Prix Tech for Future 2023 : Sweetch Energy lance la révolution de l'énergie osmotique

Exploiter l’énergie pérenne et propre qui se dégage naturellement de la rencontre entre l’eau douce et l’eau salée dans tous les deltas et estuaires de la planète. L'innovation de rupture de Sweetch Energy positionne la pépite rennaise en pionnier de l’énergie osmotique et d’une nouvelle filière française d’électricité renouvelable. La startup vient de remporter le prix « Tech For Future 2023 », organisé par La Tribune, dans la catégorie Environnement et Énergie. Portrait.
Nicolas Heuzé, CEO et cofondateur de Sweetch Energy, remporte le prix Tech for Future 2023 de La Tribune dans la catégorie Environnement et Energie.
Nicolas Heuzé, CEO et cofondateur de Sweetch Energy, remporte le prix Tech for Future 2023 de La Tribune dans la catégorie Environnement et Energie. (Crédits : Georges Vignal)

Encore inexploitée, l'énergie osmotique prendra-t-elle une part significative dans la production d'électricité issue des énergies renouvelables d'ici à 2050 ? C'est l'ambition folle de Sweetch Energy, qui dispose d'une innovation de rupture unique au monde qui pourrait faire office de « game changer ». Alors que le marché du renouvelable devrait croître significativement dans le mix énergétique mondial, la société rennaise Sweetch Energy croit en la magie de l'eau. Elle fait le pari d'une nouvelle technologie qui, à terme, pourrait produire 15% de l'électricité de la planète.

Fondée en 2015 à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), la cleantech a mis au point un procédé pionnier de générateur de courant ionique, qui permet d'exploiter une énergie « massive, totalement renouvelable, permanente, souveraine, et jusque-là mise de côté » : l'énergie osmotique.

Générée lors de la rencontre entre deux liquides aux concentrations en sel différentes, cette énergie se dégage naturellement dans tous les deltas et estuaires de la planète. Et le temps de la recherche, qui s'est étalé sur des décennies au sein du CNRS, est terminé : afin d'amorcer le début d'une filière française, un premier site vitrine, d'une capacité de quelques dizaines de kilowatts (KW), sera installé à l'embouchure du Rhône en 2024.

Permanente et propre : l'énergie osmotique coche toutes les cases

« Chaque année, ce sont 30.000 TWh d'énergie (plus que la consommation mondiale d'électricité) qui sont libérés » calcule Nicolas Heuzé, cofondateur et directeur général de Sweetch Energy.

« La demande en électricité va doubler dans les années à venir. Les autres technologies renouvelables ne seront pas suffisantes. L'hydrolien n'est pas vraiment développé, l'éolien et le solaire ont comme limite leur intermittence et leur acceptation sociale. Pour accélérer la transition énergétique, il faut trouver une source permanente renouvelable et complémentaire. L'énergie osmotique coche beaucoup de cases » vante-t-il.

Imaginée dans les années 50, la production d'énergie osmotique s'appuie sur une technologie de membranes, entre lesquelles les ions des eaux douces et salées se déplacent et se mélangent pour générer un courant ionique.

Membranes biosourcées, efficaces, sans impact environnemental

« A l'époque, ces membranes étaient peu efficaces et très chères. Il y a dix ans, une découverte de l'équipe du professeur Lyderic Bocquet au CNRS sur la nanofluidique a changé la donne. C'est cette science que Sweetch Energy a mise en œuvre pour concevoir une membrane révolutionnaire beaucoup plus performante et biosourcée » explique Nicolas Heuzé.

Réputées vingt fois plus efficaces, cinq à dix fois moins chères que les précédentes avec un coût final du KWh au niveau des autres types d'énergie, ces membranes empilées et compressées ensemble sont installées dans des générateurs. L'énergie osmotique est capturée sans dégager aucune fumée ni nuisances sonores.

« Sorte d'électrolyseurs, ces stacks très modulaires sont de petites armoires de deux mètres de haut voire moins, que l'on peut placer sur une berge, en sous-sol ou sur une barge. Les eaux sont apportées par des tuyaux, puis le flux mélangé (saumure) retourne dans l'estuaire. C'est très doux comme système, il n'y a pas d'impact environnemental » assure Nicolas Heuzé.

Avec ses associés, Pascal Le Melinaire, spécialiste de l'innovation dans les secteurs de l'énergie et de l'eau, et Bruno Mottet, passionné de science appliquée, l'entrepreneur est ainsi passé en cinq ans de la mise au point technologique et de la preuve de concept à un projet industriel.

Sweetch Energy

[Visuel du premier site vitrine, d'une capacité de quelques dizaines de kilowatts (KW), qui sera installé en 2024 sur l'écluse de Barcarin à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Le principe de l'énergie osmotique est d'apporter les eaux douces et salées par des tuyaux dans de petites armoires conçues comme des électrolyseurs. Le flux mélangé (saumure) retourne ensuite dans l'estuaire]

Une usine puis un premier GW de puissance en 2030

Forte de 40 salariés, l'entreprise prépare le passage à l'échelle de sa technologie de rupture avec le soutien de l'Ademe, de Bpifrance, du Conseil européen de l'innovation et d'un groupe d'investisseurs privés (Go Capital, Demeter Ventures, Future Positive).

Avec EDF et la Compagnie nationale du Rhône (CNR), filiale d'Engie et de la Caisse des dépôts, Sweetch Energy installera un premier site vitrine technologique à l'embouchure du fleuve en 2024, avant un déploiement par grappe.

« Avec EDF Hydro, nous travaillons à l'indentification d'autres sites en France métropolitaine et outremer. On estime que l'installation de 500 mégawatts (MW) de capacité, soit un demi générateur nucléaire, pourrait alimenter 1,5 million d'habitants en électricité » fait valoir Nicolas Heuzé.

Sweetch Energy évalue que le potentiel installable s'élève à au moins 300 gigawatts (GW) de puissance. Dans les dix prochaines années, la cleantech souhaiterait exploiter 1% de ce potentiel soit 3 gigawatts, ou l'équivalent de trois tranches nucléaires. Pour installer son premier GW de puissance d'ici à 2030, l'entreprise anticipe un investissement de 5 milliards d'euros sur des déploiements en France et à l'étranger avec des partenaires.

La PME prévoit une première levée de fonds en fin d'année. Elle travaille avec la Région Bretagne pour identifier l'endroit où elle installera sa première usine en 2026.

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« Tech for Future » est le grand événement tech de La Tribune, piloté par les rédactions de La Tribune et soutenu par des partenaires officiels tels que la Mission French Tech, Bpifrance, Business France, BNP Paribas, Dalkia et Deloitte, ainsi qu'une centaine d'acteurs de la tech. Il se compose d'une tournée en janvier et février dans tous les territoires (11 étapes dont 8 en métropole et 3 en Outre-Mer), pour repérer les innovations qui changent le monde dans tous les domaines, et débattre avec l'écosystème sur le rôle économique, sociétal et géopolitique de la tech pour la France et l'Europe. Au terme de cette tournée, 51 startups de tous les territoires ont été primées. Parmi elles, La Tribune a révélé au Grand Rex de Paris, le 6 avril, les 10 grands gagnants 2023. Après sa victoire lors de la sélection dans le Grand Ouest (Pays-de-la-Loire, Bretagne, Normandie, Centre-Val-de-Loire), Sweetch Energy est le grand gagnant national dans la catégorie « Environnement & Energie ».

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Commentaires 3
à écrit le 07/04/2023 à 14:40
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Ce n'est pas nouveau, un démonstrateur suffisamment puissant a été créé par nanoflowcell en 2014...

à écrit le 07/04/2023 à 10:15
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Il n'y a strictement rien de nouveau, cherchez donc nanoFlowCell et vous découvrirez avec "stupeur" qu'un démonstrateur existe depuis 2014 sous la forme d'une automobile... c'est un remake

à écrit le 07/04/2023 à 9:04
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Ce n'est absolument pas une nouveauté. Il y a des expérimentations depuis 50 ans, notament en Hollande (Afsluitdijk). Et c'est polluant. Aussi bien en terme de production intense de saumure que de membranes usagées. Comment transformer nos estuaires ...

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