Éric Rochant, l'homme qui murmure à l'oreille des espions

La cinquième saison du « Bureau des légendes » se prépare. Éric Rochant, le co-créateur et réalisateur de la série culte y travaille... en secret.
Michel Cabirol
Éric Rochant, co-créateur et réalisateur de la série Le Bureau des légendes
Éric Rochant, co-créateur et réalisateur de la série "Le Bureau des légendes" (Crédits : Reuters)

L'info est béton : il y aura bien une cinquième saison de la célèbre série devenue culte Le Bureau des légendes diffusée sur Canal+. Une série sur l'élite des espions de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) considérée comme crédible et réaliste aussi bien sur la forme (décors, mobilier, objets...) que sur le fond pour les observateurs avertis. À tel point qu'aujourd'hui l'administration française a du mal à se fournir en un type de téléphones vu dans la série et donc exigé par les nombreux réalisateurs qui souhaitent tourner des fictions sur les services de renseignement. C'est Éric Rochant lui-même qui a confirmé la bonne nouvelle aux très nombreux addicts du Bureau des légendes et de ses agents clandestins, lors d'une soirée organisée par le Cercle européen de la Sécurité des systèmes d'information (SSI), qui réunit le banc et l'arrière banc des directeurs de la SSI, dont certains sont des transfuges très discrets des services français.

Dix nouveaux épisodes de 52 minutes pour la cinquième saison seront tournés. Ce qui impose un rythme d'enfer aux équipes de la série, qui doivent apprendre à « comprimer le temps » pour caser l'écriture, le casting, le tournage et la réécriture. « On ne cesse d'écrire une scène tant qu'elle n'est pas tournée , assure Éric Rochant. Tout se chevauche. C'est à ce rythme-là que l'on peut livrer dix épisodes par an », souligne le co-créateur et réalisateur (showrunner). Influencé par les films d'espionnage américains dans son adolescence, Éric Rochant apprécie dans ce genre cinématographique « la tension dramatique avec son lot de menaces, de dangers, de manipulations... et le contexte géopolitique et géostratégique du monde. Cela dépasse le cadre de la France. C'est tout cela qui m'a intéressé ». Cet intérêt, ce désir même, peut expliquer pourquoi il a eu envie de travailler sur la DGSE, qui, elle, a vraiment sauté sur l'opportunité pour en faire une formidable campagne de promotion du métier d'espion... et de la DGSE.

Des liens étroits avec la DGSE

« Quand j'ai voulu faire la série, je suis allé les voir pour les prévenir, pour travailler en bonne intelligence et pour avoir l'autorisation de filmer, explique le co-créateur de la série. Ils m'avaient à "la bonne" grâce à mon film Les Patriotes. Nous avons de bons rapports. C'est pour cela que je leur ai montré les deux premiers épisodes de chaque saison ». Car le réalisateur n'en était pas à son premier essai sur cette thématique : Éric Rochant s'est fait remarquer pour avoir réalisé Les Patriotes, un film d'espionnage fondé en partie sur des faits réels. L'inspiration pour écrire les épisodes du Bureau des légendes est notamment puisée dans l'actualité et dans les recherches documentaires... « On s'intéresse aux mouvements profonds du monde, à ses mouvements telluriques », précise Éric Rochant. Mais pas que, explique-t-on à La Tribune. La série serait-elle pilotée par la DGSE et/ou d'anciens de la maison ? Non, selon Éric Rochant. « Je n'ai pas envie qu'ils me racontent leurs secrets, cela m'inquiéterait beaucoup », assure-t-il. À voir... Titillé à plusieurs reprises pour dévoiler ce qui va se passer dans la prochaine saison, le showrunner de la série est resté muet comme une tombe : « Je ne parlerai pas de la saison 5, on est en train d'y travailler », a-t-il répondu sur un ton ferme. À chacun ses petits et grands secrets. Il faut dire qu'il a bien été sensibilisé à ce que veut dire le secret-défense au contact de la DGSE, avec laquelle il travaille en très bonne intelligence. D'ailleurs, lui-même communique avec son équipe via un des logiciels américains cultes de cryptographie renforcée mais gratuit, PGP (Pretty Good Privacy). Comme quoi... la fiction a déjà rattrapé la réalité d'Éric Rochant.

En bon showman qu'il est aussi, il a mis au défi les hackers de découvrir cette nouvelle saison. « N'importe quel hacker pourrait savoir ce qui va se passer dans la saison 5 », a-t-il affirmé devant une salle très fan de la série. Éric Rochant s'est donc très naturellement plongé dans le monde du cyber dans la saison 4 du Bureau des Légendes, qui a coûté 20 millions d'euros. Un monde qu'il estime angoissant pour les non-initiés - « un monde que l'on ne comprend pas et qui crée de l'angoisse et de la confusion ». La cyberguerre à laquelle se livrent aujourd'hui en coulisse les États est l'un des thèmes centraux de la dernière saison. Avec la Russie comme décor. Une Russie de retour en tant que puissance, que la quatrième saison de la série ne pouvait pas ne pas évoquer. Un pays passé maître dans l'art de la subversion des opinions publiques. « Les Russes ont une longue tradition dans ce domaine », rappelle Éric Rochant. Il a d'ailleurs dû se frotter à Kaspersky Lab, une société russe spécialisée dans la sécurité des systèmes d'information, qui n'a pas apprécié d'être évoquée dans Le Bureau des légendes. « Le boulet est passé près, a reconnu Éric Rochant. Je me suis expliqué avec eux et maintenant tout va mieux. Je pense qu'il n'y a plus de soucis mais la série traite de la réalité ».

Le cyber s'est donc naturellement imposé au co-créateur et à ses équipes. « On pouvait difficilement faire une série sur la DGSE sans avoir de la cyber. C'est une réalité incontournable. » Et donc pour comprendre un peu mieux ce monde-là, Éric Rochant a suivi un MOOC de Stanford sur le cyber. « Je n'ai pas tout compris mais j'ai réussi à faire quelques exercices », a-t-il avoué. Pour le réalisateur, ce monde reste également « un défi pour la mise en scène » quand il faut filmer des écrans. « Un comble » pour un réalisateur... mais « heureusement le renseignement électronique s'articule avec le renseignement humain. On est obligé de raconter des crises à la DGSE », expliquet-il. Ce qui lui a permis de raconter des histoires. Éric Rochant sait faire. Et même très bien.

Michel Cabirol

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