Election américaine : Twitter sanctionne les médias russes RT et Sputnik

Twitter veut limiter la diffusion de contenus sponsorisés russes sur sa plateforme largement critiquée aux Etats-Unis pour son rôle joué dans la campagne présidentielle américaine.
Grégoire Normand
Les représentants de Twitter sont convoqués devant le Congrès américain le premier novembre prochain dans le cadre de l'enquête sur la possible ingérence russe dans la présidentielle américaine.

Face aux critiques, Twitter multiplie les initiatives. Après avoir annoncé plus de transparence pour les publicités à caractère politique, le réseau social a indiqué, dans un communiqué publié ce jeudi 26 octobre, qu'il allait interdire aux comptes des médias russes RT et Sputnik de diffuser des contenus sponsorisés en raison de soupçons d'ingérence dans le déroulement de l'élection présidentielle de 2016.

"Cette décision se fonde sur le travail rétrospectif que nous avons effectué autour de l'élection présidentielle américaine et des conclusions des services de renseignement américain. Ces derniers ont ainsi indiqué que RT et Sputnik ont tenté d'interférer dans l'élection avec la complicité du gouvernement russe. Nous ne prenons pas cette décision de manière légère et l'appliquons selon notre engagement qui consiste à protéger l'intégrité de nos utilisateurs". Le réseau social a ajouté que cette décision avait "un effet immédiat".

Depuis plusieurs mois, les réseaux sociaux font l'objet de vives critiques pour leur rôle dans l'élection présidentielle américaine. Ils sont accusés d'avoir facilité la diffusion de la propagande venue de Russie pendant la campagne électorale qui a mené à la victoire, le républicain Donald Trump.

274.000 dollars de contenus sponsorisés

Convoqué devant une commission du Congrès américain enquêtant sur une possible ingérence russe dans l'élection américaine, un responsable de Twitter avait déclaré, le mois dernier, que RT (ex-Russia Today) "avait dépensé 274.000 dollars de contenus sponsorisés aux Etats-Unis en 2016".

Selon des chiffres rapportés par l'AFP, les trois comptes Twitter de RT "ont fait la promotion de 1.823 tweets qui visaient de façon certaine ou probable le marché américain. Ces campagnes ciblaient des utilisateurs abonnés à des comptes de médias traditionnels et mettaient essentiellement en avant des tweets concernant l'actualité", détaillait alors le groupe basé en Californie.

Le site de micro-blogging estime avoir perçu 1,9 million de dollars de la part de RT depuis 2011 dans le monde, pour des contenus sponsorisés, somme que le réseau social dit vouloir reverser à des chercheurs travaillant sur la façon dont Twitter peut être utilisé à des fins de manipulation politique.

> Lire aussi : Réseaux sociaux : comment les gouvernements désinforment l'opinion publique

Dans le cadre d'un accord commercial, les entreprises peuvent diffuser des messages sur Twitter en ciblant des audiences bien précises grâce à des algorithmes. Ainsi des tweets peuvent apparaître dans le fil Twitter de certains utilisateurs même s'ils ne sont pas abonnés à ces comptes. Ces tweets peuvent faire la promotion d'autres comptes, qui peuvent, eux-mêmes diffuser des "fake news" rappelle l'AFP.

Une proposition de Twitter selon les Russes

Face à la décision de Twitter, les médias et officiels russes n'ont pas tardé à réagir. La rédactrice en chef de RT Margarita Simonian a déclaré à l'agence russe Ria Novosti :

"Je dois reconnaître que je ne pensais pas que Twitter était géré par les services secrets américains, il me semblait que dire cela relevait de la théorie du complot mais Twitter vient de le reconnaître lui-même [...] C'est très dommage. Il est surtout dommage que les médias américains en Russie, maintenant, vont probablement sentir la douceur des mesures de rétorsion russes", a-t-elle ajouté.

RT a également affirmé jeudi que Twitter l'avait incité à payer des contenus sponsorisés dans le cadre d'une opération de promotion de la couverture des élections américaines par la chaîne de télévision russe. RT indique avoir refusé à l'époque cette proposition en raison de son "prix excessif".

How Twitter offered to "interfere" in US elections. For lots of $$. https://t.co/icV4cLZyT1

— Маргарита Симоньян (@M_Simonyan) 27 octobre 2017

De son côté, Sputnik a, sur son site internet, qualifié la décision de Twitter de "regrettable". Son service de presse a aussi indiqué à l'AFP "n'avoir jamais fait de promotion sur Twitter". Sputnik est suivi "par des gens qui en ont assez des médias traditionnels et qui cherchent une perspective alternative sur l'actualité", a-t-on ajouté de même source.

Enfin, le ministère russe des Affaires étrangères a également vivement réagi à l'annonce de la plateforme. "Nous considérons cela comme un geste agressif (...) qui est le résultat de la pression d'une partie de 'l'establishment' américain et des services de renseignement. Des mesures de rétorsion, naturellement, vont suivre", a déclaré une porte-parole du ministère à Ria Novosti.

600 comptes suspectés

Selon un groupe de chercheurs membre de The Alliance for Securing Democracy, près de 600 comptes Twitter sont suspectés d'avoir des liens avec des opérations russes sur la campagne américaine. Mais au mois de juin dernier, le vice-président de Twitter Colin Crowel avait indiqué que la plateforme ne devait pas jouer le rôle d'arbitre sur la véracité ou non d'un message posté sur Twitter.

"Comme Twitter est ouvert et en temps réel, la plateforme est le meilleur antidote à la désinformation quand les journalistes, experts et citoyens engagés postent des messages et n'hésitent pas à mettre en cause un discours public dans la seconde".

Interrogée par le New-York Times, la professeure d'université de Californie, spécialiste des médias et de la communication, Karen North a pris la défense des arguments de la compagnie. "Les fonctions de Twitter doivent être perçues comme un réseau de diffusion [...] Les gens disent des choses et chacun peut les entendre. Quand de fausses informations sont diffusées, les gens peuvent s'approprier cette fausse information et la remettre en cause". Reste à savoir comment les représentants des géants de la Tech vont se défendre devant la commission parlementaire au mois de novembre prochain. A quelques jours de l'audition des représentants de Google, Facebook et Twitter prévue le premier novembre prochain, la pression monte pour les Géants la Tech.

> Lire aussi : Facebook, Twitter et Google convoqués devant le Congrès américain

 (Avec agences)

Grégoire Normand

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Commentaires 2
à écrit le 27/10/2017 à 18:18
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En tant qu'habitant d'unpays de liberté et de justice, lire ou entendre "sanctions... en raisons de soupçons d'ingérence" me pose toujours un problème ethique énorme. normalement la présomption d'innoncence prévaut, et dans d'autres, la présomption d...

le 28/10/2017 à 10:41
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Ou plutôt une dictature déguisée en état de droit...

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