Vie privée et protection des mineurs : pourquoi TikTok est attaqué à Bruxelles par des associations de consommateurs

Après avoir examiné les conditions d'utilisation du réseau social TikTok, prisé par les adolescents et les jeunes adultes, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), qui rassemble plusieurs associations de consommateurs dont l'UFC-Que-Choisir, accuse la plateforme de "surexploiter" les données personnelles de ses utilisateurs, de ne pas assez protéger les mineurs face aux pratiques marketing et aux contenus inappropriés, et dépose une plainte auprès de la Commission européenne.
Sylvain Rolland
TikTok est accusé de surexploiter les données personnelles de ses utilisateurs et de ne pas protéger assez les mineurs face aux pratiques marketing et aux contenus inappropriés.
TikTok est accusé de "surexploiter" les données personnelles de ses utilisateurs et de ne pas protéger assez les mineurs face aux pratiques marketing et aux contenus inappropriés. (Crédits : Dado Ruvic)

Parfois, se pencher dans la nébuleuse des conditions générales d'utilisation (CGU), document jargonnant et souvent illisible de plusieurs pages qu'il faut accepter pour accéder au service, réserve de bien mauvaises surprises. C'est le constat établi par le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC), au sujet du réseau social TikTok, qui revendique 800 millions d'utilisateurs dans le monde, et qui est particulièrement prisé par les enfants de moins de 13 ans, les adolescents et les jeunes adultes.

En examinant dans le détail ses CGU, la fédération européenne et ses membres, dont l'UFC-Que-Choisir, ont décelé de nombreuses "clauses contraires à la loi" et accusent TikTok de "surexploiter" les données personnelles de ses utlisateurs à son bénéfice et de bafouer les droits des consommateurs encadrés par le RGPD, le règlement européen sur la protection des données. Par conséquent, le BEUC a annoncé mardi 16 février avoir déposé une plainte au près de la Commission européenne. L'UFC-Que-Choisir a également alerté la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF), et l'invite à ouvrir une enquête sur les pratiques du géant chinois.

Lire aussi : Pourquoi Tik Tok est au cœur des tensions entre la Chine et les États-Unis

"TikTok se donne le droit de faire ce qu'il veut des vidéos publiées"

D'après l'UFC-Que-Choisir, en acceptant les CGU de TikTok, ses utilisateurs l'autorisent à utiliser, modifier et reproduire toutes les vidéos postées sur sa plateforme, sans possibilité de s'y opposer. "TikTok se donne le droit de faire ce qu'il veut des vidéos publiées. Il n'informe pas clairement ses utilisateurs sur les données personnelles qui sont collectées, leur but et destination contrairement aux obligations du RGPD", tacle l'association française.

Les défenseurs des droits des consommateurs reprochent également à TikTok de ne pas protéger ses utilisateurs les plus jeunes, alors que l'application chinoise est utilisée en France par 11 millions de personnes d'après Harris Interactive, dont 35% des 15-24 ans, qui y passent en moyenne un peu plus d'une heure par jour. Plus problématique : alors que TikTok est en théorie interdit au moins de 13 ans, 45,7% d'entre eux déclaraient utiliser l'application d'après une étude de 2019 de l'agence Heaven. Or, le BEUC estime que les mesures mises en oeuvre pour protéger ce public vulnérable ne sont pas suffisantes :

"Il n'y a pas de réelle protection contre la publicité cachée et, surtout, des contenus potentiellement dangereux. Les marques se servent bien souvent des influenceurs pour lancer par exemple des concours de hashtags, et masquer ainsi leur véritable intention marketing. Par ailleurs, suite au triste drame italien lié au jeu du foulard, et aux vidéos sexuellement explicites parfois proposées aux utilisateurs après quelques minutes de visionnage, la capacité du réseau à protéger les mineurs des contenus inappropriés est clairement posée", alerte l'UFC-Que-Choisir.

Dans le viseur également : le système de monnaie virtuelle mis en place par TikTok. En plus des likes et des abonnements, TikTok encourage l'achat de cadeaux virtuels pour récompenser ses vidéos préférées. L'utilisateur est incité à acheter des pièces, ou coins, qui lui permettent d'envoyer des cadeaux à ses influenceurs préférés. "Rien de plus simple, quelques clics suffisent et TikTok met tout en œuvre pour que l'utilisateur oublie qu'il s'agit d'argent réel. Les associations de consommateurs européennes souhaitent lever le voile sur ces pratiques détestables qui incitent les adolescents, à fournir de l'argent à leurs TikTokeurs préférés", déplore l'UFC-Que-Choisir.

La plainte européenne déposée par le BEUC, vise donc saisir la Commission afin que soit lancée une enquête sur les pratiques de cette application très populaire.

Lire aussi : Les astuces des applis chinoises pour éviter un destin à la TikTok

TikTok au centre de nombreuses polémiques et d'une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine

Ce n'est pas la première fois, loin de là, que TikTok est pointé du doigt pour ses pratiques en matière d'exploitation des données personnelles et de protection des mineurs, et ce partout dans le monde.

Rien qu'en 2021, des observateurs américains ont accusé en janvier l'algorithme de TikTok de favoriser l'accès à des vidéos sexualisées mettant en scène des mineurs. Fin janvier, en Sicile, une fillette de 10 ans participant au "jeu du foulard" sur le réseau social est décédée, poussant les autorités italiennes à bloquer l'accès à TikTok aux utilisateurs dont l'âge n'est pas garanti.

TikTok est également l'un des symboles de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. En août dernier, l'ancien président américain Donald Trump a publié des décrets visant à exclure les acteurs chinois des services en ligne accessibles aux États-Unis, et notamment TikTok si leurs activités ne sont pas au moins partiellement détenues par des acteurs américains. La maison-mère de TikTok, le chinois ByteDance, avait jusqu'au vendredi 4 décembre à minuit pour vendre les activités américaines de l'opération, sous peine d'interdiction, mais elle a finalement obtenu un sursis pour mener à bien les négociations avec l'américain Oracle.

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Sylvain Rolland

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Commentaires 2
à écrit le 17/02/2021 à 7:19
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TikTok est chinois. Comment voulez vous que les notions de vie privée et de protection des mineurs soient respectées ? C'est même pas dans leur vocabulaire. Déjà que nos Gafam à nous, bien occidentaux, ni arrivent pas, ou ne veulent pas ...

à écrit le 16/02/2021 à 11:00
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Les entreprises privées ne sont pas là pour protéger les citoyens, jeunes ou vieux, elles sont là pour leur gagner du fric sur leur dos, un mode de fonctionnement vieux comme le commerce soit dit en passant. Normalement c'est le rôle des parents ...

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