La chaîne de télévision d'Oprah Winfrey est un échec

Les audiences de "Oprah Winfrey Network" sont extrêmement décevantes. La chaîne vient de licencier 20% de ses effectifs et pourrait perdre 141 millions de dollars cette année.
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La reine de la télévision américaine s'apparente de plus en plus à une reine déchue. Car s'il est encore peut-être trop tôt pour parler d'échec, les performances d'OWN ("Oprah Winfrey Network"), la chaîne de télévision lancée en janvier 2011 par Oprah Winfrey, sont en effet extrêmement décevantes. Selon Horizon Media, elle ne rassemblerait en moyenne que 250.000 téléspectateurs en prime time, soit autant que Discovery Health, la chaîne très confidentielle qui occupait précédemment son canal de diffusion. Les dirigeants d'OWN espéraient pourtant doubler cette audience avant la fin 2011.

Ces audiences plus que médiocres se sont logiquement traduites dans les résultats financiers de la chaîne. En 2011, OWN aurait perdu environ 107 millions de dollars selon les estimations de Derek Baine de SNL Kagan. Très loin de l'objectif initial, qui était de limiter ce déficit à 20 millions de dollars la première année. Et la situation pourrait encore empirer selon cet analyste: les pertes pourraient ainsi atteindre 143 millions cette année, en raison des coûts de production d'émissions qui ne fonctionnent pas et de ceux du plan social récemment annoncé.

312 millions de dollars déjà investis

A peine plus d'un an après le lancement, OWN a en effet licencié 30 de ses 150 employés la semaine dernière. "Ce n'est pas facile de prendre des décisions difficiles qui affectent la vie de plusieurs personnes, expliquait à l'occasion Oprah Winfrey. Mais le modèle économique d'une jeune chaîne du câble ne peut pas fonctionner avec la structure de coûts qui était la notre". La chaîne a également déprogrammé l'émission de Rosie O'Donnell, autre vedette de la télévision américaine débauchée pour 20 millions de dollars par an. Cette annulation a coûté 15 millions de dollars.

Pour assurer le succès de ce projet ambitieux, l'animatrice vedette s'était associée avec le groupe de médias Discovery Communications, qui a déjà investi 312 millions de dollars. "Je n'ai jamais vu Discovery investir autant d'argent en si peu de temps, analyse Derek Baine. Les audiences sont très éloignées des attentes. Cela serait une énorme déception pour le groupe d'être forcé à abandonner ce projet." Une option qui ne peut pas être écartée, estime-t-il. Une étude remplie "d'approximations et de mauvaises informations", selon Discovery, qui "reste confiant sur le futur d'OWN et sur la valeur à long-terme" qu'il construit.

Plus qu'une star du petit écran, Oprah est une véritable icône aux États-Unis. Première milliardaire afro-américaine, elle était en 2010, pour Forbes, la troisième femme la plus puissante du monde, à peine devancée par Michelle Obama et Angela Merkel (elle occupe la 14ème place dans le classement 2011). "OWN est la première chaîne à avoir été bâtie uniquement autour d'une personnalité", reconnaissait lors du lancement Tom Freston, ancien patron de Viacom, aujourd'hui conseiller d'Oprah. C'est l'"Oprah effect", le même qui fait vendre livres, disques, films et qui contribue à lancer des carrières.

Univers concurrentiel

Grâce à des accords avec les câblo-opérateurs, OWN était disponible à son lancement dans près de 85 millions de foyers américains, une visibilité rare pour une chaîne nouvellement créée. Selon le New York Times, elle serait parvenue à obtenir environ 25 cents par mois et par abonnement, un montant également élevé. Cela représenterait 255 millions de dollars de revenus garantis, soit déjà deux tiers de ses frais de fonctionnement. Le reste devait provenir de la publicité.

Les débuts d'OWN semblaient pourtant prometteurs. Selon les chiffres fournis par l'institut Nielsen, elle avait rassemblé 1 million de téléspectateurs le jour de son lancement (le 1er janvier 2011) en prime-time (de 20h à 23h). Seules les chaînes ESPN et USA avait alors fait mieux sur le câble américain. Le jour suivant, ils étaient encore 822.000 en moyenne, attirés notamment par la série de reportages dans les coulisses du "Oprah Winfrey Show", l'émission quotidienne qu'elle anime sur ABC depuis 1986.

Les gros "coups" ne suffisent pas

Mais les audiences se sont rapidement détériorées, notamment en raison d'une grille de programmes assez pauvre dans laquelle ne figurait pas Oprah, engagée dans la dernière saison de son "talk-show". Depuis janvier, elle anime le dimanche soir une nouvelle émission d'entretiens avec des personnalités, baptisée "Oprah's Next Chapter". Elle a réalisé quelques gros coups, comme l'interview exclusive de la fille de Whitney Houston, qui avait réuni 3,5 millions de téléspectateurs. Un épiphénomène.

La réussite du projet se heurte également à l'univers extrêmement concurrentiel de la télévision américaine. Sur le câble, plusieurs centaines de chaînes sont disponibles, avec des numéros pouvant atteindre les 4 chiffres. Imposer une nouvelle chaîne est donc toujours un challenge car les habitudes des téléspectateurs mettent du temps à changer. Sans compter que l'audience de l'émission quotidienne d'Oprah n'avait cessé de s'éroder ces dernières années, tombant sous la barre des 7 millions et perdant la place de leader qu'elle occupait depuis 23 ans.

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