Covid-19 : Le CHU de Nantes, Tronico et e-Cobot s’allient pour désinfecter l’air ambiant

Scientifiquement reconnue, la désinfection de l’air ambiant et des surfaces par la diffusion d’ultraviolet (UV-C) fait l’objet d’un projet collaboratif public-privé au sein du CHU de Nantes avec le concours de la startup e-Cobots et de l’industriel de l’électronique Tronico pour déterminer les modes d’utilisation d’un robot nettoyeur. Objectif : éradiquer bactéries, germes et autres virus dont le Sars-Cov-2. Si la région le finance…
Testé en mars dernier, dans le service d’endoscopie thoracique de l’Hôpital Nord Laennec, à Nantes Le Husky-UV a désinfecté les 50 m² de la salle d’endoscopie en six minutes.
Testé en mars dernier, dans le service d’endoscopie thoracique de l’Hôpital Nord Laennec, à Nantes Le Husky-UV a désinfecté les 50 m² de la salle d’endoscopie en six minutes. (Crédits : Tame care)

Acteur de l'industrie du futur, appelé comme manutentionnaire, logisticien et même comédien dans le dernier film de Cédric Klapisch (Deux moi), le cobot -robot collaboratif- Husky-UV de la start-up nantaise e-Cobot, équipé par Tronico, s'apprête à enfiler le costume d'agent de nettoyage au CHU de Nantes. Objectif : éradiquer les traces de Sars-CoV-2 et plus largement les virus, champignons, bactéries et autres germes présents dans l'air ambiant et sur les surfaces. Les chambres de patients, les couloirs, les salles de soins... vont être passés au peigne fin.

«Au printemps dernier, le Haut Conseil de la Santé Publique avait émis un avis sur l'intérêt des UV-C et de l'ozone pour la désinfection de l'environnement. Au regard des études et de la bibliographie disponibles, on a montré, et on sait, que c'est efficace. Ce qui nous manque ce sont des données en situation clinique réelle pour préciser les moyens d'exécution. C'est ce que l'on veut faire à Nantes », explique Didier Lepelletier, co-président du groupe de travail permanent Covid-19 au Haut Conseil de la Santé Publique, et chef du service de bactériologie-hygiène hospitalière du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes qui pilote le projet collaboratif « Sauv-D », monté dans le cadre de l'appel à projet « R&D collaborative » lancé depuis deux ans par la région des Pays de la Loire pour stimuler la coopération entre entreprises, laboratoires publics de recherche et établissements de formation. Ici, dans une logique de partenariat public-privé, le CHU de Nantes est associé au vendéen Tronico, spécialiste de l'électronique industrielle et à e-Cobot, spécialisé dans la fabrication et l'intégration de solutions cobotiques associant de l'intelligence artificielle.

Trois solutions au choix

« Pour maitriser une infection dans un hôpital, il y a trois niveaux », rappelle Didier Lepelletier, «l'huile de coude et l'utilisation de détergents chimiques, mais sur certaines épidémies, des germes, plus résistants, peuvent rester dans l'environnement. Si l'on veut être sûr du résultat, il faut avoir recours à la désinfection aérienne avec du peroxyde d'hydrogène -NDLR : de l'eau oxygénée-, mais cela nécessite de couper les ventilations, qu'il n'y ait personne dans la chambre, de préparer la pièce, de diffuser pendant deux heures et attendre encore trois heures que le produit s'évapore. Bref, ça mobilise une chambre pendant huit heures. L'avantage avec l'UV-C, c'est qu'en 10 minutes vous avez désinfecté l'espace. Ça marche, c'est plus rapide et plus économique que les alternatives actuelles.» C'est, d'ailleurs, ce que viennent de démontrer les tests effectués, en mars dernier, dans le service d'endoscopie thoracique de l'Hôpital Nord Laennec, à Nantes où les 50 m² de la salle d'endoscopie, équipée de patchs, balayée par les rayons ultra-violets a été désinfectée du sol au plafond en six minutes. Le Husky-UV a ainsi démontré sa capacité à délivrer des doses d'UV-C efficaces pour détruire des microorganismes et à se déplacer sur les différents types de revêtement de sol de l'établissement (carrelage, PVC). Un premier pas.

Des UV-C à manier avec précaution

« Le virus Sars CoV-2 est un virus très fragile, que l'on détruit avec peu de joules et en peu de temps. Sa sensibilité au climat expliquerait peut-être pourquoi il est moins présent dans l'hémisphère Sud. Le problème, remarque Didier Lepelletier, c'est que les UV-C, non présents dans l'atmosphère mais que l'on sait reproduire, ne décontaminent pas un objet caché derrière un écran et les contraintes sont nombreuses dans une salle technique. Mais, surtout, ces rayons sont extrêmement toxiques pour la peau et les muqueuses oculaires. L'un des enjeux est donc la capacité du robot à détecter une présence humaine et à s'arrêter automatiquement », dit-il. Il faudra donc décider qui nettoie, dans quelles tenues, comment, quand et protocoliser le fonctionnement du robot. C'est tout l'enjeu du projet « Sauv-D », suspendu à la décision du conseil régional, qui doit décider lors de sa prochaine commission permanente, le 21 mai prochain, s'il finance ce projet d'un million, prévu pour durer deux ans. C'est loin et long ? « C'est le temps nécessaire des études cliniques, estime Didier Lepelletier. Il va falloir recruter un pilote de projet, un technicien de laboratoire, faire appel à des laboratoires extérieurs, présenter le projet aux chefs de service, déterminer dans quels espaces on va utiliser le robot, définir les doses d'UV à utiliser, la vitesse du robot, récrire un protocole détaillé et complet, analyser et interpréter les résultats, tirer des conclusions... Tout cela, c'est deux ans », dit-il.

Des référentiels inexistants

Pour e-Cobot et Tronico, qui ont déjà mis l'engin au catalogue de leur société de commercialisation Tame Care, comme de nombreux autres fabricants vendeurs de solutions UV-C, l'objectif est aussi de créer et d'écrire une norme sur les performances, le mode d'utilisation et la sécurité de cette innovation. Pour rassurer. « Aujourd'hui, aucun référentiel et aucun document normatif n'existe », constate Christophe Scheid, directeur du développement et des partenariats d'E-cobots. « Contrairement aux centres hospitaliers ou entreprises étrangères qui vont mettre en avant les résultats obtenus dans leurs établissements, en France, on est encore beaucoup attaché aux normes et aux certifications des appareils.... Ce sont des cultures différentes. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont conscience que ce peut être un moyen de réduire les maladies nosocomiales. En France, c'est un sujet tabou », ajoute Patrick Collet le Pdg de Tronico. De fait, sollicitée par de grands groupes du nettoyage, Tame Care, n'aurait, selon lui, signé aucun bon de commande pour un matériel promis pour désinfecter 450 m² en une heure. Le prix ? 79.500 euros, « mais il est disponible à la location ou avec des formules à l'usage», précise Christophe Sheid. « On attend !», reconnait-il, après avoir mené des essais au Puy du Fou ou au parc des expositions de Nantes. « Dès à présent des pourparlers ont lieu avec des entreprises internationales », affirme Patrick Collet.

« C'est un projet industriel qui sera validé scientifiquement, assure Didier Lepelletier. Mettre une norme ? ça peut être un objectif, mais les virus imposent des contraintes de prélèvement beaucoup plus complexes que les champignons ou les germes, et les UV-C, comme les UV-A, ne dispensent pas, d'une première étape... avec un produit détergent », prévient le spécialiste de la bactériologie et de l'hygiène hospitalière.

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