Bolloré prédit « un peu plus de diète que prévu » chez Canal+

Auditionné mercredi par la commission de la culture du Sénat, Vincent Bolloré « regrette » le rejet de l’accord entre Canal+ et BeIN Sports par l’Autorité de la concurrence. Après avoir sabré dans les dépenses de la chaîne, il envisage, en conséquence, des efforts supplémentaires.
Pierre Manière
Vincent Bolloré, le patron de Vivendi (maison-mère de Canal+).

Lorsqu'ils auditionnent les grands patrons, sénateurs et députés se montrent parfois coulants. Comme s'il y avait une crainte à s'attaquer à certains « capitaines d'industrie ». Surtout lorsqu'ils jonglent avec les milliards d'euros - à l'instar, par exemple, de Patrick Drahi, le propriétaire de SFR. Ce mercredi, l'audition de Vincent Bolloré a fait figure d'exception. Interrogé par la commission de la culture du Sénat, le président du directoire de Vivendi et patron de Canal+ a été confronté à des salves de questions et critiques liées à sa violente reprise en main de la chaîne cryptée. Il faut dire qu'avec tous les articles de presse largement négatifs et pessimistes sur sa gestion, ne pas l'interroger sur les accusations de censures sur Canal+ ou sur sa perte d'identité aurait fait mauvais genre...

Interrogé sur la reprise en main de Canal+, Vincent Bolloré a commencé par une petite leçon. Selon lui, l'actuel redressement était un impératif :

« Il y a une petite confusion dans l'esprit des gens qui est de dire : 'mais le Groupe Canal dans son ensemble gagne de l'argent'. Certes, il gagne de l'argent. Côté chiffres, vous avez d'abord une activité cinéma, complètement indépendante de ce que fait Canal, qui fait à peu près 600 millions de chiffre d'affaires et 50 à 60 millions [d'euros] de résultat. Vous avez ensuite une activité internationale, qui représente à peu près 2,5 milliards de chiffre d'affaires pour environ 250 millions de résultat positif. Vous avez ensuite CanalSat, qui fait à peu près 1,5 milliard de chiffre d'affaires et qui dégage entre 200 et 250 millions de résultat positif. Et puis vous avez les chaînes Canal+. [...] Celles-ci perdent 260 millions en 2015, et le budget qui a été présenté est de -400 millions en 2016... »

« Obligation d'intervenir »

A ses yeux, il y avait donc un « problème ». « Vivendi était obligé d'intervenir, renchérit-il. La diète était malheureusement nécessaire. » Pour Vincent Bolloré, les 21 têtes coupées chez les dirigeants de Canal ne représentent pas grand-chose, arguant qu'aucun « plan social » n'a pour l'heure été mis en place.

Sur le front des contenus, les sénateurs l'ont interrogé sur la déprogrammation, l'an dernier, d'une enquête sur l'évasion fiscale au Crédit Mutuel, ainsi que sur des projets de publireportages chez Itélé. A ce sujet, Vincent Bolloré a laissé son numéro 2, Maxime Saada, jouer le pompier:

« Il n'y a jamais eu la moindre intervention de la part [...] de Vincent Bolloré et du directoire de Vivendi sur un programme dans la galaxie des chaînes Canal+, que ce soient les chaînes d'information, les chaînes payantes ou les chaînes gratuites. Ça, c'est très clair. L'histoire du Crédit Mutuel, elle précède l'arrivée de Vincent Bolloré chez Canal. On a créé un comité d'investigation il y a un peu plus de trois ans et dont j'assure la présidence. Il examine tous les documentaires d'investigation. On avait validé le Crédit Mutuel. A un moment donné, j'ai été appelé par la société qui produisait le 'doc' pour me dire que nous ne serions pas livrés dans les temps. Entre-temps, le documentaire [...] a été révélé par Mediapart. [...] A un moment, j'ai jugé que je n'étais plus intéressé. Car ce qui intéresse nos abonnés quand on fait un documentaire d'investigation, c'est quand il y a des révélations. Quand ces révélations sont sorties, ça ne nous intéressait plus. Voilà. »

« Sous le citron, l'huître bouge, mais reste ! »

Une explication qui n'a, au passage, pas du tout satisfait David Assouline, le vice-président de la commission de la culture (PS):

« Les faits sont là : il y a un reportage validé par vos équipes juridiques sur le Crédit Mutuel, qui a des intérêts avec le groupe Vivendi, et qui a été déprogrammé, a-t-il insisté. Alors c'est parce que l'info serait sortie avant... Mais enfin, concrètement, ça suffit pas comme explication. »

Face à ces charges, Vincent Bolloré n'a pas perdu son sang-froid. Il a même plaisanté de ce climat médiatico-politique peu à son avantage :

« Je ne suis évidemment pas un enfant de 4 ans. Je lis tout ce qui est écrit avec toujours beaucoup d'intérêt, parce que quand vous lisez des choses désagréables, il y a toujours des trucs intéressants à prendre. Vous savez je viens de l'ouest, là où l'huître sous le citron bouge, mais reste ! »

Des regrets sur l'accord avec BeIN

Autre dossier brûlant : Vincent Bolloré n'a pas caché son agacement après le rejet de l'accord entre Canal+ et BeIN Sports par l'Autorité de la concurrence. Celui-ci aurait permis à la chaîne cryptée de diffuser en exclusivité les chaînes qataries à ses abonnés, et était perçu comme un levier pour retrouver la confiance des abonnés. « Nous ne l'avons pas eu, je le regrette », a commenté le grand patron. Avant de prévenir que dans ces conditions, « nous serons obligé de faire un peu plus de diète que ce qui était prévu ». Les équipes de Canal sont prévenues.

Pierre Manière

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Commentaires 2
à écrit le 22/06/2016 à 21:09
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j ai bien fait de résilier c+ abonné depuis 1986 aucun regret sinon d avoir attendu !

à écrit le 22/06/2016 à 20:46
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Quel charlot !

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