Google prêt à s'auto-censurer pour reconquérir la Chine

Par Anaïs Cherif  |   |  618  mots
Le géant américain Google avait retiré son moteur de recherche de Chine en 2010. (Crédits : ARND WIEGMANN)
Pour conquérir un marché potentiel de 772 millions d'internautes, le géant américain travaille sur une version censurée de son moteur de recherche. Google avait retiré son activité principale de Chine en 2010. Pour autant, la firme de Mountain View montre patte blanche depuis des années, en revendiquant sur le sol chinois 3 bureaux, 700 employés et un récent centre de recherche sur l'intelligence artificielle.

Google pourrait faire son grand retour en Chine... Le géant américain travaillerait en interne sur une version censurée de son moteur de recherche afin de se plier aux exigences de contrôle du Parti communiste, a dévoilé mercredi le magazine The Intercept. Baptisé "Dragonfly" (en français, libellule), le projet serait dans les tuyaux depuis le printemps 2017. Il aurait connu un coup d'accélération en décembre, suite à une rencontre entre le Pdg de Google, Sundar Pichai, et des représentants du gouvernement chinois.

D'après The Intercept, cette version censurée serait destinée au système d'exploitation Android. Ce moteur filtrerait les sites internet et les mots clés interdits par le gouvernement chinois. Le pays est réputé pour sa politique de censure de l'Internet, connue sous le nom de "Great Firewall of China" (en français, Grande Muraille électronique de Chine). La Chine bloque donc les réseaux sociaux tels que Facebook et Twitter, les plateformes comme YouTube, Google et Gmail, ainsi que de nombreux médias occidentaux, comme le Wall Street Journal ou encore le New York Times.

Démocratie et droits de l'homme classés liste noire

Parmi les thèmes classés sur liste noire pour la version censurée, se trouvent les droits de l'homme, la démocratie, la religion ou encore les manifestations. Pour autant, un retour imminent du moteur de recherche en Chine semble encore prématuré. "Les projets de ce moteur de recherche censuré ne sont pas achevés", affirme le Wall Street Journal, citant des sources anonymes. Selon le New York Times, Google a fait une démonstration devant des responsables gouvernementaux chinois, mais cela ne signifie aucunement un retour rapide dans la deuxième économie mondiale.

"Cela créera un terrible précédent pour beaucoup d'entreprises qui essaient encore de faire des affaires en Chine - tout en maintenant pour principe de ne pas succomber à la censure des autorités, a commenté auprès de The Interceipt Patrick Poon, chercheur de l'ONG Amnesty International. "Le plus grand moteur de recherche au monde obéissant à la censure est une victoire pour le gouvernement chinois - il envoie le signal que personne ne prendra plus la peine de contester la censure."

Un marché colossal de 772 millions d'internautes

Google avait retiré son moteur de recherche en 2010, invoquant une trop forte censure et des cyberattaques à répétition. Pour autant, le géant américain ne s'était pas totalement retiré du pays. Il dispose de trois bureaux avec plus de 700 employés. Certains de ses services, comme Google Traduction ou FilesGo (transfert de documents), sont également disponibles. En pleine opération séduction, Google a annoncé en décembre l'ouverture d'un centre de recherche sur l'intelligence artificielle à Pékin, ainsi qu'un accord de coopération avec le géant chinois de l'Internet, Tencent.

La plupart des groupes technologiques étrangers ont des déboires en Chine. Ils sont pris dans un dilemme : faire des concessions au pouvoir ou renoncer à ce marché gigantesque de 772 millions d'internautes en 2017 - le plus grand marché au monde. Ainsi, Microsoft y est ainsi présent via son moteur de recherche Bing. Apple est régulièrement sous le feu des critiques pour se plier également aux règles de censure chinoise. En janvier dernier, la firme à la pomme croquée a supprimé de son App Store l'application du New York Times sur la demande des autorités locales. Avant de plier de nouveau, en supprimant de son App Store les VPN - ces "Virtual Private Network" (en français, réseau privé virtuel) servant de logiciels anti-censure.

| Lire aussi : Chine, Russie... Pourquoi parle-t-on des VPN, ces logiciels anti-censure ?