Internet mobile : pourquoi les Français sont si voraces ?

L’an dernier, les smartphones de l'Hexagone ont englouti 305.000 téraoctets de données, soit deux fois plus que l'an passé. Avec l’essor de la 4G, conjugué à la multiplication d’applications de plus en plus gourmandes en bande passante, les mobinautes sont de plus en plus accros. Explication.
Pierre Manière
Selon une étude Ipsos, deux heures de surf sur Internet avec un smartphone correspondent à une consommation de données oscillant entre 20 et 50 Mo.

L'énormité du chiffre interpelle. D'après l'Arcep, le régulateur français des télécoms, la consommation de données mobiles a flambé l'an dernier. Celle-ci s'est élevée à 305.000 téraoctets, soit le double de l'exercice précédent. Sachant que pour mémoire, un téraoctet (To) correspond à 1.000 gigaoctets (Go), ou encore 1.000.000 mégaoctets (Mo). Et qu'en moyenne, selon une étude Ipsos réalisée pour Prixtel en avril dernier, deux heures de surf sur Internet avec un smartphone correspondent à une consommation de données oscillant entre 20 et 50 Mo. Un chiffre qui augmente significativement lorsque ce temps est consacré au visionnage de vidéos : dans ce cas, le smartphone engloutira entre 100 et 200 Mo de données.

Certes, cette consommation exponentielle ne constitue pas une surprise. En France, la 4G est apparue il y a deux ans. Dans son sillage, on ne compte plus les nombreuses applications à chaque fois plus gourmandes en bande passante qui ont vu le jour. Avec le très haut débit mobile, la consommation de vidéos sur mobile explose. L'année dernière, Philippe Brun, le directeur de la data mobile chez Orange le constatait dans le quotidien Les Echos :

« Nous avons deux fois plus de clients actifs en 4G sur le streaming vidéo qu'en 3G. Par ailleurs, les applications TV sont beaucoup plus utilisées (de 33%) par nos abonnés 4G. »

Et pour cause : avec le très haut débit, les vidéos sont lisibles quasi instantanément, les temps de chargement s'étant réduits comme peau de chagrin.

La démocratisation des Blablacar, Tinder et Waze

Outre les réseaux sociaux (Facebook, Twitter...), les services collaboratifs de type Blablacar, Airbnb, ou Über passent de plus en plus dans l'usage courant. Et le m-commerce, pour sa part, flambe. En France, entre 2013 et 2014, les ventes sont passées de 2,6 à 4 milliards d'euros selon la Fevad, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance. D'après une étude de RetailMeNot, le marché devrait poursuivre sa croissance, et avoisinera les 7 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année. On peut citer les succès de Tinder et autres Happn. Ces sites de rencontres, utilisant parfois la géolocalisation, ont donné un nouveau souffle au marché en ciblant les mobinautes, et rien qu'eux. Dans les villes, la signalétique s'efface parfois au profit des applis Google Map et autres Waze. Enfin, plusieurs études en témoignent : plus de moitié des Français consultent leurs mails professionnels sur leurs smartphones en dehors de leurs heures de travail.

Autant de comportements qui favorisent la consommation de données. Résultat, au fil des ans, le téléphone sert de moins en moins à téléphoner. Catherine Lejealle, sociologue et enseignant-chercheur à l'ESG Management School, constate :

« On voit très bien que la part de la voix sur mobile diminue fortement. De fait, les individus sont de plus en plus fatigués de téléphoner. Ils préfèrent de plus en plus l'écrit, les SMS et les réseaux sociaux. »

D'après elle, ces outils ont dans bien des cas des vertus « moins intrusives » que le traditionnel coup de fil. Et permettent de s'inscrire dans un écosystème où les communications sont de plus en plus collaboratives, dans la vie privée comme au travail.

La vidéo, le langage des plus jeunes

Pour Catherine Lejealle, cette « hyperconnection » au mobile est favorisée parce que « trois verrous ont sauté » :

« Le premier est technique, puisque la 4G permet un accès aux réseaux bien plus rapide et efficace ; le second est financier, car en France, on dispose d'abonnements très avantageux à partir de 20 euros par mois ; le troisième est l'essor d'un environnement de plus en plus collaboratif et intelligent, avec l'avènement de la smart city, des objets connectés et du big data. »

D'après elle, la tendance va aller crescendo. Et notamment pour des raisons sociologiques. A ses yeux, si l'écrit et la photo constituent généralement les moyens de communication favoris de la génération Y (ou génération née entre le début des années 1980 et le début des années 2000), les plus jeunes ont massivement adopté la vidéo dans leurs échanges. Elle en veut pour preuve le succès de SnapChat.

SnapChat et ses 100 millions d'utilisateurs par jour

Il est vrai que la célèbre appli de partage de photos et de vidéos a le vent en poupe auprès des adolescents et jeunes adultes. Selon une étude réalisée l'an dernier par le journal en ligne Business Insider, 71% des utilisateurs de la plateforme ont moins de 25 ans, et 40% des jeunes de 18 ans affirment utiliser l'appli plusieurs fois par jour. SnapChat, qui a connu un essor fulgurant, ne compte d'ailleurs pas s'arrêter en si bon chemin. Lancée en 2011, l'appli a été valorisée aux alentours de 15 milliards de dollars selon des projections récentes. Elle rassemblerait quelques 100 millions d'utilisateurs par jour d'après Evan Spiegel, son patron. Ce dernier a en outre affirmé mardi qu'il souhaitait l'introduire en Bourse pour continuer à croître. Dans le sillage de ces gourmandes applications, il nous faudra bientôt oublier les téraoctets. Et passer au préfixe suivant, avec les pétaoctets.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 30/05/2015 à 19:06
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