Bitcoin, écologie ou cannabis, à chacun son réseau de "coworking"

Pour se faire une place sur le marché porteur des espaces de travail collaboratifs, de petits acteurs ciblent les publics en fonction de leurs centres d'intérêt ou de leurs thématiques professionnelles.
Avec la hausse de la part des travailleurs indépendants, les espaces de coworking sont amenés à se multiplier. Ici, à Galvanize, dans le quartier de Soma à San Francisco.
Avec la hausse de la part des travailleurs indépendants, les espaces de coworking sont amenés à se multiplier. Ici, à Galvanize, dans le quartier de Soma à San Francisco. (Crédits : Galvonize)

Avec ses immenses baies vitrées, ses imposants tuyaux d'aération en métal qui serpentent au plafond et son mobilier branché, l'ancien entrepôt, reconverti en espace de travail, est à la fois moderne et délicieusement rétro. Installés autour de grandes tables rectangulaires en bois, hommes et femmes, pour la plupart assez jeunes et vêtus de manière décontractée, pianotent sur leurs ordinateurs, discutent à voix basse ou tiennent conseil dans de petites salles de réunion prévues à cet effet. Près de l'entrée, un grand bar circulaire sert viennoiseries, cafés recouverts d'une couche de mousse onctueuse ou thés aux agrumes.

Nous sommes chez Galvanize, l'un des nombreux espaces de travail collaboratifs du quartier de Soma, à San Francisco. Cet ancien cœur industriel de la ville était naguère parsemé d'usines désaffectées et d'entrepôts à l'abandon, avant que le boom des nouvelles technologies ne lui sculpte un nouveau visage.

Un essor dû à la mutation profonde de la vie active

San Francisco est aujourd'hui la capitale américaine du coworking : on y dénombre un peu plus de 54 espaces de travail collaboratif pour 100.000 habitants, soit le ratio le plus élevé des États-Unis. Mais le phénomène remporte également un franc succès dans le reste du pays, et par-delà les frontières américaines. Ainsi, on compte près de 19.000 espaces de coworking dans le monde, là où ils n'étaient que 600 en 2010. Et ils semblent bien partis pour s'installer durablement dans le paysage.

En effet, leur popularité est étroitement liée à deux transformations profondes de la vie active : la hausse du travail indépendant et celle du télétravail.

Les indépendants constituent aujourd'hui un tiers de la population active américaine, part qui devrait passer à 50% au cours des dix prochaines années. Près de 4 millions d'Américains travaillent de chez eux au moins la moitié du temps. On en comptait 1,8 million en 2005.

Mais, contrairement aux idées reçues, les espaces de travail collaboratifs ne sont pas uniquement squattés par des salariés indépendants. Ainsi, la moitié des Américains membres d'un espace de travail collaboratif appartiennent à une petite entreprise, 12% à un grand groupe, tandis que 20% d'entre eux travaillent en solo.

WeWork, le géant américain du coworking, compte parmi ses clients des entreprises comme IBM ou Facebook. En outre, si ce marché connaît un dynamisme remarquable, il constitue également un secteur d'activité très compétitif, dominé par quelques acteurs, dont WeWork (qui a accru sa base d'utilisateurs de 370% au cours de la seule année écoulée), Regus ou encore Proximity.

Rassembler les passionnés de la Blockchain

Ainsi, pour se faire une place à l'ombre des géants, de nombreux lieux plus petits font le pari de la spécialisation. L'un des principaux attraits des espaces de coworking est en effet de mettre les utilisateurs en contact avec une communauté d'individus ambitieux et innovants, susceptibles de servir de mentors, de partenaires potentiels, ou simplement d'amis partageant des centres d'intérêt proches des leurs. Dès lors, pourquoi ne pas pousser plus loin cette logique et proposer des espaces thématiques rassemblant des individus travaillant au sein d'une même industrie ?

Ces espaces thématiques sont particulièrement populaires de l'autre côté de l'Atlantique. Depuis la création du bitcoin en 2008 par le mystérieux Satoshi Nakamoto, les adeptes de la blockchain et des cryptomonnaies forment une communauté de passionnés, toujours prêts à discuter avec entrain d'un nouveau protocole ou du dernier token à la mode.

À tel point que, comme l'écrit le journaliste de Wired Erin Griffith, le bitcoin constitue désormais un véritable style de vie et une composante identitaire.

Pas étonnant, donc, que plusieurs espaces de travail collaboratifs aient choisi de cibler cette communauté. C'est le cas de Liminal, en cours d'installation dans le quartier bohème de Bushwick, à Brooklyn. En plus de constituer un lieu d'échange et de partage pour les fondus de la blockchain, le lieu ambitionne de mettre cette technologie au cœur de son fonctionnement. Ainsi, Liminal compte générer sa propre cryptomonnaie, que les membres pourront utiliser pour réserver une salle ou acheter un café.

Depuis le quartier de North Beach, à San Francisco, ancien fief de la Beat Generation, Node répond à une ambition similaire. Lancé en janvier dernier, il organise chaque jeudi une conférence avec un spécialiste des cryptomonnaies. Comme nous sommes à San Francisco, le café est remplacé par des boissons à base de kratom et de kava, tandis que des ateliers mêlant méditation et discussions sur les cryptomonnaies sont organisés. L'ambition des fondateurs est d'inciter les passionnés de la blockchain à ouvrir d'autres espaces de travail sous la franchise Node à travers le monde, dans le but de créer un réseau décentralisé, clin d'œil au fonctionnement de la Blockchain. Le terme « node » fait référence aux « nœuds » du réseau Blockchain, chargés d'authentifier les transactions.

Le secteur du cannabis récréatif a aussi ses espaces

Depuis Los Angeles, Paragon propose de son côté un espace de travail collaboratif pour l'industrie du cannabis, un créneau également occupé par Gateway, à Oakland, près de San Francisco, ou encore par The Greenhouse, à Denver. Le secteur est, en effet, florissant dans les États américains ayant légalisé l'usage récréatif de la plante. Denver abrite aussi Green Spaces, un espace consacré aux entrepreneurs, investisseurs ou simples travailleurs dotés d'une sensibilité écologique.

En plus d'attirer les jeunes pousses mettant en oeuvre des solutions pour la protection de l'environnement, le bâtiment fonctionne à l'énergie solaire et recycle l'intégralité de ses déchets. Green Spaces travaille par ailleurs avec des associations et entreprises locales pour veiller à la préservation des écosystèmes.

Les exemples d'espaces collaboratifs spécialisés se déclinent ainsi dans le pays. À Milwaukee, The Oasis Coworking Community accueille de jeunes pousses mettant la technologie au service de la gestion de l'eau, BioLabs, installé dans plusieurs villes américaines, s'adresse aux startups des biotechnologies, tandis que The Wing et The Coven visent les femmes entrepreneurs.

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Commentaire 1
à écrit le 11/01/2019 à 18:25
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Du co-working, du bitcoin, des vieux entrepos recyclés en espace de travail collaboratifs, branchés et du cappuccino à la mousse onctueuse. Whaouo, trop bien! Finalement le gars branché de San francisco est une sorte de parisien qui fume du cannabis...

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