de croissance », affine Bruno Hug de Larauze, désormais convaincu. « Ça ne suffisait pas de dire on va s'en occuper, on modifie nos engins... Il fallait maintenant faire émerger une logistique 4.0 innovante et vertueuse en termes énergétique», dit le dirigeant de l'entreprise, dont la responsabilité sociétale a été certifiée Iso 26000 il y a six ans.

Flying Whales

L'équation éthique et économique

Les phases de constructions pragmatiques vont laisser la place à l'action stratégique. Venue vers la fabrication de panneaux solaires au mauvais moment, Idea réajuste le tir et se désengage partiellement de la société Systovi, au profit du groupe nantais CETIH, plus armé sur ce marché. En 2019, c'est au tour de la startup Fifty Truck de rejoindre le fournisseur de données de fret B2PWeb. Le vent tourne. En octobre 2020, Idea s'associe au projet Flying Whales pour mettre au point le premier ballon dirigeable pour le transport de fret lourds et volumineux. De la taille de 3 A380, et d'une capacité de 60 tonnes, l'engin permettra de transporter quinze fois plus de charges que les plus gros hélicoptères français. Une solution peu gourmande en carburant au regard des tonnes transportées. « L'objectif est d'être en mesure de pouvoir offrir à nos clients une solution logistique complète. C'est pourquoi, nous nous intéressons aujourd'hui au gaz. Un peu comme ce qui s'est passé avec l'éolien où les contrats de vingt ans arrivent à échéance et permettent d'investir dans l'hydrogène. On regarde un certain nombre de projets où l'on pourrait faire de l'autoconsommation et convertir certaines installations. On cherche jusqu'à trouver l'équation économique», observe Bruno Hug de Larauze.

Ce dernier s'apprête à investir 10 millions d'euros (sur un projet de 30 millions d'euros) pour co construire un centre de biométhanisation (avec Engie), couplé à une unité de pyrogazéification (Hymoov) créée avec le spécialiste de la valorisation de l'énergie Iremia, auxquels s'ajoutera, à l'horizon 2023, une station de gazéification hydrothermale de boues d'épuration. A Montoir de Bretagne, près de Saint-Nazaire, sur le site de la Barillais, un ancien site Séveso2 de 23 hectares va être transformé en écoparc. L'ensemble des entrants (bois, déchets organiques ...) permettra dès 2022 de produire à la fois du méthane (CH4)et de l'hydrogène (H2), et d'alimenter des entrepôts voire des véhicules et des engins, ou de réinjecter du gaz dans le réseau pour amortir l'investissement.

Diviser par deux les émissions de GES d'ici 2030

«On va pouvoir tester les technologies de demain, mutualiser les points d'injection de gaz et mettre en œuvre des relais de croissance, qui seront étudiés dans le cadre de nos projets de développement. S'ils contribuent à un impact positif face aux enjeux des défis climatiques, ils figureront dans notre plan stratégique. Ça ne nous fait pas gagner de parts de marché, mais c'est une attitude qui donne plus envie de travailler avec les uns qu'avec les autres. Il y a vingt ans, les démarches qualité permettaient de prendre des parts de marché. Aujourd'hui, sans conviction environnementale forte, vous n'existez pas. Et comment voulez-vous attirer des jeunes si vous êtes une entreprise qui se moque du paysage et de la nature. Pour eux, c'est un Go-No Go, et ils ont raison », observe le Pdg d'Idea, qui insuffle cet état d'esprit au sein l'association des Dirigeants Responsable de l'Ouest (DRO). En 2019, ce cercle d'entrepreneurs nantais (140 adhérents) s'est fixé pour ambition de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. « Ce n'est pas coercitif », admet Bruno Hug de Larauze. C'est un système de valeur autant qu'un engagement collectif où l'on s'échange de bonnes pratiques. Dix d'entre-elles (Idea, Restoria, Sigma, Strego, Harmonie Mutuelle...) ont passé un accord avec l'Ademe pour avoir un regard extérieur à 360° et un suivi au sein du dispositif « Pas à pas ». « Parce qu'il n'est pas toujours facile de savoir si l'électricité utilisée pour nos camions provient de la centrale à charbon de Cordemais, des éoliennes ou du nucléaire », reconnaît le dirigeant d'IDEA, aux prises avec le scope 3 de son bilan carbone.

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