Une histoire du rapport de l'Homme à la Nature

Empreint d’angoisse sur fond de dérèglement climatique et d’extinction du vivant, le rapport de l’Homme à la Nature a oscillé, au cours des siècles, entre crainte et volonté de domination. De l’Égypte antique à l’apparition du christianisme, du mouvement romantique faisant l’apologie du vivant sous toutes ses formes à l’idée contemporaine de surconsommation et jusqu’au grand sursaut écolo, récit d’une relation complexe redessinant sans cesse les contours de la modernité. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune - N°6 Octobre 2021)
(Crédits : Istock)

Des bienfaits de la déconnexion... Une fois n'est pas coutume, l'écriture de cet article débute en forêt, je suis adossé contre le tronc massif d'un châtaignier, muni d'un simple stylo et d'un carnet. Autour de moi : le souffle du vent dans les branchages, une flore de fin d'été, le chant des oiseaux, le vrombissement des insectes et quelques traces encore fraîches du passage d'une famille de sangliers. Voilà une immersion en pleine nature, à l'aube, avant que les promeneurs et autres joggers n'investissent les lieux. L'homme seul face à la Nature triomphante : une manière romantique d'en finir avec le train-train harassant de la vie citadine en s'immergeant dans le vert. Nous sommes ici au cœur des bois, plus précisément au cœur de la forêt de Montmorency, majestueux massif forestier de 2 200 hectares situé au nord de Paris. Montmorency... Soudain, quelques lointains souvenirs de lycée remontent à la surface. Outre plusieurs points remarquables faisant le plaisir des randonneurs, l'endroit est surtout connu pour avoir hébergé, de 1756 à 1762, l'un des penseurs majeurs du siècle des Lumières, le philosophe Jean-Jacques Rousseau. À Montmorency, l'auteur d'Émile, du Contrat Social et des Rêveries du promeneur solitaire s'adonnait à l'exercice du bonheur autarcique - partageant son temps entre écriture, herboristerie et contemplation - de même qu'à la marche et au difficile exercice de l'introspection. Naîtra ainsi, au fil du temps, une relation unique et fusionnelle avec la Nature, nourrissant bientôt une profonde pensée politique et philosophique. À la vie citadine bien trop souvent synonyme de perversion à son goût, Rousseau préférera l'état de nature. Il fera de Montmorency le siège de son inspiration, son « cabinet de travail » comme il l'écrit dans les Confessions.

À la Préhistoire et dans l'Antiquité, la nature comme mythe ambivalent

N'est évidemment pas Rousseau qui veut. Aux prémices de l'humanité, l'idée d'harmonie avec la nature constituait évidemment un concept flou. Il est vrai que l'homme préhistorique, subissant l'aléa climatique et la rudesse d'un environnement qu'il ne parvenait ni à maîtriser, ni à contenir, ni même vraiment à comprendre, percevait dans son environnement une donnée avant tout hostile. Pour l'homme de l'âge du feu, pas de sentiment de supériorité qui tienne : esseulé, il se savait en proie aux prédateurs, non pas au sommet de la chaîne alimentaire mais bien dans une concurrence directe et effrayante. Manger ou être mangé : les peintures rupestres sur les parois des grottes de Chauvet et Lascaux illustrent le danger des parties de chasse et cette tension constante entre bipèdes et prédateurs. Tout changera bientôt avec la découverte du feu, bond technologique propre à bouleverser les écosystèmes, puis avec la généralisation de l'élevage. Sans anachronisme, on pourrait y voir les premières tentatives concrètes, tangibles, de bouleversement du rapport initial entre l'Homme et son milieu. Comme le début de la fin de l'État de Nature, celui où la terre nourricière donne et reprend selon son bon vouloir. L'humain aura beau croire et craindre Gaïa, force mystique et supérieure, il n'en sera pas moins déterminé à vouloir amoindrir son pouvoir supposé pour croître et se développer. D'ailleurs, loin de l'image d'Épinal, on se demande aujourd'hui si Sapiens et Néandertal n'auraient pas eu une influence majeure sur leur environnement, participant activement à l'extinction du mammouth. Dans un article pour le média historique Hérodote, la professeure Isabelle Grégor va plus loin encore : « Saura-t-on jamais s'ils n'ont pas fait disparaître pour toujours des dizaines de plantes ? N'estime-t-on pas que près de 80 % des grands mammifères américains ne se remirent pas de leur rencontre avec l'Homme, dès lors qu'il eût repéré le passage du détroit de Béring (12 000 av. J.-C.) ? Les prédateurs ont changé de camp ! » Pour autant, l'harmonie demeure et les outils humains, même s'ils se perfectionnent, ne lui permettent pas d'asseoir une domination définitive. Dans l'Égypte des pharaons, la nature suscite ainsi un curieux mélange de crainte et d'admiration. Sans que l'on ne comprenne pourquoi, les dieux que l'on vénère, revêtant d'ailleurs souvent l'apparence d'animaux, se fâchent ou se réjouissent, offrant à leur guise superbes récoltes ou terribles épisodes de famine. Il en allait de même dans la Grèce antique, où le courroux des dieux était si craint que le sacrifice servait à apaiser leurs ombrages dévastateurs. L'Iliade et plus encore L'Odyssée d'Homère proposent ainsi clairement le récit d'un homme fragile ballotté par les éléments naturels. C'est ainsi que pour braver la mer, le vent, le soleil et l'obscurité, il faudra à Ulysse des caractéristiques surhumaines, une immense bravoure et un grand courage. Le tout formant une belle preuve d'humilité face à une nature souvent déchaînée. Pour proposer d'autres ressources que celle du héros mythique, la philosophie grecque va entreprendre un vaste travail théorique, faisant intervenir logique et raison pour éteindre une angoisse. Peu à peu, c'est toute la place de l'Homme dans la Nature qui est revue, repensée, révisée.

L'historienne Catherine Vincent explique ainsi : « Avant même Aristote (384-322 av. J.-C.), les philosophes présocratiques s'efforcent de dégager des lois pour expliquer le monde qui les entoure. Il s'agit pour eux de proposer des causes physiques à chaque sorte de phénomène, des causes relevant de leur « nature » et non de « l'arbitraire » des dieux. » L'Homme, pour la première fois, prend du recul et commence à s'interroger sur sa place au sein de l'univers. Et s'il était plus influent qu'il ne le croyait ? Et s'il parvenait à expliquer certains phénomènes et à se rassurer sur la raison de leur récurrence ? Et s'il constituait, narcissiquement, la plus belle des créatures du grand jardin planétaire ?

Cette interrogation, au fond, est celle de Sophocle. Dans Antigone, le dramaturge écrit « S'il est bien des merveilles en ce monde, Il n'en est pas de plus grande que l'homme ». Voilà le premier pas vers une prise de conscience qui aura bien des conséquences. Mais pour l'heure, toujours raisonnable, l'Homme continue de vénérer la Nature pour sa puissance et sa beauté. Et quand bien même il relègue les dieux sur l'Olympe et leur fait perdre progressivement leur aspect animal, il continue de les vénérer de longs siècles durant...

Christianisme et nature, une relation ambiguë

Si, comme l'écrit l'agrégé Patrick Voisin, auteur d'Écologie et environnement en Grèce et à Rome (éd. Les Belles Lettres), « les hommes de l'Antiquité ont su faire preuve de qualités qu'on qualifierait aujourd'hui d'écologiques : ne pas épuiser la ressource et au contraire veiller à l'économiser jusque dans la maison, comme en témoignent les conseils de Vitruve pour l'agencement de la villa rustica dans le but de réaliser - déjà - des économies d'énergie. Et si les Romains consommaient de grandes quantités de bois, pour tous les usages (construction, navires, combustion et chauffage) mais que les nombreux traités d'agronomie nous indiquent qu'ils se souciaient également de reboiser et connaissaient parfaitement les différentes essences et leurs qualités respectives », il n'en demeure pas moins que la montée en puissance du christianisme va propager, au fil des siècles, un rapport sensiblement différent à la nature. Pour le comprendre, il faut revenir au texte. Dans la Genèse, les théologiens identifient deux récits. Deux récits concurrents. L'un qui commande de soumettre la nature en la dominant, l'autre qui marque l'apparence des humains à la terre. Quel récit l'emporte ? C'est à vrai dire assez flou et cela varie. Thomas d'Aquin parle ainsi de création en termes de relation, non de domination. En plein XIIIe siècle, François d'Assise compose quant à lui un Cantique des créatures empreint du souci écologique. On dit et on chante « loué sois-tu Mon Seigneur par notre frère le soleil, [...] car Dieu habite sa création ». Un refrain d'ailleurs repris en 2015, par le pape François, dans l'encyclique Laudato si portant « sur la sauvegarde de la maison commune ». Mais revenons à l'An Mil. En dépit des textes, c'est paradoxalement le principe d'une domination de l'homme sur les éléments qui va s'imposer au cours du Moyen Âge. « Dans la pensée chrétienne, écrit la médiéviste Catherine Vincent, le statut de l'homme n'est plus « par nature », comme les plantes et les animaux : son essence et son devenir relèvent désormais de la grâce, qui est au-delà de la nature. Une transcendance qui lui donne le droit et le devoir d'administrer le reste du vivant, de l'organiser et de l'aménager selon ses besoins. » À ce propos, les écritures vont d'ailleurs enfoncer le clou : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre » lit-on dans la Genèse. Le massage est clair : l'homme doit alors s'imposer en toute bonne conscience comme puissance transformatrice d'une nature devenue simple matériau. Pourtant, à l'époque médiévale, la nature demeure encore et toujours une force chaotique, angoissante et mystérieuse. Incendies, épidémies, pestes et aléas climatiques ravagent l'Europe. Pour expliquer la survenue de ces fléaux, on prétexte une hypothétique vengeance divine portant un message à l'humanité pécheresse... Chercheuse à l'Institut national de la recherche agronomique (INRAE), Sandrine Petit estime pour sa part qu'à partir du Moyen Âge, « le monothéisme judéo-chrétien a contribué à la désacralisation des éléments naturels qui, dépourvus de toute signification religieuse, permettent le développement d'une civilisation technicienne. On établit la première rupture dans les rapports homme-nature au Moyen Âge. Elle aurait été marquée par l'utilisation de la charrue à lame verticale et par des techniques hydrauliques performantes ».

Contenir la nature ou la laisser vivre : dilemme de la Renaissance et des Lumières

D'autres bouleversements majeurs vont bientôt remettre en cause le fragile équilibre régnant jusque-là entre humanité et écosystèmes. À commencer par Copernic (1473-1543) et Galilée (1564-1642) établissant chacun à leur tour le principe que la Terre, non plus plate mais bien ronde, n'est pas le centre de tout mais tourne autour du Soleil, à l'instar d'autres planètes. C'est ensuite au tour de Newton (1642-1727) de prouver que l'Univers est composé de particules. « Ce que fait la modernité à l'idée de nature, c'est la vider de toute autonomie, l'épuiser littéralement, résume la philosophe Virginie Maris, dans les colonnes du MondeElle devient une substance, homogène et passive. Les animaux sont comme des automates aux mécaniques infiniment plus fines et complexes que les montres que fabriquent les horlogers, mais répondant aux mêmes principes, faits de rouages et de ressorts. » Désormais, la logique et la science prennent le parti de chercher pour tout expliquer. Cogito ergo sum clamait Descartes (1596-1650) ! Pour l'auteur du Discours de la méthode, la nature constitue « une chose étendue, flexible et muable », presque un jouet que l'homme, doué de raison, peut contrôler et dont il peut profiter à sa guise. Dans ce moment de conquête humaniste, la nature change alors... de nature ! D'élément essentiel, elle en deviendrait presque secondaire, à l'image d'un paysage en arrière-plan d'une toile de la Renaissance au moment où les villes s'étendent et la perspective de vivre en « bon sauvage » se heurte à l'idéal de progrès... L'homme, puisqu'il n'est plus au centre du monde, a besoin de se rassurer. Tout ou presque devient alors objet de civilisation : c'est l'heure des grandes conquêtes, de la découverte de l'Amérique, du développement de cette idée que l'homme peut partout mettre sa touche, son empreinte. Brusquement donc, l'idée de nature sauvage recule et devient souvent négative. Et tandis que l'on se méfie des massifs forestiers indomptés, tandis que même les montagnes sont jugées comme des « verrues » dégradant la beauté du paysage, on entreprend d'ordonner le vivant en plantant une faune scrupuleusement taillée et choisie pour correspondre aux canons de beauté de l'époque. Disparaissent peu à peu les forêts, largement déboisées dans des proportions parfois effarantes. Naissent, en contrepartie, des espaces bien délimités, emprunts du souci classique de perfection formelle : lignes droites, jeux d'eaux et fontaines, couleurs vives et buissons proprement taillés... le jardin à la française est né !

Cette tendance à l'asservissement de la nature par la main de l'homme prospérera siècle après siècle. Elle sera néanmoins contredite par un courant concurrent, rousseauiste puis romantique, soucieux de revenir à l'expression d'une nature sauvage, sans retouche, dans laquelle l'homme serait un invité, un discret observateur, un chantre et un allié.

Docteur en histoire ancienne diplômé de l'Université de Stanford, Matthieu Abgrall voit dans l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau quelques liens évidents avec notre goût actuel pour l'écologie. « L'omniprésence de la Nature dans l'œuvre de Jean-Jacques Rousseau procure beaucoup d'occasions pour le lecteur moderne de réfléchir et de trouver une inspiration pour le XXIe siècle. Rousseau, longtemps avant de nombreux auteurs, a pensé l'importance capitale de notre rapport à la nature et de notre fonctionnement en écosystème avec elle. Il serait même, pour certains, le précurseur de « l'écologie profonde », à l'heure où l'effondrement rapide de la biodiversité va jusqu'à remettre en cause le primat de la lutte contre le réchauffement climatique. Il affirme de manière simple l'importance de la notion d'écosystème contre ceux qui voient dans la Nature un simple objet inerte. »

Et Abgrall de poursuivre : « Quand le philosophe affirme, selon un mot célèbre, que « nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection », c'est simplement pour remarquer que si le retour à l'état de Nature n'est ni possible ni même souhaitable, l'Homme ne doit pas perdre de vue les dommages causés par l'éloignement d'avec la Nature, autant comme concept philosophique que comme réalité concrète de notre environnement. » Citations après citations, écrit après écrit, Rousseau nous semble ultramoderne : il affirme une conscience aiguë doublée d'un respect de l'environnement, à rebours de la doxa de son temps. Puisque les hommes le tourmentent, le voilà donc plongé de son plein gré dans la nature, dans la posture du promeneur solitaire, esseulé mais heureux car débarrassé du superflu. Avant tout le monde, le philosophe a pris conscience de l'urgence de ralentir pour se reconnecter au vivant. « Cette volonté de préserver la nature, poursuit Abgrall, de la conserver, trouve un exemple parfait dans l'herbier de Jean-Jacques Rousseau, une œuvre qui lui tient à cœur tant parce qu'elle est le symbole du soin et de l'attention qu'il porte à la Nature, à la nécessité de la préserver, pour ce qu'elle contient de puissance d'évocation, d'expériences sensibles. »

Entre promesse de progrès et idéal romantique

Les grands romantiques puiseront dans la Nature l'inspiration nécessaire à l'expression de leurs états d'âme et autres tourments. Anarchique et libre comme la plante qui pousse, l'écrivain poitrinaire laissera aller sa plume aux errances du cœur. Vent debout contre une certaine idée de la réalité, du désenchantement et de la mécanisation du monde et des rapports humains, il mettra un point d'honneur à ne plus chercher à maîtriser la Nature mais bien à en exprimer toute l'éclatante beauté. Lamartine, Chateaubriand, Hugo, Nerval, Gautier, Musset mais aussi Goethe et Byron s'y adonnent magnifiquement. Ils chantent les lacs et les forêts, les rivières au fil des saisons. Mais surtout, ils réinvestissent directement l'idée de faune et de flore sauvage. « Le XVIIe siècle avait engendré l'idée d'une humanité purement extérieure et purement spirituelle, le grand mouvement de pensée qui suivra consistera à réintégrer l'être humain dans la nature », précise Dominique Bourg. Chateaubriand ne dit pas autre chose, dans sa langue sublime, dans René. « La solitude absolue, écrit-il, le spectacle de la nature, me plongèrent bientôt dans un état presque impossible à décrire. Sans parents, sans amis, pour ainsi dire seul sur la terre, n'ayant point encore aimé, j'étais accablé d'une surabondance de vie. Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais couler dans mon cœur comme des ruisseaux d'une lave ardente ; quelquefois je poussais des cris involontaires, et la nuit était également troublée de mes songes et de mes veilles. II me manquait quelque chose pour remplir l'abîme de mon existence : je descendais dans la vallée, je m'élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l'idéal objet d'une flamme future ; je l'embrassais dans les vents ; je croyais l'entendre dans les gémissements du fleuve : tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les cieux, et le principe même de vie dans l'univers. » Le lien entre l'artiste et la nature est alors si puissant que l'écrivain et philosophe suisse Henri-Frédéric Amiel écrira « Chaque paysage est un état d'âme ». Le romantique, bien évidemment surjoue sa posture d'hyper-proximité avec la nature tandis que le monde autour de lui devient inexorablement plus citadin, réseau complexe de sociabilités emmêlées et bientôt industrialisées. Voilà qui annonce d'ailleurs le prochain mouvement, la prochaine tendance historique de cette épineuse relation de l'Homme à son milieu : le vertige du progrès et celui de l'hyperconsommation. Tous deux auront de lourdes conséquences. En utilisant la nature, en puisant dans les ressources, la modernité détériorera, de fait, l'environnement. Jusqu'à le ravager parfois. Il faudra alors l'engagement corps et âme d'ardents défenseurs d'une nature désormais perçue comme « bien commun » pour ouvrir les yeux de l'humanité. Qu'ils soient des individus (Raoni, Michel Serres, René Dumont, Hans Jonas, Yann Arthus-Bertrand, Nicolas Hulot, Greta Thunberg) ou des ONG (Greenpeace, WWF, Sea Shepherd, Extinction Rebellion), tous avertissent du danger qu'il y aurait « à regarder ailleurs » tandis que « notre maison brûle », pour reprendre les mots de Jacques Chirac à Johannesburg en 2002. L'heure est à la prise de conscience. Au changement de paradigme. Au freinage aussi parfois, quitte à sacrifier, au passage, quelques points de croissance. Demeure alors une angoisse : n'agit-on pas trop tard ? Ne nous réveillons pas alors que les dommages sont devenus irréparables et la planète en passe d'être invivable ? Les collapsologues ont répondu à la question : pour eux, toutes les tentatives sont vaines. À les écouter, la nature, consciente du mal qu'on lui a fait, aurait commencé à se venger en déchaînant sur l'homme cyclones, ouragans, tremblements de terre, épisodes caniculaires et inondations. Pendant ce temps, un nombre croissant de citoyens engagés agissent, s'empressent et utilisent la raison pour arriver à dessiner les contours du monde d'après. Par bribes, ils repensent notre rapport à la nature, consomment bio et local, troquent leurs véhicules diesel pour des motorisations hybrides, recyclent leurs déchets. Plus globalement, la tendance, on le sait, est au grand ralentissement, au fait de quitter la ville pour la province, à l'envie de couper les écrans pour humer l'air des grands espaces et au contact charnel assumé, à l'image de l'engouement pour la sylvothérapie. Laissons alors à Anne-Caroline Prévot, chercheuse en écologie au CNRS et au Muséum national d'Histoire naturelle, le dernier mot : « Il faut se référer à tous les travaux de psychologie sur l'importance de la nature dans notre quotidien. Il est aujourd'hui clair qu'elle contribue notamment à la santé psychique, à la restauration de l'attention, à la diminution du stress. Lorsqu'on se trouve dans un espace de nature entouré d'animaux et de végétaux se déclenchent divers stimuli neurologiques vertueux. Les jardins thérapeutiques permettent d'aider certains malades d'Alzheimer dans les pays scandinaves, les bains de forêt pratiqués en Asie font du bien à beaucoup de monde. Des patients disposant d'une vue sur un espace de nature se remettent plus rapidement d'une opération chirurgicale. La liste est longue des bienfaits que procure la nature. Inversement, ne pas y avoir accès peut altérer notre bien-être, voire notre santé. » Et si, en protégeant le vivant, l'humanité parvenait à se sauver ?

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Cet article est extrait de "T" La Revue de La Tribune n°6 - PLANETE MON AMOUR - Réparons les dégâts ! Octobre  2021 - Découvrez la version papier

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Commentaire 1
à écrit le 11/12/2021 à 9:41
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"La terre a une peau et cette peau a des maladies ; une de ces maladies s'appelle l'homme." Nietzsche Il fallait la trouver celle-là quand même dès le 19ème siècle tandis que la sensibilité écologique n'existait pas. L'homme de tout temps a du lutter...

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