L’IA et le numérique : danger ou chance pour la ville durable ?

PRISE DIRECTE. Les technologies numériques comme l’IA ou la 5G suscitent une certaine appréhension des usagers. Mais elles peuvent aussi aider à construire une ville durable. C’est ce qu’ont expliqué lors du Forum Zéro Carbone de la Tribune et la Mairie de Paris Quentin Barenne, cofondateur de Wintics et Jean-Philippe Clément, responsable de la démarche et des solutions data de la Ville de Paris pour le volet data, et Fabienne Dulac, CEO d’Orange France et Directrice Générale Adjointe d’Orange, Antoine Jourdain, directeur technique d’Enedis, Bertrand Serp, conseiller délégué en charge du logement, vice-président de Toulouse Métropole à la Transition Digitale et Sébastien Soriano, président de l’ARCEP pour les réseaux et technologies numériques.

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La smart city utilise les datas des services publics (éclairage, circulation, énergie) pour piloter plus efficacement ces infrastructures. Accusée d'être liberticide en raison de l'opacité dans l'utilisation des données personnelles, cette « ville intelligente » pourrait néanmoins être une des solutions pour faire baisser l'empreinte carbone des métropoles. Pour Jean-Philippe Clément, responsable de la démarche et des solutions data de la Ville de Paris, « grâce aux nouvelles capacités de calcul et de stockage considérables, la data est un outil très puissant pour optimiser les ressources de la ville ». Concrètement, il faut d'abord comprendre comment la ville est organisée pour quantifier l'impact des initiatives publiques. Données patrimoniales (équipements, bâtiments) et donnés de flux (mobilité, consommation d'énergie, gestion des déchets) sont nécessaires pour modéliser la politique publique.

Encore faut-il que ces informations soient de qualité, sachant que les sources de production de ces datas sont multiples et qu'il faut faire un travail préalable de nettoyage. Certaines données viennent de capteurs comme les caméras thermiques, d'entreprises privées telles que les GAFA ou d'applis comme « Dans ma rue » de la Ville de Paris. « Il faut capter ces datas mais le vrai enjeu et de les analyser de manière fine pour produire des indicateurs pertinents » explique Quentin Barenne, cofondateur de la start-up Wintics. Exemple avec les caméras thermiques installées pour monitorer la voirie. Wintics se sert de ce parc pour analyser le trafic des « coronapistes », ces couloirs pour vélos temporaires créés pendant le confinement. Sont-ils beaucoup ou peu utilisées ? Par qui ? « On peut pérenniser mais aussi corriger les mauvais usages, comme les deux roues qui empruntent ces pistes cyclables. Et comparer le vélo à d'autres formes de mobilité » détaille Quentin Barenne.

Technologies : stop ou encore ?

Autre exemple de cet usage de la donnée : l'arrivée des trottinettes électriques, un nouveau mode de déplacement qui s'est vite révélé anarchique. « Nous avons eu un échange de données avec les opérateurs pour comprendre et mieux réguler ce phénomène, notamment dans sa partie stationnement ». Avec comme résultat un plan de déploiement activé dans des délais records. Avec l'essor de la fibre et l'arrivée prochaine de la 5G, cette production de datas va exploser. Comment concilier les impératifs écologiques avec ces nouvelles technologies accusés d'être trop énergivores ? « Un débat a émergé cette année sur quelle type de société nous voulons construire, qui a soulevé la question de ces technologies, et plus globalement de l'innovation », remarque Fabienne Dulac, CEO d'Orange France. Elle rappelle l'engagement d'Orange d'aller chercher la neutralité carbone en 2040, avec par exemple l'éco-conception de ses box et leur recyclage. Orange veut récupérer 30 % des mobiles contre 15 % aujourd'hui pour les recycler. L'ARCEP, le régulateur des télécoms, a aussi capté cette inquiétude vis à vis de la technologie.

« Faut-il stopper cette explosion des usages ? Certaines entreprises prennent des engagements mais un doute subsiste sur leur volonté réelle. Nous proposons une solution intermédiaire, en s'assurant que ces incitations vont déboucher sur un vrai résultat », explique Sébastien Soriano, président de l'ARCEP. Accompagner sans brider, grâce à une collaboration avec l'association OuiShare pour mesurer l'impact des industriels. Des propositions qui seront dévoilées le 15 décembre.

Le distributeur d'électricité Enedis investit 4 milliards d'euros par an sur son réseau, et 1 milliard par an pour le rénover. « Nous avons 450 000 producteurs de photovoltaïque et d'éolien connectés à notre réseau, soit 24 Gigawatts, l'équivalent de 15 centrales nucléaires. Et nous allons continuer à développer ces énergies dans les quatre prochaines années », détaille Antoine Jourdain, directeur technique d'Enedis, qui va aussi intégrer les smart grids (réseaux intelligents) pour rendre le réseau bidirectionnel (solaire le jour, éolien la nuit). Enedis construit avec Orange un démonstrateur 5G à Marseille et utilisent ses 29 millions de compteurs Linky, qui captent les informations sur le réseau pour faire de la maintenance préventive.

La technologie doit-être acceptée par les citoyens

Un compteur connecté qui a, comme la 5G, suscité craintes et résistances. Des préoccupations « légitimes » selon Antoine Jourdain, qui souligne néanmoins que certains clients commencent à réclamer leur Linky pour bénéficier des nouvelles offres commerciales. À Toulouse, le débat sur les réseaux haut débit à impliqué 200 000 citoyens pendant cinq ans. « La 5G s'est imposée comme un outil d'attractivité pour nos territoires et les résistances sont faibles » affirme Bertrand Serp, conseiller délégué en charge du logement, vice-président à la Transition Digitale de Toulouse Métropole, « qui ne fera pas de moratoire ».

Partisan d'une écologie pragmatique, il pense que les citoyens souhaitent l'arrivée de ces nouvelles technologies : « sans la 5G, comment les communes rurales pourront-elles être connectées ? ». Fabienne Dulac cite deux exemples d'expérimentations de la 5G. L'un avec Schneider Electrique pour faire de la maintenance à distance en réalité augmentée, et l'autre avec Lacroix pour piloter les capteurs (chaleur, hygrométrie) des bâtiments. « Débridons la créativité pour que naissent des usages pertinents ! » demande la CEO d'Orange France. Sébastien Soriano, qui vient de publier chez Odile Jacob « Un avenir pour le service public », propose une intervention publique plus structurée qui se porte garante face à la place grandissante du marché : « comment avoir le beurre et l'argent du beurre ? L'agilité et la puissance de feu de la technologie, et en même temps une garantie pour le public ? Il faut que l'État sorte de sa posture surplombante et centralisatrice ».

À Toulouse, Bertrand Serp est d'accord : «  la technologie doit-être acceptée par les citoyens ». La métropole a donc créé les Challenges de l'Innovation pour co-construire une réflexion sur les nouvelles technologies pour la "ville du quart d'heure". Pour Fabienne Dulac, la France ne s'est pas précipitée par rapport à d'autres pays dans le lancement de la 5G, une mise en route qui a eu lieu « pendant une crise sanitaire anxiogène, ce qui a pu exacerber le débat ». Un retard français par rapport à la Chine et aux Etats-Unis qui n'effraie pas Antoine Jourdain : « la 5G est un appel d'air pour pouvoir gérer en temps réel l'ensemble de notre outil industriel, surtout avec l'arrivée prochaine de 10 millions de bornes de recharge électrique. Je suis très optimiste et confiant. Le monde ne s'est pas fait en un jour ».

Lire aussi : «Nous avons les instruments pour décarboner la totalité de la logistique urbaine d'ici 2026», Philippe Wahl, PDG de La Poste

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Commentaires 7
à écrit le 06/01/2021 à 16:00
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En y réfléchissant bien, on a autant d'information que l'on en soit saturé ou pas! Seul l'impression personnelle a de la valeur!

à écrit le 06/01/2021 à 12:40
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les gens ont plein de fantasmes sur les donnees, surtout ceux qui n'en n'ont jamais traitees! la realite est bcp plus complexe ( que juste mettre un tas de donnees dans un cnn, un gru ou un svm, outils que peux de gens comprennent in fine au pays av...

à écrit le 06/01/2021 à 10:39
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Les villes sont portés a disparaître au profit de simili caserne, je ne vois l’intérêt d'utiliser cette technologie!

à écrit le 06/01/2021 à 8:49
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La technologie est un outil, comme l'histoire de l'humanité l'a démontré, mettez un bon outil entre des mains obscurantistes et ils vont générer des catastrophes en série, mettez les entre des mains de gens exclairés et ils en feront des merveilles. ...

à écrit le 06/01/2021 à 8:40
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La technologie n'apporte rien en terme de durabilité ni d'agrément de vie. Elle est de plus en plus présente dans la vie des gens, l'organise, la contraint, l'encadre et insidieusement restreint les libertés. La ville a besoin d'air, pas de technolog...

à écrit le 06/01/2021 à 4:56
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La 5G est operationnelle en Coree du Sud, a Singapoor, a Tokyo et l'on observe partout des mutations telles des antennes qui poussent derriere les oreilles, des mains a six doigts ! C'est grave tres grave, que faire ?

le 06/01/2021 à 8:43
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@matins calmes Séoul, Singapour, Tokyo sont elles des villes "vivables". Ce n'est pas parce-que des gens y vivent que c'est vrai.

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