Lutter contre le sexisme ordinaire en entreprise

Le sexisme s’immisce partout, sans en avoir l’air, comme un vieux réflexe parfois involontaire, souvent irréfléchi. Le milieu de l’entreprise n’y réchappe pas et doit faire face à des situations fréquemment compliquées. Dans le cadre de la premier journée d'action organisée par le collectif Ensemble Contre le Sexisme, des acteurs du monde de l'entreprise ont fait part de leurs actions au quotidien pour lutter contre ce fléau.
Valérie Abrial
De gauche à droite : Marie-Claire Capobianco, Directrice des Réseaux France et membre du Comité Exécutif du Groupe BNP Paribas  - Xavier Guisse, Responsable RSE – Groupe PSA - Francesca Aceto, Présidente de SNCF au féminin et Jean-Christophe Benetti, Directeur des Ressources Humaines de Nexter
De gauche à droite : Marie-Claire Capobianco, Directrice des Réseaux France et membre du Comité Exécutif du Groupe BNP Paribas  - Xavier Guisse, Responsable RSE – Groupe PSA - Francesca Aceto, Présidente de SNCF au féminin et Jean-Christophe Benetti, Directeur des Ressources Humaines de Nexter (Crédits : DR)

Le sexisme ordinaire au sein de l'entreprise n'est, hélas, pas une vue de l'esprit. D'aucuns diront que nous ne pouvons pas mettre au même niveau les attitudes sexistes, les blagues grivoises, les réflexions inappropriées, les gestes déplacés, les inégalités salariales ou les plafonds de verre qui ne se brisent jamais. Peut-être.... Mais il n'en reste pas moins que cet ensemble relève d'un inconscient collectif tellement ancré dans notre Histoire, la grande histoire de l'humanité, qu'il est devenu urgent de déconstruire les mécanismes qui forgent, souvent bien malgré nous, les relations femmes-hommes. Car se doit-on d'accepter une plaisanterie salace ou de supporter une attitude déplacée sous prétexte que le monde a toujours tourné ainsi ? Evidemment non. Pour autant, éradiquer les réflexes sexistes est une démarche qui prend du temps et ressemble davantage à un cheval de bataille plus qu'à un long fleuve tranquille. Former les femmes à réagir et ne plus se sentir victimes est l'une des mesures phares souvent évoquées par les experts, les DRH et les dirigeants d'entreprises. Car pour changer les attitudes, la pédagogie est essentielle. Eduquer les hommes aussi, les aider à comprendre pourquoi certains propos et/ou gestes sont déplacés. Les chiffres sont éloquents ; selon une étude BVA de novembre 2016 réalisée auprès d'un panel de femmes salariées non cadres, 74% d'entre elles considèrent que, dans le monde du travail, les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes (contre 54% des hommes). 81% des femmes non cadres victimes de comportements sexistes à leur travail ont déjà adopté une conduite d'évitement afin de ne pas avoir à affronter des propos ou comportements sexistes et 40% d'entre elles n'ont pas réagi parce que cela « ne sert à rien ». Face à ce déroutant constat, elles et ils sont nombreux à avoir fait de la lutte contre le sexisme ordinaire au travail un combat de tous les jours. Les réseaux féminins à l'intérieur des entreprises se sont multipliés ces dernières années, mais également des initiatives ont été lancées au sein même des directions. Pour en témoigner, quatre personnalités du monde de l'entreprise racontent leur expérience. Rencontres.

Marie-Claire Capobianco, Directrice des Réseaux France et membre du Comité Exécutif du Groupe BNP Paribas : "Améliorer le bien vivre ensemble"

 « L'actualité récente a montré que le sexisme est présent dans de nombreux univers dont le monde du travail et l'entreprise. Chez BNP Paribas, nous sommes, de longue date, sensibilisés à ce sujet. Ainsi le Code de Conduite publié en 2016 souligne-t-il l'importance du respect dû à chacun, à tous les niveaux de l'entreprise. Le Comité Exécutif du Groupe a marqué, sans équivoque, sa volonté d'être toujours à l'écoute des victimes éventuelles et de les aider résolument dans leur démarche de réparation. Il est essentiel que chaque collaborateur ou collaboratrice soit informé de ces règles et les applique. Pour y parvenir nous formons toutes nos équipes à la bonne compréhension de ce qui constitue un comportement sexiste. Nous utilisant différents outils dont, par exemple, une application mobile «Respect'Ü» pour présenter des actualités et témoignages permettant d'identifier et de lutter contre les discriminations. Au-delà de ces actions, il est également important de mieux accompagner les femmes, ou tout autre victime de sexisme, pour qu'elles osent réagir explicitement à tout comportement inadapté. Nos réseaux internes tels que Mix'City, ou BDDF'Elles jouent un rôle essentiel pour promouvoir l'égalité femme-homme et contribuer à la diffusion d'une culture de valorisation des différences et de respect mutuel. En tant que dirigeante, en tant que femme aussi, je suis profondément convaincue de la nécessité de prendre clairement position pour améliorer le bien vivre ensemble ».

Xavier Guisse Responsable RSE - Groupe PSA : "Un engagement depuis plus de 10 ans !"

 « L'engagement du Groupe PSA contre le sexisme et les violences faites aux femmes est ancien et inscrit dans les accords d'entreprise signés avec les partenaires sociaux. La non tolérance du sexisme a été introduite dans les règlements intérieurs de PSA déjà depuis une dizaine d'année. Nous menons des actions d'information et de prévention depuis plusieurs années, en lien avec les campagnes publiques, contre les violences faites aux femmes. En mars dernier, nous avons également déployé une campagne de sensibilisation contre le sexisme au travers de témoignages, affiches, et guide pratique pour agir sur les comportements.  Nous profitons de ces campagnes pour informer les salariés des dispositifs d'alerte mis en place dans l'entreprise pour signaler les situations de harcèlement ou de discrimination. Des enquêtes internes sont prévues dans ce dispositif dans le but de qualifier les faits, protéger les victimes et apporter un traitement aux problèmes signalés. Nous encourageons les victimes à signaler les mauvaises conduites ou délits. Cet engagement pour lutter contre les comportements inacceptables est public et clair. Pour nous, c'est un incontournable pour assurer des relations respectueuses au sein de l'entreprise ».

Francesca Aceto, Présidente de SNCF au féminin : "Former pour libérer la parole des femmes"

 « Depuis 2012, avec la création du réseau SNCF au Féminin, nous sommes engagés dans la lutte contre le sexisme. Plusieurs actions de sensibilisation et de formations ont été lancées touchant quelques centaines de personnes par an et nous en avons constaté les premiers résultats positifs dans le baromètre interne de perception du sexisme ordinaire réalisé en 2017. Ceci nous encourage à poursuivre plus que jamais le combat. Chez SNCF, nombreuses sont les femmes qui font face à des attitudes sexistes au travail, y compris, pour certaines, de la part de clients. Pour aller plus loin et plus vite, nous lançons cette année, une formation en micro-learning, « Résister au sexisme ordinaire », qui nous permettra en quelques mois de toucher 2000 femmes. Un parcours en ligne de 8 minutes par séquence dont l'objectif est de permettre aux femmes, confrontées à des agissements sexistes, de bien élaborer leur ressenti et de savoir en parler, dans le but d'atténuer, voire d'éradiquer, le sentiment de victimisation que l'on peut éprouver dans de telles circonstances. Nous réfléchissons également à comment aider les hommes, les managers en particulier, à prendre conscience du sexisme et à apprendre à écouter les femmes qui le subissent. »

Jean-Christophe Benetti, Directeur des Ressources Humaines de Nexter : "Sensibiliser est primordial"

« Après avoir engagé une sensibilisation des collaborateurs contre les stéréotypes de toutes natures, le groupe de haute technologie Nexter a conduit une action de formation contre le sexisme auprès de ses managers, institutions représentatives du personnel et collaborateurs. Des formations « diversité » ont également intégré la question du sexisme ordinaire. Nous avons en outre, par un accord d'entreprise unanime, fixé comme priorités de : sensibiliser chaque salarié au sexisme ordinaire ; renforcer nos dispositifs d'écoute et d'appui aux victimes ; et informer des conséquences disciplinaires et pénales. Par ailleurs et grâce à des activités annexes comme le théâtre d'entreprise - une salariée objet de propos douteux - nos collaborateurs savent comment réagir et où obtenir de l'aide. Aujourd'hui, nous pouvons mesurer les bénéfices de ces formations. D'emblée, on observe la levée d'un tabou : la question du sexisme doit être abordée, l'entreprise n'étant pas imperméable à son environnement. Nous mesurons également une attention à nos comportements et une réduction du sexisme ordinaire. Enfin, on note une remontée d'incidents qui ont fait l'objet d'enquêtes et, pour certains de sanctions disciplinaires ».

Valérie Abrial

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