Saumur rêve d'aménager ses champignonnières en datacenter

Parcouru par des milliers de kilomètres de galeries souterraines autrefois utilisées comme champignonnières, le saumurois s'est mis en tête de valoriser ce patrimoine troglodytique en un datacenter naturel non climatisé. Un démonstrateur est en cours de construction.
Dès l'automne dernier, on a acheminé sur place des instruments de mesure pour analyser le comportement thermique des carrières lors de dégagements de chaleur et la faisabilité de raccordement haute tension et de fibre optique.

Les protagonistes du projet en parlent comme d'une première mondiale. A travers  la création un  datacenter souterrain, non climatisé, écologique et low-cost, le saumurois entend bien tirer parti de son sous-sol : des milliers de kilomètres de galeries abandonnées, délaissées au fil des années par les producteurs de champignons et les vignerons. Un milieu situé à une dizaine de mètres sous terre où règne une température quasi constante de 11° à 12°, apparemment idéale pour accueillir un ou plusieurs datacenters. L'endroit s'avère d'autant plus attractif, que de par les excavations déjà réalisées et son toit collinaire, il réduit les coûts de construction et offre une solide protection naturelle, dans un environnement on ne peut plus discret.

C'est l'une des pistes (piste cyclable touristique souterraine, réserve énergétique pour une économie décarbonée) sur lesquelles travaillent la Plateforme Régionale d'Innovation "Monde Souterrain", et en l'occurrence la Sopraf, Société publique régionale gestionnaire de l'abbaye de Fontevraud, édifice du patrimoine régional récemment réhabilitée en intégrant les nouvelles technologies de l'Information et de la Communication. Le défi est de taille. "Il y a un véritable enjeu environnemental. Aux Etats-Unis, le refroidissement du stockage de données représente 3% de la consommation informatique. L'enjeu est presque éthique", plaide Mathieu Chazelle, d'Enia Architectes.

Un modèle de rupture

Ce projet de stockage des données numériques inédit, soutenu par la région des Pays de la Loire, a donné lieu à la création d'un consortium réunissant le spécialiste des solutions d'hébergement Critical Building, le cabinet d'architectes Enia,  le bureau d'études Elioth, l'opérateur télécom Celeste, l'association OuestIX ("le GIX de l'Ouest de la France") et le prestataire de services informatiques Sigma.

"Le premier poste de dépenses d'un datacenter, c'est le coût de l'énergie utilisée pour maintenir la température ambiante. En amenant les frais de climatisation à zéro, on pourrait offrir un autre modèle économique, un modèle de rupture", explique David Martin, Directeur général de la Sopraf. "On a montré que pour 1 kilowatt d'énergie produite, 300 mégawatts servaient au refroidissement. C'est généralement 30% à 40% du coût d'un datacenter", explique Laurent Trescartes, consultant chez Critical Building.


"D'autres expériences ont montré que la proximité d'une pépinière de datacenters était un facteur décisif pour attirer de nouvelles activités", ajoute Christophe Clergeau, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire en charge du développement économique et de l'innovation qui, comme les élus du saumurois, aimerait y voir l'émergence d'une véritable filière pouvant créer des emplois et accompagner la croissance numérique sur l'ensemble de la région, et non plus seulement sur l'agglomération nantaise, où se concentre aujourd'hui l'essentiel des emplois liés au numérique.

En test pendant un an

Reste aujourd'hui à modéliser les échanges thermiques et à mesurer l'hygrométrie pour garantir dans le temps des conditions d'exploitation satisfaisantes.  "On est presque trop froid, ce qui provoque de la condensation", observe l'un des spécialistes. Dès l'automne dernier, on a acheminé sur place des instruments de mesure pour analyser le comportement thermique des carrières lors de dégagements de chaleur et la faisabilité de raccordement haute tension et de fibre optique. De premiers brevets ont été déposés pour la fabrication de "shelters", sorte d'armoires électriques, produits par l'équipementier industriel angevin Grolleau.

A cette première étape succèdera au printemps 2015, et pour une durée d'un an, l'introduction d'un mini datacenter de 20 KW, soit l'équivalent des besoins d'une société de 1000 personnes. Son fonctionnement sera testé avec et sans ventilation, sans aucun système de refroidissement mécanique et modélisé en 3D. Car ce sera aussi un outil de communication pour les professionnels.

Si les résultats répondent aux attentes, un premier datacenter pourrait entrer en service pour l'été 2016. Confronté à une multiplication exponentielle des données et à un abaissement des coûts d'accès informatiques,  les professionnels, et notamment les créateurs du GIX, Ouest IX récemment lancé dans la région nantaise s'intéressent de près au projet.

Le coût de l'expérimentation est estimé entre 200.000 euros et 250.000 euros. Pour ce faire, la Plateforme Régionale  Innovation "Monde souterrain" bénéficie d'un soutien régional de 500.000 euros sur trois ans. La mise en place du prototype occupera 2 km, situés entre Saumur et Fontevraud, sur un espace estimé à 14 hectares. Ce premier tronçon fait l'objet d'une convention de prêt avec le vigneron propriétaire. Dans le cas d'un déploiement généralisé, il faudra alors négocier le foncier avec les différents propriétaires et mettre en œuvre un  cadastre souterrain en 3D.

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Commentaires 9
à écrit le 13/07/2016 à 23:18
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Il est moins impactant de réchauffer un environnement souterrain abandonné par l'homme suite à son exploitation que réchauffer l'eau des rivières, fjords, fleuves et mers ou même l'atmosphère. Ce projet avance et fera prochainement parler de ses rés...

à écrit le 05/05/2015 à 13:03
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Bonjour, Pourquoi pas mais il faudra résoudre plusieurs problèmes : - Quid de l'humidité et le méthane générés par les organismes biologique (champignon, terreau, micro-organsimes de l'humus etc ...) - Quid des nano-particules éjectées par les ser...

à écrit le 05/05/2015 à 7:58
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Euh....et l'humidité?

à écrit le 05/05/2015 à 0:33
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Ce n'est pas du tout une bonne idée car c'est de l'énergie définitivement perdue alors qu'elle pourrait servir.

à écrit le 04/05/2015 à 23:09
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Pourquoi pas... mais comme le précise le lecteur précedent, l'inertie thermique d'une cave est importante. Chauffée 24/7, il sera beaucoup plus couteux de la refroidir qu'un bâtiment. Une solution serait d'utiliser les fleuves ou la mer comme refroi...

à écrit le 04/05/2015 à 22:34
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Et les champignons c'est cadeau ?

à écrit le 04/05/2015 à 21:55
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Comme quoi, il vaut mieux avoir quelques cours de Physique qu'un seul de commercial. Une caverne, c'est comme un bunker : une fois réchauffé, ça ne refroidit pas. Mais si ça fait vendre aux gogos...

le 06/05/2015 à 9:21
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Comme quoi, il vaut mieux approfondir ses cours de physique que de rester sur une notion de base. Ce serait vrai dans un système thermique parfait, isolé, sans apport ou perte extérieure. Or, une colline (dans laquelle est creusée une carrière souter...

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