Retour en France, pour un parcours sans faute

Les co-fondateurs de la start-up TreeFrog Therapeutics, spécialisée dans la production de cellules souches, Grand prix du concours i-Lab l'an dernier, se sont rencontrés en Suisse en 2014. Ces deux normaliens, docteurs en physique et biologie, ont décidé de revenir en France deux ans plus tard pour créer leur société. Maxime Feyeux raconte comment son aventure entrepreneuriale a commencé. Son parcours devrait faire des émules...
Maxime Feyeux et Kevin Alessandri, co-fondateurs de TreeFrog Therapeutics.
Maxime Feyeux et Kevin Alessandri, co-fondateurs de TreeFrog Therapeutics. (Crédits : DR)

« Lorsqu'on nous a orienté vers i-Lab, nous redoutions de n'être pas assez matures, et le dossier à monter représentait un vrai défi... », se souvient Maxime Feyeux. Si ce docteur en neurobiologie et en neurosciences savait « comment chercher de l'argent pour financer de la recherche et réaliser des documents en ce sens », il avoue que la courbe d'apprentissage a été pentue. « Nous maîtrisions notre programme de R&D. C'est pour le business plan que nous avons eu la chance d'être accompagnés », dit-il.

Pour la préparation du dossier, le jeune chercheur/entrepreneur et son coéquipier, Kevin Alessandri, se sont appuyés à la fois sur la société d'accélération de transfert de technologie de Nouvelle-Aquitaine (AST innovations) et l'incubateur bordelais UNITEC. Trois semaines de travail intense qui en valaient la peine : « Le premier moteur, c'est bien sûr la subvention. Mais nous savions aussi qu'obtenir ce titre, c'était décrocher un ticket gagnant pour dérouler les prochaines étapes », dit-il. En outre, le concours i-Lab permet « de profiter d'un regard extérieur tout à fait intéressant pour les projets », note-t-il, sans oublier la dynamique d'entraide, due au réseau des lauréats et des parrains, qui s'installe. Quant au « label » i-Lab, qui marque la réussite au concours, il offre plus que la garantie de viabilité d'un projet. En affichant la volonté des autorités de prendre des risques financiers, il sert d'exemple pour d'autres investisseurs.

Modèle français

Aujourd'hui, Maxime Feyeux se souvient de sa volonté de gagner qui a accompagné l'attente des résultats. Mais surtout, son succès l'incite à souligner certaines caractéristiques françaises. Au point, d'ailleurs, de choisir son pays pour lancer sa start-up. « Nous étions en Suisse et nous aurions pu aller aux Etats-Unis ou au Japon pour notre projet, mais nous sommes revenus en France », indique-t-il. Pour deux raisons. L'une, c'est son patriotisme : « La France a financé mes études, il me paraît normal de redonner à mon pays », dit-il. Les deux chercheurs ont donc choisi Bordeaux pour s'installer, notamment parce que le directeur de thèse de Kevin Alessandri, à l'Institut Curie, y était nouvellement basé. Par ailleurs, « la Nouvelle-Aquitaine fait beaucoup pour soutenir la recherche et l'innovation », ajoute-t-il. L'autre caractéristique qu'il met en avant, c'est l'écosystème structuré par les autorités pour stimuler la recherche, l'innovation technologique et la création d'entreprises. « Certes, il y a de l'argent privé aux Etats-Unis, mais le fait que l'Etat français ait une politique volontariste et prenne le risque d'épauler des projets très en amont avec des structures comme les SATT, les pôles de compétitivité, les incubateurs... est crucial, dit-il. Il n'y a pas qu'un modèle dans ce domaine, mais en tout cas, le modèle français marche ! ».

La bonne cible

Maxime Feyeux, qui étudie et travaille depuis 15 ans dans le domaine des biotechnologies, a toujours eu en ligne de mire la création d'une entreprise. « En tant que scientifiques, nous ne sommes a priori pas formés pour créer des entreprises, il nous manque certaines compétences. Il faut être lucide sur ces 'trous dans la raquette', que l'on comble in fine grâce aux personnes qui forment l'équipe ».

Si la société TreeFrog Therapeutics a été créée en décembre 2018, avant, déjà, le scientifique avait réfléchi aux conditions de lancement, à la sécurisation de la propriété intellectuelle et même à la levée de fonds. « Le projet a mûri pendant quatre ans, explique-t-il. En 2014, les programmes de thérapie cellulaire n'étaient pas aussi avancés. Aujourd'hui, ces acteurs sont au pied du mur. Il leur faut un modèle de production de cellules thérapeutiques robuste pour soigner des milliers, voire des millions de patients. Nous arrivons au bon moment, pour toucher la bonne cible », se réjouit Maxime Feyeux.

Aujourd'hui, TreeFrog Therapeutics est sur les rails. Spécialisée dans la production de cellules souches pour « réparer » les organes, en remplaçant des cellules défectueuses chez des patients souffrant de maladies chroniques comme la maladie de Parkinson, le diabète ou l'insuffisance cardiaque, la start-up bordelaise a développé C-Stem™, une plateforme technologique fondée sur la culture cellulaire en 3D.

L'industrialisation de la production de cette matière première rare devrait permettre à de nombreux patients d'accéder à la révolution médicale des thérapies cellulaires. Mieux, elle pourrait résoudre les problèmes de fabrication tout en réduisant le coût des traitements.

Poursuivre sur la lancée

De deux personnes à l'origine, l'effectif de TreeFrog Therapeutics est passé à neuf, et devrait encore s'étoffer. Mais surtout, la start-up, après avoir reçu l'appui financier d'Aquitaine Science Transfert (1,2 million d'euros), a non seulement bouclé - en un mois seulement ! - un premier tour d'amorçage de 600 000 euros en janvier, mais elle va annoncer prochainement - quatre mois seulement après son lancement - la livraison d'un premier lot de 143 millions de cellules souches à un laboratoire leader européen, spécialisé dans les maladies génétiques chez l'enfant. Mieux encore, elle vient d'obtenir une lettre d'intention d'un grand fonds de capital-risque français pour une levée de 5 millions d'euros...

De quoi poursuivre sur sa lancée, entrer en discussion avec des industriels du secteur et produire en masse des cellules d'une valeur inestimable pour de nombreux patients. Autant dire que la valorisation de la recherche, par le biais du concours i-Lab, est bien engagée.

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