Bouygues repart à l'assaut de SFR en ajoutant 1,8 milliard de cash

Par Delphine Cuny  |   |  736  mots
Martin Bouygues a convaincu la Caisse des dépôts, les Pinault et les Decaux de se joindre au projet.
Le groupe de BTP a porté à 13,15 milliards d’euros la partie en numéraire proposée à Vivendi, dépassant ainsi les 11,75 milliards d’Altice (Numericable) avec lequel la maison-mère de SFR est entrée en négociations exclusives vendredi dernier.

« A un moment, il faut savoir s'arrêter » disait-on chez Bouygues vendredi dernier, où la déception se mêlait à un certain fatalisme : « Vivendi ne voulait pas de nous depuis le début. » Le groupe de BTP, qui avait dit vouloir « se projeter dans l'avenir » lundi, ne s'avoue finalement pas vaincu. Alors que Vivendi a annoncé vendredi entrer pour trois semaines en négociations exclusives avec Altice, la maison-mère de Numericable, en vue d'un rapprochement de ce dernier avec SFR, Bouygues revient à la charge avec une offre fortement améliorée pour la partie cash : dans cette nouvelle mouture déposée ce jeudi, il propose désormais 13,15 milliards d'euros en numéraire, soit 1,85 milliard de plus que son offre déjà relevée mercredi dernier. C'est 1,4 milliard d'euros de plus que Numericable ! L'offre de la maison-mère du câblo-opérateur était financièrement la mieux-disante la semaine, supérieure de 450 millions en cash.

No comment chez Vivendi

En conséquence, Vivendi récupérerait 21,5% du capital du nouvel ensemble fusionné, contre 43% dans la dernière offre de Bouygues. « No comment, nous sommes en négociations exclusives » répond-on chez Vivendi. Est-ce à dire que l'offre n'est pas recevable ? Chez Vivendi, chez SFR et chez Numericable, c'est une affaire entendue : le deal n'est qu'une affaire de jours. Est-ce un ultime baroud d'honneur de la part de Bouygues ? La maison-mère de Bouygues Telecom a-t-elle été encouragée par le gouvernement qui ne semble guère apprécier le choix de Vivendi ? Le statut de résident fiscal suisse Patrick Drahi, le premier actionnaire de Numericable, la domiciliation de sa holding personnelle à Guernesey ont été critiqués par les ministres Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin qui lui ont demandé de s'installer en France. « Je n'ai pas prévu de faire rentrer ma famille en France » a répondu Patrick Drahi lundi lors d'une conférence de presse.

La CDC, les Pinault et les Decaux au capital

Bouygues indique qu'il a rassemblé autour de son projet « des actionnaires industriels et financiers de long terme » : la Caisse des dépôts, la famille Pinault, JC Decaux vont « rentrer ou se renforcer au capital du nouvel ensemble, ce qui contribue à améliorer fortement la partie en numéraire de l'offre. » Lundi, le directeur général de la Caisse des dépôts, Jean-Pierre Jouyet s'était dit prêt à « accompagner en capital un rapprochement entre Vivendi SFR et Bouygues », une déclaration qui n'avait pas manqué de surprendre après la décision du conseil de surveillance de Vivendi. La présence de la banque publique, qui investira 300 millions d'euros et détiendrait 3% du nouvel ensemble, apparaît comme un soutien ouvert de l'Etat à cette offre alternative. La CDC est déjà actionnaire de Bouygues (2,2% du capital) mais aussi de Vivendi (3,5%).

La participation de Bouygues serait in fine de 67% dans l'ensemble fusionné SFR-Bouygues. Le groupe rappelle qu'il vise 10 milliards d'euros de synergies, dont 5 milliards portant sur le réseau mobile qui sont selon lui « sécurisées » par l'accord signé avec Free auquel il céderait le réseau et les fréquences de Bouygues Telecom en cas de fusion.

« 5.000 destructions d'emplois en moins » avec Numericable

Ce week-end, Vincent Bolloré, premier actionnaire de Vivendi avec un peu plus de 5% du capital, avait justifié le choix du conseil où il siège : « Numericable a apporté 450 millions d'euros supplémentaires de cash, 5.000 destructions d'emplois en moins, une plus grande facilité dans un rapprochement fibre-mobile. » Il avait toutefois indiqué que « trois semaines de priorité » avaient été accordées à Altice-Numericable. Le PDG de SFR Jean-Yves Charlier a lui-même présenté, dans un message aux salariés, le mariage avec Numericable comme « un superbe projet de croissance. » Dans son communiqué, Bouygues fait valoir qu'il « répond aux attentes du conseil » qui avait considéré son offre « pertinente » mais sa part en numéraire «insuffisante. » Il précise aussi qu'il « réitère son engagement à ce que son projet de création d'un acteur majeur du numérique en France dynamise l'investissement et assure la création d'emplois durables. »

Dans le camp de Numericable, aucune inquiétude ne semble poindre : « c'est l'énergie du désespoir » sourit une source proche qui considère que cette surenchère ne change pas la préférence de Vivendi pour un « projet industriel de croissance avec un faible risque d'exécution et un maintien de l'emploi. »