Synonyme d’avantage concurrentiel, la deep tech crée des emplois

Interviews croisées de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation & Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance.
(Crédits : DR)

Comment appréhendez-vous la responsabilité de l'État français face aux grands enjeux auxquels la deep tech peut apporter une réponse ?

Frédérique Vidal : Écologie, démographie, inclusion, justice sociale... nombreux sont les défis auxquels nous sommes aujourd'hui confrontés. Et pour répondre à ces grands enjeux, la science est une source de progrès dans laquelle la société peut venir puiser son inspiration. Pour construire des solutions concrètes, tous les acteurs doivent être mobilisés : chercheurs, innovateurs, entrepreneurs, investisseurs. Dans ce contexte, l'État a un rôle important à jouer, en fi nançant une recherche au meilleur niveau mondial, en faisant tomber les cloisons entre les acteurs et en créant un cadre propice à la prise de risque. C'est tout le sens de l'action du gouvernement depuis deux ans. Avec la mise en place d'un fonds de 10 milliards d'euros pour l'innovation de rupture et la mobilisation des investissements d'avenir, nous bâtissons un écosystème de financement de la deep tech particulièrement attractif, salué par les entrepreneurs. La responsabilité du gouvernement, c'est aussi de faire tomber les barrières à l'innovation, qu'elles soient administratives, juridiques ou même culturelles.

Avec la loi PACTE, nous avons ainsi renforcé les passerelles entre recherche publique et secteur privé et facilité la mobilité des chercheurs, pour permettre à chacun de suivre ses aspirations, avec le moins de contraintes possible. J'ai également lancé un grand plan en faveur de l'entrepreneuriat étudiant, car ce sujet me paraît d'une importance majeure. En sensibilisant les jeunes à l'entrepreneuriat beaucoup plus largement qu'aujourd'hui, en les incitant à créer leur activité et en les accompagnant dans cette démarche, j'ai la conviction que nous transformerons en profondeur notre société et que nous donnerons aux citoyens les moyens de regarder leur avenir avec confiance et optimisme.

Nicolas Dufourcq : Avant d'ouvrir le portefeuille, nous disons toujours qu'il faut ouvrir les cœurs ! Autrement dit, il s'agit pour nous de changer les comportements et de faire en sorte que de plus en plus de talents aient le goût d'entreprendre. C'est désormais vrai pour les chercheurs, qui comprennent que l'avenir de leurs recherches passe aussi par la création d'une entreprise.

Notre action, à Bpifrance, s'étend donc à 360 degrés : nous travaillons tous les éléments de la performance, du capital humain au capital financier. Avec un succès certain, puisque les créations d'entreprises n'ont cessé de croître ces dernières années.

En quoi la deep tech et le concours i-Lab sont-ils emblématiques de cette ambition française ?

Frédérique Vidal : Le développement de la deep tech constitue pour nous une priorité, et pour cause : la deep tech est synonyme d'innovation de rupture, d'innovation qui transforme le monde en profondeur, d'innovation qui constitue un avantage concurrentiel majeur et qui crée des emplois. Les projets deep tech sont en général longs et coûteux, et ils impliquent de prendre beaucoup de risques, parfois trop de risques pour pouvoir être assumés par un entrepreneur seul. Le soutien de l'État est un message de confiance adressé à ceux qui créent, à ceux qui innovent : nous les accompagnons dans leur démarche, car leur réussite est celle de la société tout entière.

Le plan deep tech que nous avons lancé avec Bruno Le Maire et dont nous confions la mise en oeuvre à Bpifrance traduit cette ambition. Il couvre les différents besoins des innovateurs, avec des financements par subventions comme en fonds propres, à des stades très en amont ou plus avancés, et avec un important volet en faveur de l'accompagnement des entrepreneurs. Au sein de ce plan, le concours i-Lab, qui a fêté ses vingt ans et que le gouvernement a considérablement renforcé, est un outil original. Doté de 20 millions d'euros, il apporte un soutien incontournable aux entrepreneurs de la deep tech, à un stade très en amont de leur projet, au moment où tout peut basculer. En récompensant l'esprit d'entreprendre et l'excellence technologique, ce concours donne un coup d'accélérateur à des projets souvent issus de nos laboratoires de recherche, et qui ont toujours un fort potentiel de transformation de notre société.

Nicolas Dufourcq : Issue de la recherche en laboratoire, la deep tech doit, in fi ne, permettre de fabriquer des outils, des objets, des produits, dans des usines. L'avenir de l'industrie française passe donc par la deep tech. Les ouvriers sont devenus des techniciens en blouse blanche qui travaillent dans des usines dignes des labos, à l'image de celle de BioSerenity, une start-up spécialisée dans les vêtements connectés pour le suivi et le diagnostic de maladies comme l'épilepsie, à Troyes, dans l'Aube.

La Commission européenne s'est dotée d'un Conseil européen de l'innovation pour passer des découvertes scientifiques européennes à des entreprises capables de se développer rapidement. Y voyez-vous une forme de reconnaissance du modèle français ?

Nicolas Dufourcq : Absolument ! Non seulement nous avons un bureau à Bruxelles et une excellente écoute de la part de la Commission, mais nombre de pays en Europe veulent désormais se doter d'une plateforme très intégrée et présente sur le terrain, à l'image de Bpifrance.

Frédérique Vidal : Je me réjouis pleinement du lancement du Conseil européen de l'innovation, qui constituera une véritable agence européenne de l'innovation de rupture. La France a fortement soutenu l'émergence de ce Conseil, centré sur le soutien à des projets d'innovations émergentes à fort contenu technologique et la croissance d'entreprises qui portent des innovations de rupture. Nous partageons avec la Commission européenne et les États membres de l'Union européenne une même vision de l'importance de l'innovation dans les sociétés de demain, et nos initiatives nationales en matière d'innovation seront parfaitement articulées avec l'échelon européen.

Que manque-t-il encore à la France et à l'Europe pour lancer, comme on le dit souvent, le « prochain Google » ?

Frédérique Vidal : La France est à l'origine d'aventures entrepreneuriales remarquables, que l'on pense à Dassault Systèmes, Free, ou Ubisoft. Le premier enjeu, c'est donc de mieux reconnaître nos talents et de les faire rayonner à l'international. C'est tout le sens de la politique d'attractivité que nous menons, avec des initiatives comme Choose France ou Tech for good, qui ont d'ores et déjà profondément amélioré l'image de notre pays à l'international.

Pour aller plus loin, il nous faut davantage de projets de création d'entreprises innovantes, et davantage de moyens, notamment via le budget de l'Union européenne, afin de permettre à ces entreprises de se développer à un rythme extrêmement élevé. Nous agissons résolument en ce sens, en simplifiant et en encourageant la valorisation de la recherche publique - le projet de loi de programmation de la recherche, en cours de préparation, permettra sur ce point des avancées majeures. Nous agissons aussi en mobilisant des ressources financières qui accélèrent la montée en puissance en France d'un écosystème de capital-risque au meilleur niveau. La dynamique est aujourd'hui enclenchée : plus que jamais la France est déterminée à être une championne de l'innovation !

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