Jean-Christophe Gougeon, responsable sectoriel, Logiciel, Intelligence Artificielle et Quantum Computing, pour Bpifrance, ne veut pas se reposer sur les lauriers français. « C'est bien beau de dire que notre pays bénéficie des meilleurs cerveaux et de compétences académiques convoitées par le monde entier, mais encore faudrait-il que la filière de l'informatique quantique s'industrialise, dit-il. Et pour cela, la France doit se mobiliser ».
Ce qui signifie des investissements colossaux, qui restent encore à venir dans le cadre, par exemple, du plan que devrait proposer la députée Paula Forteza, chargée au printemps dernier par le gouvernement d'une mission en vue de propulser la France et l'Europe vers les nouvelles frontières technologiques, dont l'informatique quantique.
De son côté, l'Allemagne a déjà sauté le pas, avec un plan doté de 650 millions d'euros. Le Royaume-Uni avait quant à lui déjà fléché 450 millions d'euros sur ces mêmes technologies.
Ecosystème à créer
Pour Jean-Christophe Gougeon, il y a urgence à créer davantage de start-up du quantique, notamment dans le domaine du software. Il s'agit donc de structurer la filière, qui doit certes s'appuyer sur des spécialistes - « et si nous n'en avons pas assez en France, alors il faut en faire venir de l'étranger », dit-il - mais aussi sur des investissements privés, aux côtés de la puissance publique. Or pour l'heure, pas de vivier financier. Un seul fonds, Quantonation, lancé à la fin de l'an dernier par Charles Beigbeder et Christophe Jurczak, parmi la demi-douzaine qui existent dans le monde, a vocation à soutenir le développement de start-up spécialisées dans les technologies quantiques en France. La dotation de Quantonation devrait, à terme, atteindre 40 millions d'euros. « Il faut également faire venir des fonds étrangers », ajoute Jean-Christophe Gougeon.
Son rôle au sein de Bpifrance est donc, entre autres, d'évangéliser et, plus que cela, de s'assurer, avec le concours de la banque publique d'investissement, que les start-up du secteur - on pense pour l'instant à Quandela et Pasqal, par exemple, mais d'autres pourraient suivre - aient les moyens nécessaires à leur développement. « Il s'agit de créer un flux d'entreprises directement issues des laboratoires et qui devront être capables à cinq ans de lever entre 30 et 50 millions d'euros », explique Jean-Christophe Gougeon. De fait, les investissements, dans cette technologie, sont particulièrement lourds - et les résultats à long terme uniquement.
Reste l'aspect industriel, clé de l'avenir. Atos, seul champion français et européen de taille mondiale dans le domaine du Quantum Computing, et dont les chercheurs ont mis au point l'Atos Quantum Learning Machine, déjà commercialisée auprès de centres de recherche universitaires, a lancé un programme industriel d'informatique quantique en Europe, dès 2016. Mais il faut désormais de vrais relais sur le terrain, sous forme de clients industriels dans des domaines aussi variés que le transport, la chimie, l'énergie, la banque.... « Or les industriels ont encore du mal à s'embarquer dans ce genre de projets et à s'approprier cette technologie », précise le spécialiste de Bpifrance.
Plan Deeptech
Dans le cadre de son plan Deeptech, lancé au début de cette année et doté au total de 1,3 milliard d'euros, Bpifrance a bien l'intention d'articuler les outils de ce plan pour favoriser l'informatique quantique. Et le 20 juin dernier, elle a organisé la première conférence internationale (en France) dédiée au Quantum Computing Business « Q|C|B », réunissant la fine fleur mondiale du secteur. Sont ainsi intervenues des entreprises déjà actives dans le domaine, telles qu'IBM, Atos ou D-Wave, de même que des start-up, comme Quandela, et des laboratoires de recherche.
Il faut urgemment lever le verrou du financement des entreprises de technologie deeptech et il suffirait d'une prise de conscience de la part des industriels pour que les énergies se cristallisent autour de l'informatique quantique en France et que le point de bascule industriel ait lieu.
Déjà, le SIRTEQ (réseau académique sur le quantique en Ile de France), le PCQC (Paris Center for Quantum Computing, une communauté de chercheurs) fédérant le CNRS, l'Université Paris Diderot, l'UMPC, Telecom Paristech, le CEA, l'Institut d'Optique et l'Université Paris-Sud (Orsay/Saclay) sans oublier le Grenoble Quantum Engineering (qui regroupe les efforts de la région), sont en ordre de marche pour proposer, avec les start-up et des structures plus grandes, ces nouvelles technologies, qui feront entrer l'industrie dans une nouvelle ère numérique. « Mais il faut bouger, et vite !, insiste Jean-Christophe Gougeon, sinon, les entreprises étrangères viendront s'installer en Europe et en France, et nous ravirons le leadership que nous sommes en capacité d'avoir. Il y a une opportunité du moment, saisissons-la si nous voulons éviter, comme pour l'IA, un futur plan de rattrapage quantique »...
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