Pays de la Loire : une feuille de route « hydrogène » tournée vers le maritime et le fluvial

ENQUÊTE SUR L'HYDROGÈNE (3/3). Tirée par la Vendée, la région des Pays de la Loire a pris le chemin de l’hydrogène. Elle a voté au cours de l’été une feuille de route de 100 millions d’euros pour faire émerger, à travers deux projets phares, une filière hydrogène sur son territoire à l’horizon 2030.
A l'image de la navette fluviale à hydrogène mise  à l'eau en 2018 par la Semitan, la filière hydrogène des Pays de la Loire doit mettre le paquet sur le fluvial et le maritime », estime Franck Dumaître, directeur régional de l'Ademe Pays de la Loire.
A l'image de la navette fluviale à hydrogène mise à l'eau en 2018 par la Semitan, "la filière hydrogène des Pays de la Loire doit mettre le paquet sur le fluvial et le maritime », estime Franck Dumaître, directeur régional de l'Ademe Pays de la Loire. (Crédits : Reuters)

L'objectif, c'est de faire émerger une « Pays de la Loire hydrogène vallée » à l'horizon 2030. Initialement prévue le 20 mars dernier, reportée au cours de l'été en raison de la crise sanitaire, la feuille de route régionale « Hydrogène », déclinée du plan pour la transition énergétique élaboré en 2016 a été adoptée les 9 et 10 juillet dernier. A la clé, une enveloppe de 100 millions d'euros sur 10 ans, votée pour accompagner les projets en cours et faire émerger une filière hydrogène sur le territoire ligérien : avec l'ambition de positionner les acteurs ligériens parmi les premiers dans la production d'un hydrogène renouvelable. « Un montant dans la fourchette des investissements programmés dans les feuilles de route annoncées en Bourgogne-Franche Comté (90 millions d'euros) ou l'Occitanie avec 100 millions d'euros aussi, alors que d'autres, comme PACA, l'Ile de France ou la Normandie, privilégient des aides à la mobilité», observe Luc Bodineau, coordinateur du Programme H2 à l'Ademe. « Contrairement aux régions Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes, nous n'avions pas de grands groupes industriels engagés sur l'hydrogène sur lesquels nous appuyer, alors nous avons à faire le choix de miser sur les réseaux intelligents (Smartgrid) et le stockage de l'hydrogène. Et depuis 2019, nous avons cherché à faire émerger un collectif d'une centaine d'acteurs, des start-ups aux grands groupes, en passant par les centres de recherche, l'Université, les Technocampus, les porteurs de projets... Ce qui va nous permettre de répondre aux appels d'offre de l'Ademe, la Covid et les ambitions européennes et françaises envers l'hydrogène ayant sensiblement évolué depuis le premier plan de déploiement de 100 millions d'euros lancé en 2016 par l'Etat. Et aujourd'hui, les choses s'accélèrent franchement», explique Laurent Gérault, vice-président de la région des Pays de la Loire en charge de la transition énergétique et écologique.

Accélérer sur la production et les usages

Dans l'immédiat, les interventions régionales concernent l'accompagnement du projet Lhyfe, la mise en service d'un bus à hydrogène, l'ouverture d'une station-service sur le site des 24 heures au Mans et le soutien à des projets de recherche... A terme, l'ambition est d'accompagner la mutation du Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire pour en faire le premier grand port à hydrogène de la façade Atlantique. Trente-huit millions d'euros seront, en ce sens, consacrés à la recherche et au développement. A cinq ans, la région entend favoriser la construction de navires hydrogène assurant la liaison vers l'ile d'Yeu et les opérations de maintenance vers les parcs EMR (Energie Marine renouvelable) d'EDF. A dix ans enfin, la collectivité voudrait voir rouler un train hydrogène sur l'étoile mancelle Le Mans-Alençon-Tours dont les voies ne sont, aujourd'hui, pas électrifiées. Pour développer les usages, elle envisage d'investir 17 millions d'euros dans le développement de transports verts (terrestre et maritime) dont l'acquisition de 500 véhicules et l'implantation de quinze stations de productions et/ou distribution d'hydrogène (12 millions d'euros) sur son territoire pour accélérer les usages. « Au regard du plan de relance, l'un des enjeux dans les mois qui viennent, c'est de monter en gamme », reconnait Laurent Gérault. De fait, à l'exception du projet « vendéen » H2 Ouest, lancé il y a quatre ans, les initiatives sont encore très embryonnaires, à l'image de la station MultHy opérée par la régie nantaise de transports publics Semitan à Saint-Herblain ou la navette fluviale déployée à Nantes en 2018.

Des coopérations et des interconnexions

A ce jour, deux grands projets dessinent le futur visage de l'écosystème «Pays de la Loire Hydrogène vallée » ; l'un, le plus avancé , H2Ouest autour de la production et de la distribution d'énergie décarbonée porté par les Vendéens et les Manceaux, l'autre, H2 Loire Vallée, démarré en début d'année 2020, associant EDF (Hynamics), la Chambre de Commerce et d'industrie, le Grand port maritime Nantes-Saint-Nazaire, la Banque des Territoires, les industriels et logisticiens de la Basse Loire (Neopolia, MAN, Europe Technologies, Idea...) qui vise à mettre en œuvre un système de production, de distribution, de stockage et d'une logistique d'approvisionnement flexible maritime et fluvial le long de l'estuaire de la Loire. «Toutes les régions se mobilisent sur l'hydrogène. Pour se différencier, les Pays de la Loire, qui réunissent un collectif d'acteurs diversifiés, et dont la feuille de route a le mérite de donner des perspectives, doivent mettre le paquet sur le fluvial et le maritime », estime Franck Dumaître, directeur régional de l'Ademe Pays de la Loire, coréalisateur de cette feuille de route. Y a-t-il un risque de cannibalisation entre H2Ouest et H2 Loire Vallée? « Ce sont plutôt deux projets complémentaires. Notre feuille de route est très claire. C'est d'abord le collectif, ensuite les écosystèmes liés à l'usage et le développement de filières économiques. Au regard de la compétition internationale, l'Europe et la France ne considèrent pas une autre échelle que la région ou l'inter région », tend à rassurer Laurent Gérault. « Ce ne sont pas deux projets parallèles, mais une dynamique d'où naitra des interconnections entre ces projets et des coopérations vers la Bretagne, et au-delà, avec qui nous travaillons sur le projet de Smart Grid Smile, mais aussi sur le maritime, l'élevage ou la manutention où nous avons des niches à aller chercher pour le passage à l'hydrogène». Un troisième projet, H2X systems, est d'ailleurs en cours de développement. Pour accélérer les usages, le projet H2 Loire Vallée devrait aussi bénéficier de fonds issus du Contrat de Transition Energétique (CTE), signé en janvier 2020, par Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, dans le cadre de la reconversion de la centrale thermique de Cordemais.

Les risques d'un paradoxe écologique

Reste que le projet H2 Loire Vallée, qui veut accoucher d'unités logistiques et de production sur les terrains du Grand Port Maritime, devra aussi gérer les oppositions d'écolos radicaux qui ont commencé à montrer les dents sur l'actuel site du Carnet. Un lieu jusque-là préservé où les autorités portuaires entendent créer une zone « éco-technologique » de 110 hectares pour l'accueil d'activités aux énergies marines ou aux mobilités douces... Ce sera vraisemblablement l'un des premiers dossiers à traiter par le « Monsieur Hydrogène », dont le recrutement est prévu début 2021 par le conseil régional pour orchestrer ce collectif via la Sem « Croissance Verte » récemment constituée. Sa mission consistera à rassembler le collectif dans toutes ses composantes, d'aller chercher les appels à projets nationaux et européennes... Outre des connaissances de l'univers de l'entreprises, de l'énergie et de la R&D, il devra être capable de mettre les gens autour de la table. « A chaque nouveau projet, vous avez un risque d'opposition, estime Laurent Gérault. Sur le sujet du site du Carnet, certains veulent instrumentaliser ce dossier à l'aube des élections régionale et départementale, mais il est urgent d'attendre, de mettre tout le monde autour de la table, y compris les associations citoyennes et écologiques, poser les enjeux et faire évoluer le dossier, et réfléchir à quels espaces on peut utiliser pour préserver la biodiversité et les espaces naturels sensibles et d'autres pour implanter des éco-industries. Par rapport aux enjeux climatiques, par rapport aux difficultés d'emplois que l'on va rencontrer, c'est une opportunité mais il ne s'agit ni de se précipiter et faire n'importe quoi, ni de bloquer le système...» Au risque de regarder passer le train !

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